Let’s have some fun… Après un énorme bouche-à-oreille, puisque on en parlait même en France !!! J’imagine qu’il était annoncé par des musicologues amateurs de Suicide (duo d’électro-pop minimaliste de l’époque post-punk) comme s’ils allaient ramener dans leur sillage un tas de sensations psycho-nihilistes prônant la non-réflexion, « let’s have some fun », « don’t think too much », etc. Mais ces musicologues honnêtes n’ont pas prévu qu’un mauvais coup a été joué aux MGMT (Management) pour qu’ils en arrivent à cet état embarrassant où même une nation globalement ignare de tout ce que le freak-folk et de folk tout court et d’électro un peu barbée a fait de plus commercialisable et identifié – sans que ce soit une critique pour désigner Devendra Banhart - parle soudain d’eux.
Auparavant duo sans histoire, Andrew Van Wyngarden et Ben Goldwasser ont malencontreusement signé en 2006 avec Colombia. De là est né le malentendu de MGMT groupe vendeur, promo rouleau compresseur, musique de publicités etc. Je n’ai pas envie d’en faire des tonnes sur le phénomène, mais je suppose qu’il faut soutenir les « maisons de disques »… Au niveau musicalité (ce pourquoi nous sommes là), exit les sonorités faites à la maison, pour l’occasion a été recruté Dave Fridman, qui a travaillé avec les Flaming Lips ou Mercury Rev. La production est donc d’un chrome sans défaut, assez loin de ce « qu’on » attendait du duo. Heureusement, il y a les titres Time To Pretend, Kids et Electric Feel pour faire honneur à cette charge de mammouth sans laine, toutes défenses dehors. Pas de subtilité ni de chaleur, mais une efficacité sautillante qui doit faire penser à la paire « au moins ça a le mérite de passer à la radio » tant ils désespèrent que leur message soit entendu.
A ce niveau là, je voudrais presque passer la parole à Maxime du webzine Album Rock pour qu’il explique comment le duo a su tourner cette mascarade à son avantage sans y perdre trop de plumes d’autruche. Les paroles de Time to Pretend questionnent ainsi intelligemment la jeunesse d’aujourd’hui, dispersée, idiote et vivant au présent dans le monde physique, mais gavée d’apparences, de jeux, d’avatars, de télévision, de tests de personnalité stupides et qui se fonde une crédibilité par messages interposés dans un monde virtuel. Cette description cruelle mais vraie de ce qu’est cette nouvelle génération laissée à l’hyperconsommation est angoissante – c’est même la chose la plus angoissante dont j’ai pris conscience depuis un bout de temps. Car finalement, mépriser le monde actuel revient à mieux se figer en son sein, et se révolter ne sert à rien, derrière nos écrans.
Après une première partie très efficace, la machine s’essouffle et nous aussi. Trop souvent, cela fait penser à du Tv On The Radio du pauvre. Reste les imprécations pessimistes derrière des titres tels que The Youth , Pieces of What ou Future Reflections. Le disque est en réalité un cauchemar derrière son glacis de bonne humeur, une montée d’adrénaline surnaturelle qui conduit irrémédiablement à chercher cette foutue plage de non-retour (l’été est la bonne période) où l’on prendra une photo de son corps désormais sans vie entre quelques vrais amis avant de planter définitivement la tête dans le sable. Il ne reste qu’à vous dire que ce n’est qu’un disque d’électro fourni par Columbia, mais vous n’y croyez plus ; deux gamins facétieux ont joué avec les crayons de couleur et tout, tout brouillé… Finalement, ils réussissent l’exploit de détourner notre dégoût, un moment, du disque, pour le porter sur nous-mêmes… On ne s’en resservira pas souvent, de cette soupe là. Mais qui sait ? Peut être finalement qu’en musique l’ironie martiale et la souffrance sur de belles harmoniques va être terrassée par ce genre d’aberrations vraiment menaçantes, agaçantes et uniformes.
- Parution : mai 2008
- Label : Columbia
- A écouter : Time to Pretend, Electric Feel
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