“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

Affichage des articles dont le libellé est vintage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est vintage. Afficher tous les articles

mardi 24 octobre 2017

BIG BIG TRAIN - Grimspound (2017)




OO
soigné, épique, vintage
Rock progressif


Big Big Train est un groupe au milieu du gué, selon les mots de Gregory Spawton, bassiste et fondateur du groupe. Contrairement à d'autres, à ce stade de leur carrière, ils n'ont jamais été meilleurs. Ils continuent de se consolider, reposant sur d'excellents descendants d'une lignée de musiciens aussi novateurs qu'intransigeants. Ils donnent vraiment l'impression que le rock progressif contient les meilleures possibilités musicales, dans sa combinaison de styles et sa structure attentive.

Il en existe, des capables de se vouer à l'excellence mélodique, mais Big Big Train reste à part. Leurs thèmes et mélodies renvoient à la matière légendaire de la culture britannique, née des campagnes, et leurs formats héroïques évoquent les destins intemporels de grandes figures de la nation. Big Big Train est en train d'obtenir une reconnaissance internationale, et même s'il leur est difficile d'être aussi importants que certains de leurs modèles reconvertis en stars de la pop, ils s'y emploient. C'est sur les traces de Peter Gabriel, de Genesis, qu'ils s'orientent en enregistrant aux studios Real World. Et c'est pour en dégager un travail considérable ! Deux (doubles) albums reposant sur des tournures communes, celui-ci et The Second Brightest Star.

Tout du long, ils maintiennent vivace ce style plein de tensions rock, rendu intemporel par Genesis. Ils s'alignent exactement sur cette époque révolue, dont ils rendent le charme et le chatoiement de nouveau parfaitement actuel.

La qualités musicales sont la première force d'attraction de Big Big Train. Leur précision, leur capacité à jouer serré, entrecroisé. La structure des morceaux est d'une rare finesse : tout groupe qui souhaite faire durer durer une chanson au-delà de six ou sept minutes doit réfléchir à la récurrence des éléments mélodiques, à la fréquence des refrains, etc. Les considérations semblent avoir été maîtrisées par Big Big Train grâce à l'arrivée de nouveaux musiciens, connaisseurs de l'histoire de cette musique typiquement anglaise.

Au cœur de leurs albums on ressent la musique diffuse capable de reprendre corps, brusquement étourdissante.

La tension dramatique est également servie par les refrains évoquant comme des plaidoiries, largement poétiques, pour un monde plus fantaisiste, plus responsable, plus vaillant.

La composition apporte des tournures souvent à la fois naturelles et réjouissantes. Brave Captain nous engage dans un voyage vers le passé, avec une tendance épique qui rappelle Iron Maiden et le renouveau du metal britannique dans les années 80. Les influences de Big Big Train ne s'arrêtent ainsi pas à Van der Graaf Generator ou Genesis. Elles suivent une logique qui puise certes plus dans le folk et la pop que dans le metal, au service d'une riche orchestration. Mais on trouve avec On The Racing Line un peu de jazz tellurique, à la manière de The Esbjörn Svensson Trio.

Leur voyage est brave et suppose une boussole réussissant les points cardinaux. Une musique si vaste nécessite un point d'ancrage, une place où se tenir. A aucun moment le groupe ne semble perdu dérouté, désaxé.

Sur Experimental Gentlemen ils fusionnent encore mieux le fond et la forme, explorant l'histoire. Synthétiseur vintage et violon créent des textures à la fois organiques et spatiales,garantissant l'immersion, tandis qu'une mélodie entêtante évoque Kraftwerk. Mais elle est ici proposée par un sursaut de violon, et se retrouve vite plongée dans les entrecroisement de piano, de guitare électrique, la combinaison d'un émerveillement littéral. La coda du morceau apporte une grande suavité, dans une fusion de jazz et de soul évanescentes, se dissipant dans un fondu terminé par un ultime balayage des claviers atmosphériques.

Poésie et mélodies sont portées à un état de grâce sur Meadowland. La délicatesse des guitares laissent présager d'une direction complètement romantique, mais la suite révèlera l'extraordinaire exigence d'un groupe qui ne s'en tient pas à une manière, mais innove sans cesse dans ses projections.

Grimspound érige un autre cordeau narratif et mélodique commun avec The Second Brightest Star. La chanson, éminemment romantique, a cette volonté de résumer la mythologie du groupe, telle qu'elle est perçue tout au long de deux heures de musique, car ce qui se trame dans cette chanson irrigue toute l’œuvre. Ainsi, le second album ne sera constitué seulement de reprises thématiques de celui ci : il y répondra et viendra enrichir la matière du groupe.

A Mead Hall In Winter, avec ses quinze minutes et sa partie très dynamique vers la fin, nous incite à cette écoute attentive et répétée, au risque de lasser. Ce n'est pas ainsi que Grimspound devrait être le mieux apprécié, mais écouté de bout en bout, avec The Second Brightest Star, inlassablement. Big Big Train ne cherche pas à valoriser une chanson plutôt qu'une autre. Il n'y a pas ici de pièce maîtresse, pas de grand œuvre central. Chaque morceau tend vers une autre, et l'écoute se fait sans frontières. On ne sait plus toujours où se termine une chanson et où démarre une autre.

La dimension littéraire et lyrique du groupe peu alors pleinement être appréciée. La dimension épique de A Mead Hall in Winter continue de donner l'impression que le point décisif d'une quête a été atteint, mais c'est une astuce narrative plutôt qu'une réalité. Grimspound joue des illusions de bien-être et d'achèvement pour décrire le travail d'une âme sans repos, d'une humeur volatile, d'une mémoire fragile que l'auditeur est mis dans la confidence pour préserver. C'est une histoire ancestrale qui se transmettrait oralement. Et la fonction des mélodies est de nous la rendre plus affective, de nous aider à nous identifier aux messages positifs qu'elle véhicule et, dans un second temps, de prendre conscience de sa teneur mélancolique. As the Crow Flies, encore puissamment métaphorique, nous appelle à garder à distance les puissances corruptrices, pour préserver la singularité de Big Big Train, sa geste héroïque telle qu'elle est entrée dans notre mémoire.

mercredi 18 octobre 2017

SMOKY TIGER - Great Western Gold (2017)


OO
audacieux, vintage, frais
Pop, blues


Si l'on écoute Great Western Gold dans le détail, il paraît un peu comme l’exploit d'un homme n'ayant jamais enregistré ses chansons auparavant. La simplicité didactique des paroles, le côté sensationnel des histoires racontées – celles de hors la loi et d'indiens ayant vécu « not so long ago » et d'occultisme climatique – viennent droit de Manitoba, canada. Ces histoires n'ont jamais été racontées, et elles le sont avec cette conviction. 


Pour éveiller ces histoires remontant parfois au XIXème siècle, le mystérieux Smoky Tiger emprunte au rockabilly des années 50. Son baryton évoque Johnny Cash, ce qui sied à merveille, puisque le pénitencier est le lieu où résident beaucoup de ces histoires. Vous ne les trouverez pas à la bibliothèque, où elles auraient trouvé le repos. Comme en témoigne Smoky Tiger, ce sont des légendes déambulant dans les couloirs et les allées, attendant qu'un médium les restitue.

La drôle de maturité de Great Western Gold en fait un album d'adultes, à l'image de ses personnalités licencieuses : des durs connus pour la façon dont ils ont persévéré, toute leur vie, à se rebeller, et dont le fantôme viendra s'assurer que vous n'ayez pas raté un épisode de leur pulp fiction. Jets Anthem, avec son break à l'orgue hammond, explore la modernité, de façon toujours mythologique : « Back in the seventies/We where the champs » On pense à We Will Rock You.

Smoky Tiger a trouvé sa vocation il y a une dizaine d'années, puisque un album existe déjà sous son nom en l'année 2009. Sa voix parfaitement maîtrisée montre bien qu'il sait exactement quoi en faire. Une voix de balladin ayant défié les éléments, et quand il rocke, sur Bloody Jack, on dirait Tom Rush en plein pastiche sur Who Do You Love ? Le pont, lugubre, assure que même la mort ne laisse pas ce héros tranquille. La mère du bandit s'en va trouver un sorcier vaudou pour le faire ressusciter. L'ambiance décrépite de se grand moment de narration, puis la fin déchaînée du morceau, est l'un des meilleurs moments de l'album.

Flying Bandit, une histoire de détrousseur de banques, est agrémentée de bossa nova. Tout ce qui pourrait paraître semi délirant, comme de mêler les sons de jeux d'arcade électroniques à ce backdrop exotique, plus des accords en power chord et des harmonies dans la tradition des vieux studios américains, tout cela est parfaitement vrai. Le mélange des genres donne des ailes à Terry Fox (un athlète unijambiste canadien), avant que la chanson ne se termine avec un message révérencieux, passé comme un relais à travers les âges « Stay strong ».

Puis démarre une deuxième moitié de l'album, peut -être plus incroyable encore. Deux chansons autour de sept minutes, la première, un blues hypnotique et brûlant où « Tommy Prince was a natural born killer. » Elle décrit un héros de guerre populaire canadien, avec saxophone énervé et guitares blues rock. Plus loin la voix de Tiger devient carrément celle de Tom Waits. L'évocation de Winnipeg, omniprésente dans l'album rappelle qu'il s'agit d'un disque de ce cartel terrible, Transistor 66. « I must sing this sad song/It's a story you should know/I've yourd heard of Big bear/He was a leader here » démarre Big Bear, moins austère que ses premièrs abords le suggèrent. L'histoire d'un chef indien désireux de défendre les droits des siens, et dont ces sept minutes de magnificence constituent l'éloge universel. 

Purple City Glow nous ouvre les portes d’un monde de secrets et d’excès. «The Pool of the Black Star n’est pas une référence à David Bowie, comme me l’expliquera Courtnage après avoir lu dans cette chronique une allusion dans ce sens . «J’ai été scotché qu’il fasse cette chanson, Black Star, bien après que la mienne ait été écrite. Il y a un hall mystérieux à Winnipeg appelé  the pool of the black star, dans notre building légilatif. » Des chœurs sépulcraux s’associent bientôt. 
Louis Riel revient, à travers le portrait d’un instigateur de révolte, au temps de la chasse au bison, déjà évoquée dans Warden of the Plains. C’est peut-être une histoire d’après guerre, cette fois, mais celle d’hommes toujours tributaires d’un immense passé, bâti de règlements de comptes et de procès expéditifs. Un monde où il valait mieux être artiste derrière des portes closes que de respirer trop intensément l’air de la piste sauvage, ou encore de chercher de intéressements dans la politique locale, au risque de finir pendu. 



Ecouter l'album : 
http://www.transistor66.com/smokytiger

jeudi 12 octobre 2017

SCOTT MILLER - Ladies Auxilliary (2017)



O
vintage, apaisé, romantique
Folk-rock, country



Ladies Auxiliary s'ouvre avec Epic Love, une ballade folk-rock romantique où la voix de Scott Miller, plaintive et éloquente, évoque celle de Chuck Prophet. C'est un homme entre le sérieux et l’auto dérision. Il s'inscrit là dans la trace d'un songwriter comme Sam Houston, avec qui il partage la vallée de Shenandoah, dans l'ouest de la Virginie. Dans cette contrée, on est toujours un peu sauvages, clame Miller dans ce disque apaisé et encore jeune, celui d'un homme qui, après avoir connu le music business avec l'aide de Steve Earle, a refait sa vie comme éleveur de bétail, désormais lové entre ses collines et toujours partant pour un hommage à la rivière.

Le charme opère rapidement, et on s'attache à ce type d'album révélant ses différentes facettes, entre sonorités traditionnelles de Appalaches (banjo, violon...) arrangements jazzy vintage (la présence de contrebasse), et carrément rockabilly (Mother in Law). Jackie With an Eye swingue élégamment.

Son énergie rappelle le texan James Mc Murtry, surtout lorsqu’on arrive sur Middle Man et Lo Siento, Spanishburg, West Virginia. Dans la première, il raconte sans ambages son enfance, celle d'un fils de la campagne, un patelin où la vie sociale tournait autour de la chasse, finalement attiré par la littérature, puis la peinture et qui enfin appris trois accords à la guitare. La suite et connue, elle implique de la camaraderie, de la passion et quelques des vérités profondes.

Avec tendresse, il évoque sur la seconde Spanishburg, une ville vidée de ses habitants qui se repeuple lorsque ceux-ci atteignent la retraite, comme un troupeau rentré à l'étable. On sent qu'il recherche les mots justes, jamais très loin de raconter frontalement un drame, comme en s’adressant à une suicidée sur Someday / Sometime. Son sens de la métaphore laisse soupçonner des complexités cachées sous la simplicité de ses mots. C'est en toute humilité qu'il espère une reconnaissance méritée.

Miller est accompagné d'un groupe entièrement féminin, d'où la pochette humoristique qui voit leurs efforts comme une bravade féministe.

dimanche 24 septembre 2017

DAVID RAWLINGS - Poor David's Almanach (2017)



O
Doux-amer, vintage, ludique
Country folk

Je suis toujours presque incapable de chanter une chanson sans musique en arrière plan, même si cet album est plein de mélodies faciles. Ressentant une certaine timidité à reproduire en les chantant l'exubérance et la vitalité de ces folk songs, il faut pourtant bien en parler. 

On perçoit peut-être ce genre de folk rural comme une chose charmante et vieillotte, sans imaginer ce charme-là, vénéneux, qu'ont su insuffler Gillian Welch et David Rawlings. Leurs carrières sont liées, sans académisme. C'est une relation à l'américaine, entre complicité et relâchement. Rien de remarquable, si ce n'est que la musique produite ensemble les a tous deux distingués, séparément, parmi les meilleurs de leur classe, artistes capables de restaurer la vigueur aux racines de la musique populaire, en jouant sur sa capacité à déjouer son obsolescence et à se ressemer. Peut-être leur relation donnera t-elle l'occasion un de ces jours à Rawlings d'écrire une de ces chansons un peu narquoises dont il a le secret, comme dans cet almanach du « pauvre David ».

C'est un album de consistance, avec chaque chanson remontant à sa propre légende. Rien d'autre que la voix et la guitare typées de Rawlings pour entamer cette collection. Mais cette voix se détache par une tendresse plus grande d'un couplet à l'autre, et la guitare gagne un relief étourdissant dans son jeu reconnaissable entre mille. La présence de Welch souligne leur parenté artistique. Les chansons de Welch restent toutefois plus longues, plus tristes, plus intenses.

La légèreté ici à l'oeuvre dégage de l'amusement et de la joie, même dans les envolées mélancoliques de Airplane, l'une des plus réussies. Cumberland Gap et Guitar Man renvoient, dans leur indolence, à la rage étouffée de Neil Young circa 1974-1976. Mais les plus mémorables sont les plus amusantes. Come on Over my House ou Good God, a Woman ont cette perfection offrant à l'album la possibilité d'être entendu dans les centres commerciaux. Même si dans un cas, il s'agit de l'histoire d'un médiocre fantasmant sur sa voisine, et dans l'autre de la plaidoirie d'Adam, jour après jour, pour que Dieu lui crée la femme. On apprécie ces allégories et métaphores aux personnages parfaitement campés, et la façon dont les harmonies vocales soignées leur donnent une épaisseur.

On a l'impression d'un répertoire intemporel, décrivant les tentations au socle du monde, sans détresse, mais avec une insouciance capable de maintenir les ombres à distance. Lindsey Button montre bien ce détachement irradiant dans tout l'album : c'est la dévotion d'une jeune fille, il y a très, très longtemps, insiste la chanson. Maintenant, tous ceux que son histoire intéressait sont morts, et qui s'en souvient ? Finit par questionner Rawlings. La complaisance des personnages, ou leur inconséquence, sont parfois l'amère vérité enfouie dans ce caractère suranné. Pour ceux qui n'ont pas vécu il y a très, très longtemps, à cet endroit là, il est difficile d'imaginer les relations de causes à effet, et comment, déjà, on s'inquiétait de l'avenir du monde. On condamnait l'illusion de la jeunesse, cherchant à la ramener dans un giron sans chaleur ni tendresse. On trouvait bien étrange et risible notre propre pauvreté. Mais ces vérité ne prend jamais ici la même ampleur dramatique qu'avec Gillian Welch. Leurs chansons sont, ainsi, complémentaires.

mardi 8 août 2017

DEMON HEAD - Thunder On The Fields (2017)



O
lourd, vintage, sombre 
Heavy metal, rock, doom

Des chansons à la précision métronomique du post punk, dont les danois sont fréquemment épris, une imagerie et des riffs heavy metal, des arrangements de rock gothique, une voix et des échappées doom metal, Demon Head porte son romantisme dense et resserré. Claustrophobe à certains endroits, on ressent l’œuvre d'un groupe enregistrant live dans un espace confiné. Ils se démarquent aussi par leur habileté à reprendre des canons du hard rock vintage mais sans paraître vraiment nostalgiques d'une époque, comme insaisissables.

De la pochette à la rigueur des compositions, Thunder on The Fields se veut comme la quintessence d'un groupe signant chaque intro de cordes lugubres, mêlant les sonorités mornes et un sens de la mélodie évocateur. Le chant et les guitares œuvrent comme d'une seule main, produisant une langueur, un condensé de torpeur. Peu à peu, tandis que vient la face B, succédant à une face A millimétrée, se dessine la seule justification possible à la musique du groupe. Il s'agit de produire des faits, de mimer l'angoisse dans un pays où il ne se passe jamais rien. « Nothing happens by itself » chante sur Hic SVNT Dracones. Les doutes existentiels sont sincères, et renvoient à un sentiment de sa propre inutilité dans un monde qui n'a pas besoin de nous pour ne rien produire d'utile ni de marquant. Thunder on the Fields évacue ces sentiments à demi raisonnés parce qu'en groupe, finalement, on peut toujours donner ce sens limite à l'existence. Le plaisir d'être ensemble et de bien jouer triomphe de tout.

https://demonhead.bandcamp.com/album/thunder-on-the-fields

dimanche 9 avril 2017

R STEVIE MOORE & JASON FALKNER - Make It Be (2017)




O
ludique, extravagant, vintage

Power pop, lo-fi

Un album qui agite les neurones et donnera envie à ce qui ne le connaissaient pas de sonder R Stevie Moore - ou pas. Dans sa cinquième décennie de musique, le chantre de l'amateurisme pop, dont certaines mélodies ont été capables de rivaliser avec les groupes les plus doués, mérite sa place dans votre set-list. Il s'occupe seul, ne demande presque pas de soins. Et il peut ramener à la maison un ami de temps à autre. Une fois que vous aurez fait l'expérience du résultat, vous n'aurez plus rien contre. L'un pondéré et l'autre hyper spontané, encore précoce à son âge, la paire Falkner/Moore semble profitable aux deux d'entre eux, et en résulte un album qui ne se résout jamais. « I accept the risk of nocturnal emissions. » chante Moore sans bonhomie, pour une fois, sur le monocorde That's Fine, What Time ?

Make it Be passe avec vous un contrat de réciprocité que vous seriez bien en veine d'accepter. Ou bien ça vous ferait rater I Am The Best For You, capable de dresser les cheveux sur votre tête. Falkner use au mieux de l'excitation de Moore en lui adjoignant des power-chords. Ce n'est comparable à rien de charitable, mais ils ne sont pas là pour s'excuser. La participation de Falkner s'apparente tout du long à une forme de connivence enchantée, voir par exemple Another Day Sleeps Away. Ailleurs, le pastiche ridicule de Stamps précède l'excellent pouvoir sixties de Horror Show, à écouter aussi fort que les Who pour chasser les forces du mal tentant de s'installer face à chez vous (sous forme d'affiches hideuses préparant l'élection présidentielle). Dans ces cas là, on a toujours envie de voter pour le plaisir de l'instant.

R Stevie Moore puise sa meilleure énergie dans la décennie de la libération sexuelle, et joue du contraste de toutes ces libertés suggérées et de paraître un nerd enfermé dans sa chambre en train de compulser sa guitare et l'informatique musicale. La culture du sample et du loop l'avait éloigné peu à peu de l'écoutable. Il démontre qu'il sait toujours faire dans l'ambivalence avec le très réussi I Love Us, We Love Me. Il ne change pas sa manière de procéder : s'il a envie de caser une reprise de Huey Piano Smith and the Clowns sur son album, il le fait. Don’t You Just Know It nous ramène à la fête et à la rue mieux que les Doors de Strange Days, et montre un disque bien nommé, faisant exister le tracklisting absurde que d'autres ont à peine osé imaginer.

Inutile d'être trop précis quant à qu'il convient de dénoncer, noblesse et respectabilité, quand on est capable de finalement faire converger l'auditeur, par des mimiques et l'énergie consumée, dans une sphère intime où se devine la révérence profonde envers des groupes comme Big Star et Thunderclap Newman. Même dans le lo-fi, cette classe au son écorché, les chansons ont la possibilité de devenir intemporelles si elles sont bien conçues à l'origine. En témoigne Play Myself Some Music, réenregistrée maintes fois par Moore et reprise ici par Falkner. Elle est la preuve ravivée du triomphe de cette esthétique pop différente.

« We got to get out of here if it's the past thing we ever do ! » braille Moore d'une voix de pochard. Politique, paranoïa, pollution, tous les sujets ennuyeux présumant la disparition lente et certaine de notre humanité sont moqués comme d'affreuses bondieuseries. On perdrait notre temps à argumenter. Il y a un esprit de fun et de liberté, une envie de tout bazarder qui nous gagne, dès l'entrée en matière I H8 PPL (lire I Hate People) et c'est un sentiment enivrant.

mardi 14 mars 2017

MARTIN WORSTER - You (2017)




O
fait main, contemplatif, vintage

Pop rock

You est de ces albums, qui, même imparfaits, nous affectent par leur beauté inattendue, la passion qu'ils véhiculent, s'attardant, explorant des temps ralentis, des époques de façon tellement passionnée. Le britannique Martin Worster a bien fait de combiner ses chansons les plus personnelles, les plus anciennes, à des productions années 80. La gravité dans sa voix comble le temps écoulé.

Du point de vue technique, You aurait pu sortir au alentours de 2003. L'informatique qui y est utilisée s'arrête à peut près là : ensuite, commencent les fantômes, le vague à l'âme, traînent les passions pour des groupes des années 80, mieux réutilisées que prenant la poussière. L'album n'est pas un simulacre des tentations d'aujourd’hui, mais émule des souvenirs de triomphes pop introspectifs. Faire revivre des sons qui nous ont fait vibrer, une mélancolie, un certain romantisme définitivement arrêté quand Radiohead sortit Ok Computer. On entend des sons, des productions nous évoquant des souvenirs que nous ne sommes pas sûrs d'avoir réellement : des rêveries spatiales. 

Words Unsaid nous affecte comme Ed Askew dans son dénuement, la façon dont sa voix recherche un timbre, une mélodie, quelque part, aussi, dans la lignée synthétique de New Order. Les sonorités froides ne l'empêche pas de produire des morceaux chaleureux. Des tonnes de sentiments à partager, depuis son studio, et il y parvient, parachevant les meilleures compositions de soli de guitare rétrospectifs. 

Comment tirer des frissons du temps passé devant votre PC ? Même là, vous pouvez avoir du fun, même s'il faut de la patience et deux-trois écoutes. Ne pas rater Helping Hands et Old à la fin, où Worster semble imaginer une suite à The Division Bell.

https://martinworster.bandcamp.com/album/you

samedi 25 février 2017

CHUCK PROPHET - Bobby Fuller Died For Your Sins (2017)



OO
Romantique, vintage, engagé
Rock


Ian Hunter et Alejandro Escovedo ont tous deux sorti un bon album en 2016. Chuck Prophet s'y met à son tour, et il partage avec eux le mérite de jouer comme si les trente dernières années n'avaient pas eu lieu, ou presque. Sa voix, cependant a cette urgence contemporaine, et une référence à la mort de Bowie permet de mettre en évidence à la fois l'époque et l'ambiance, riche en hommages, de cet album.

Pourtant, Chuck Prophet ne cherche rien de mieux qu'à contourner la célébrité. Il médite en apparence simplement sur le destin de quelques stars, à travers la propre fascination de Bobby Fuller pour Elvis Presley dans les années 50. En surface, il moque la célébrité, tout en montrant souvent une admiration sincère, peut être candide (If i was Connie Britton) avec une élégance possible seulement parce qu'il s'ébat dans l'originalité de ses propres chansons.

Chuck Prophet est la figure du rocker intègre, qui ne se vend pas pour un clip à la télévision et reste tapi dans l'ombre des médias. Il y restera, la pochette n'est qu'un canular. Au moins jusqu'à ce qu'on découvre pourquoi le titre claque. Il fait bien de s'y représenter ; cet album vit principalement à travers sa personnalité piquante, qui se range princièrement du côté du vrai rock n' roll. Dans l'immédiat, Prophet semble se délivrer de l’impératif d'un commentaire de l'actualité.

Depuis combien de temps n'avez vous pas ouvert le cellophane d'un disque, pas lu des notes de pochette et des paroles ? Ce n'est pas la seule chose que Prophet fait compulsivement, mais il s'y emploie et c'est pourquoi, enregistrer des albums cohérents pour les gens qui en achètent a de l'importance pour lui. Même si vous n'êtes pas dans son prochain concert, ce que je vous conseille, il jouera comme si la moitié du pays s'y trouvait.

Bobby Fuller Died for Your Sins semble effacer non seulement les années 2000, mais les albums de Prophet parus dans l'intervalle. Parce que la modernité de The Hurting Business (2000) et The Age of Miracles (2004) était une chose, mais elle laisse de marbre le hard rock de Alex Nieto, une chanson où l'on comprend subitement le penchant un peu noir que l'album cache en sous main. Il y évoque l'assassinat en 2014 du bouddhiste d'origine mexicaine Alex Nieto, et le décrit de façon insistante comme un pacifiste. C'est un peu comme s'il faisait un gros doigt d'honneur à une bonne partie des flics de San Francisco. Un mise à mort hasardeuse et on réalise que Bobby Fuller a sans doute, lui aussi, été supprimé en 1966. Prophet exhume un polar inespéré : l'affaire n'a jamais été résolue.

C'est la dernière chanson, mais désormais, on croit être parvenu en un clin d’œil à cet état de fait. C'est désormais l'album d'un type qui sait qu'il doit continuer d'échapper à l'égarement existentiel, sport régional de la côte ouest quand il ne s'agit pas tout bonnement de violence explosive. C'est en composant avec qu'il trouve sa façon toujours pressante de délivrer quelque que soit le type de rock qu'il emploie. Sa capacité à basculer de la pop au hard rock, du punk au rockabilly laisse Prophet à la marge d'une culture qui a bien besoin de musiciens comme lui. Une chanson romantique comme Open Up Your Heart est sans doute la meilleure chose possible à la radio quand on assiste à des violences policières et à l’idolâtrie de stars fabriquées. « Some people carry grudges you know / For something you never did” Le sentiment de culpabilité nous projette beaucoup trop vite vers notre destin.

On e retrouve en full retro mode sur Jesus Was a Social Drinker, l'une des chansons les plus attachantes du lot, moquerie parfaite avec son final grandiloquent au synthétiseur. In The Mausoleum (For Alan Vega) est peut être plus excitante encore, pleine d’opiniâtreté. Même quand il ne nous incite pas à ralentir, Prophet semble nous indiquer le bon sens, l'exaltation exaltée.
Les facéties et les accolades personnelles qui constituent l'album sont comme une lumière dans un monde qui privilégie le faux sur le vrai. Avec toujours cet espoir, comme il s'agit de musique, de transformer l'humeur plombée de ceux qui l'entendent en un instant. Les figures de cet album brandissent les avertissements pour autant de revirements possibles. S'arrêter, repartir de plus belle en sens inverse. Renoncer à commettre des idioties. Un infléchissement illustré dans le changement de tempo sur Coming Out In Code, par exemple. Pour ces fonctions, il se rapproche des deux dernière livraisons du songwriter, Temple Beautiful (2012) et Night Surfer (2014). La même capacité à faire fi des difficultés, souvent des choses que l'on s'impose par manque de réflexion. S'il faut aller à la bataille, autant écouter un bon disque avant de se décider si c'est une guerre utile. La fonction du rock reste celle là, reconsidérer ses actes, que ce soit à l'échelle d'un club, d'un quartier, d'un état, d'un pays. 

NOVELLA - Change of State (2017)



O
soigné, vintage, pénétrant
pop rock

Enregistré avec une économie de moyens, Novella se démarque de nombre de prétendants. Le quatuor londonien se joue des apparences de banalité et trace une voie de plus en plus évidente au fil des écoutes. On apprécie la production aérienne, capable d'introduire les éléments progressivement et des idées intéressantes jusqu'à la fin. On croirait entendre se développer une conversation, d'abord anecdotique, mais qui bien rapidement évoque des sentiments forts, gagne en intensité (la chanson titre), nous incite à vraiment écouter. Le choix de la méthode d'enregistrement, du producteur et du studio démontrent que Novella savent exactement où ils veulent aller avec leur son. Tout se combine pour rendre Change of State stimulant, autant qu'il est poli et étudié. Les époques musicales s'y entrechoquent candidement, surnagent, tel ce clavier analogique sur Four Colors.

On se retrouve propulsé par la suite dans les sentiments en formation, on pense à Slowdive, ou l'aspect juvénile et la fraîcheur active est balancée par des zones d'ombre mélancoliques. La batterie, détachée, les guitares envoûtantes et mélodiques évoquent les expérimentation de Rain parade (Elements). Mais les voix chorales de Holie Warren, la guitariste Sophie Hollington et la bassiste Suki Sou les démarque sur le plan de l'originalité pop. La voix de Warren et s'impose définitivement sur A Thousand Feet, avancée par le jeu resserré du duo basse/batterie. Les guitares percent pour un effet shoegaze dans la deuxième moitié du morceau. avant que l'album ne redémarre avec encore plus de pulpe mélodique. Dès lors, c'est une inertie faisant que, même lorsque l'album perd de son énergie, c'est pour mieux flotter et se rendre agréable.

mercredi 11 janvier 2017

{archive} 'SPIDER' JOHN KOERNER & WILLIE MURPHY - Running, Jumping, Standing Still (1969)





OOO
ludique, original, vintage
Folk-rock, boogie

Sur la pochette, Spider John Koerner est la petite frappe énervée : il semble attendre l'occasion de mauvaises actions en plein désert. Tandis que Willie Murphy ressemble à l'un de ces docteurs charlatans dont les élixirs sont sensés vous soigner en un rien de temps. Un refourgueur de mauvaise gnôle. L'un affamé d'ambitions, l'autre déjà bien avancé dans un mode de vie légendaire qui lui vaut parfois quelques déboires dont il se tire par la ruse. Une mention au dos de la pochette prévient : Pour guérir toutes sortes de misères, écoutez ça !
C'est vrai que dès Red Palace, le programme de Running, Jumping, Standig Still et très clair : cet album veut changer votre vision de la musique folk rock, vous entraîner dans une danse ou louvoie grosse basse et batterie endiablée entre les notes de ragtime bastringue et celles de la guitare manouche. Avec une générosité anachronique, ils recyclent des rengaines XIXème, comme deux itinérants confiants dans le fait qu'ils vont changer les vies de leur trop rare public. Ils ne frelateront pas l'alcool ni de soutireront de bourses, mais se contenteront d'éprouver leur autonomie. On est du Minnesota, nous rappellent t-ils ; le blues de chez nous c'est comme ça, capiteux, né d'une rencontre unique.

Ce disque est fait de forces à la fois hétéroclites et extrêmement focalisées. Spider John Korner est un guitariste très typé avec une voix fluette parfaite pour le vaudeville country, sa présence spectaculaire, volontiers dramatique, même sans public à entraîner. Tandis que Willie Murphy joue essentiellement le piano et de sa voix écorchée, excellente pour le rythm and blues cramé (Sidestep). Ils sont accompagnés sans ostentation de quelques cuivres solistes, volontiers klezmer (Sometimes i Can't Help Myself) et d'une batterie de parade. Le producteur maison de Elektra records, Frazier Mohawk, s'est montré inspiré dans l'exercice d'enregistrer ces deux musiciens à l'imagination élastique. Koerner et Murphy ont condensé dix ans de scène folk et l'envie de la dynamiter, avec cavalcades, valses et boogies jetés pêle-mêle au cœur de mélodies décalées. C'est très efficace et rare étaient les fêtes locales où cette bande-son ne trouva sa place. « Don't let he bastards get you down » entonne le duo dans le refrain de Bill & Annie, qu'on imagine bien tout le monde reprendre. Avant même qu'Elektra ne se décide à le sortir, hésitant devant un résultat jugé bizarre, Jim Morrison l'écoutait sans arrêt et disait à qui voulait l'entendre que ça lui rappelait des 'hillbillies sous acide'. Une diatribe hors du commun se devait d'attirer l'attention du poète. The Doors étaient aussi signés par Elektra.

Au delà des temps, chacun avait trouvé là, dans l'autre, un génial complémentaire ; Koerner s'est reposé sur de solides bases rythmiques pour faire exploser ses jeux de mots ; Murphy a trouvé chez Koerner un allié capable de donner à des structures écrites méticuleusement une évanescence, spontanéité qui ravit l'auditeur dès les premières secondes, et jusqu'à l'accord de piano fracassant à la fin de Goodnight (on pense à celui qui termine A Day in The Life). Koerner surjoue le charme d'un songwriter dans le veine de Paul McCartney. Et remarquablement, ce charme n'est en rien dilué par la structure ambitieuse des morceaux, leur psychédélisme décadent – Old Brown Dog, Red Palace, ou la chanson titre. On ne s'attend tout simplement pas à une telle ambition dans un disque qui montre une façon de jouer si pittoresque, on se dit que les Beatles auraient pu en faire autant si seulement ils avaient décidé d'enregistrer un album avec un groupe de juifs ashkénazes, mais avec des chansons de huit minutes. Ce charme relie les première folies aux chansons plus modestes (Friends and Lovers) Les idées et la fougue de l'album sont une nouvelle fois balancées dans cette carte postale surréaliste intitulée Goodnight.





01 Red Palace
02 I Ain't Blue
03 Bill and Annie
04 Old Brown Dog
05 Running Jumping Standing Still
06 Side Step
07 Magazine Lady
08 Friends and Lovers
09 Sometimes I Can't Help Myself
10 Good Night
11 Some Sweet Nancy [bonus track]

vendredi 7 octobre 2016

TOM BROSSEAU - North Dakota Impressions (2016)



O
sensible, vintage, apaisé
folk, country

Tom Brosseau est un chanteur folk de Los Angeles à découvrir d'urgence pour qui aime réveiller, dans la solitude et la sérénité, le souvenir de musiciens révolus comme Nick Drake ou Cole Porter (ses influences). Brosseau entretient lui aussi une relation ambivalente à l'existence, juvénile et empreinte de gravité. Il brille par son économie de moyens, ses disques récents contenant essentiellement une batterie réduite à son minimum, une contrebasse et sa guitare Stratocaster. North Dakota Impressions est le troisième album d'une trilogie débutée en 2014 avec Grass Punks, et son neuvième disque depuis 2005. Il déploie sur North Dakota Impressions une affection très précise, exhumée et pourtant spontanée, celle que réveille en lui les mémoires d'une jeunesse vécue dans une langueur doucereuse, pas toujours tendre, dans une petite ville des prairies de la Red River Valley, Dakota du Nord, et sait se faire acerbe.  Il chante le bonheur d'avoir échappé à la solitude, d'avoir trouvé le rôle de sa vie, celui de ressortissant de ces grands espaces, capable de chanter ce qui vous touche le plus, comme l'interprète d'une petite communauté. Et le chemin pour arriver là était semé d’embûches. 

North Dakota Impressions, profite de deux vidéos émouvantes, pour On a Gravel Road et You Can't Stop, qui renvoient habilement aux sentiments saisissants décrits dans Perfect Abandon (2015) et Grass Punks, et donne à ceux déjà familiers les première images filmées de ce triptyque.  De façon très réflexive (notamment lorsqu'il ne chante plus, sur A Trip to Emerado, mais évoque plutôt. Cela avec une quiétude intense, une voix semblant autant donner à voir des images qu'en dissimuler d'autres à demi, dans un souffle ; comme la traversée d'un paysage les yeux à demi-fermés en proie aux pressentiments. La tempête arrive, entend t-il à la radio, tandis que sa grand-mère conduit la voiture, en route pour Emerado. Des paysages défilent, ils dépassent une base militaire fermée de grilles. “Now just think of that, all that space and still nowhere to run », abat t-il avec une voix où il est aisé de sous estimer l'émotion. Puis, une fois arrivés, c'est le rituel de la crème glacée. « No one is out » insiste t-il pour décrire l'ambiance de cette ville de 300 âmes, et saluer avec une pointe d'amertume la bonne volonté de cette grand-mère qui voulut lui changer les idées, l'espace d'une demi-journée. Sur l'album précédent, il était abandonné par sa mère dans un centre commercial. Puis sa méditation retourne à la route, avec l'acuité d'un adulte, désormais, capable de s’absorber encore puissamment dans la solitude éprouvée à l'époque, et par extension dans son jeu de guitare solennel.

samedi 9 juillet 2016

JOSEPH LIDDY & THE SKELETON HORSE - The Big Sarong (2016)



OO
extravagant, audacieux, vintage
funk, rock 


https://josephliddyandtheskeletonhorse.bandcamp.com/album/the-big-sarong-2


Un album à la production limpide, un petit orchestre funk au service des compositions exubérantes, extravagantes de Joseph Liddy, vite qualifié de 'génie' par certains de ces fans. Les onze de ce groupe là semblent passer le meilleur moments de leur vie, depuis la sortie numérique de cet album plein de bravoure et de malice bodybuildée. Ils m'ont rappelé Saskwatch, autre combo australien plutôt dévoué à la soul, et qui avait enchanté l'été 2014 avec Nose Dive.

Les deux batteurs et le bassiste sont particulièrement sollicités à la tenue de morceaux tels Love Supernatural, entre bain seventies et modernité. Un grand bain de soleil, avec des choeurs évangélisateurs et expressifs en diable (You're Alright) et la voix parfois fervente de Liddy, en faux Lennon parfaitement sûr de son fait, virulent dans son envie de se perdre dans la musique, de simplement regarder la roue tourner, et dont l'immense mérite reste d'avoir donné tant de cohésion à 10 musiciens . Son audace brille sur Golden Shoes, une ballade à tiroir comme trop peu osent encore en faire, par peur d'anachronisme. Plus loin, les congas les sons plus analogiques les uns que les autres nous laissent en pleine lumière avec Chase the Rainbow. C'est une odyssée qui allie des moments dégageant un sentiment plus personnel (Peace of Heaven) avec un panel grandiloquent. A la fin, The Toob semble le garant du classicisme funk le plus virtuose.

Le groupe est en plein accélérationisme, semble prendre les mesures du monde de demain, forme une nouvelle écologie musicale funk, anticiper nos désirs d'une scène aux possibilités vitales seulement limitée par les raisons financières. A soutenir, sans doute !

lundi 13 juin 2016

ELECTRIC CITIZEN - Higher Time (2016)





OO
Vintage, groovy, intense
Heavy metal, hard rock



Un quatuor de l'Ohio, rigoureux dans ses riffs et ses ambiances, mais aussi libérateur, avec un son que l'on croirait capté live. Le couple constitué de Laura et Ross Dolan nous aimante aussitôt : la première avec une voix tourmentée par le psychédélisme blues des années 70, le second par des riffs carrés et denses issus de la même crypte que de vieux Iron Maiden ou Black Sabbath (sur Natural Law) ou Led Zeppelin (Two Hearted Woman). On retrouve avec plaisir, en pleine ascension, un groupe déjà repéré avec Sateen (2012), une tornade dont l'urgence nous donne envie de nouveau de ne se vouer qu'à la musique, et de n'apprendre que de ce divertissement-là.

Electric Citizen comprend l'énergie du rock n' roll, ne cherche pas à la retenir ou à ménager des effets mais seulement à produire un flot irrépressible, ponctué de cymbale crash. Ça marche, peut être encre mieux qu'avec Christian Mistress, qui combine aussi des paroles personnelles et des chansons structurées de riffs heavy-metal malins. L'effet dramatique qui nous retient tout au long de l'album est assuré par la sincérité et l'implication de ce groupe au look vintage, ultra vigilant et rodé par des séries de concerts en ouverture de Pentagram ou Fu Manchu.

Forte de son expérience, Laura Dolan se verrait bien pilote d'un vaisseau supersonique, faisant tout son possible pour ne jamais perdre de vitesse ni d'altitude, avec succès. Son meilleur ressort : transformer son véhicule en parangon du space-rock sur la chanson titre. Elle est capable de suggérer une évolution temporelle et une traversée, de se projeter pour échapper à la frustration de ne subsister que dans une seule dimension. Entre les mondes, les claviers et la batterie ont un rôle de plus en plus vertigineux à jouer, comme sur Ghost of Me.

mardi 3 mai 2016

THE MURLOCS - Young Blindness (2016)











OO
hypnotique, vintage, lucide
Garage rock, pop, blues rock



Ambrose Smith a répondu en quelques phrases à l'interview de Trip Tips. Qu'a cela ne tienne, on racontera toute son histoire sous la forme d'un article...

Ce n'est pas une musique macho. Pas la peine de le marteler, il suffit d'apprendre comment ils s'en prennent, gentiment, à ce qu'est devenue la côte autour d'Ocean Grove, en Australie, le coin des surfeurs machos. Il faut voir aussi le look plutôt féminin d'Ambrose Kenny-Smith. Il se moque de laisser penser qu'il est une femme, son visage encore poupin dissimulé derrière une imposante chevelure à la Bowie période Hunky Dory. Et il a passé une partie de sa jeunesse entouré de sa grand mère, de sa mère et de sa sœur dans la banlieue d'Ivanhoé, avant de quitter le coin pour Melbourne. Le fils de Broderick Smith, le compositeur/parolier de groupe country rock local les Dingoes, comparable à ce qui se fait de plus sudiste et de sensible au États Unis, s'est fait très tôt un « lavage de cerveau » à base de blues. Cette touche d'élégance romantique, en totale opposition avec ce que l'image de la musique blues ou garage, est presque impalpable chez The Murlocs, mais elle distingue pourtant ce groupe. Son père lui-même était harmoniciste (voir leur hit Way Out West), et Ambrose Smith suit cette voie, avant tout parce qu'il est sensible au son de cet instrument. Comme beaucoup dans son cas, il apprendra en autodidacte à soutenir une note ou à la moduler. Cet harmonica, aussi, relie le groupe à un héritage de blues qui remonte aux années 60.

Le groupe naît des improvisations entre le guitariste Callum Shortal et Smith. « Nous sommes tous amis à l'origine, ce qui rend tout plus facile. » Lors de la courte interview menée par Trip Tips pour soutenir la sortie de leur deuxième album, Young Blindness, Smith évoque la « sorcellerie » du guitariste. «Je pense que le changement vers un son plus pop sur cet album est du à une plus étroite collaboration avec notre producteur, Stu Mackenzie. »

Sous la casquette du producteur, se cache un autre de ses jeunes prodiges pourvus de membres filiformes, propres à s'épuiser en idées bondissantes. Mackenzie est la force créative principale de King Gizzard and the Lizard Wizard, le premier combo dans l'entourage d'Ambrose Smith à avoir franchi les océans pour jouer en Europe. Ils sont généralement comparés, jusqu'en France, aux Thee Oh Sees, la formation emblématique du renouveau de la scène garage américaine, pour leur carrière prolifique et bourrée d'idées conduites par un pur amour de la musique. King Gizzard est une dynamo qui aligne les chansons nerveuses à base de hard-rock, de blues, de garage, de surf rock, plongées dans le bain acide du psychédélisme. Confier les bandes des Murlocs à Mackenzie, c'est se dire qu'elles vous reviendront comme piétinées, froissées, sublimées d'un son abrasif. «Stu est un génie, produisant constamment une très bonne musique, et cela me pousse à être meilleur musicien... S'ils n'avaient pas été là, je serais une personne bien plus médiocre. » Il a bien réussi son coup en se glissant furtivement dans un mètre carré d'une scène de King Gizzard, derrière son clavier, et produisant ses sons d'harmonica et de synthé en toute tranquillité. « Il y a toujours une place pour n'importe quel genre de groupe. Plus de place pour certains que pour d'autres je suppose. Mais ceux avec peu d'espace pour se mouvoir font du mieux qu'ils peuvent avec le peu qu'ils ont. »

La voix stridente, elle, semble directement piquée à Mackenzie, qui en a fait l'un des motifs principaux de King Gizzard, progressivement, au fil des albums. On sent que déjà il n'est plus question seulement de musique, mais d'une émulation spirituelle qui a mené les Murlocs à faire un bond en avant avec son second album. Young Blindness est entre autre une forme de critique de l'état d'adolescence comme période de décrépitude plutôt que de vitalité (les membres du groupe sont tous dans leur vingt ans), et ne contient que de possibles hits pour la radio, au moins dans sa première partie. « My Only nemesis/Is incompetence », chante Smith comme pour conjurer cette jeunesse qui joue le rôle de voile et empêche encore certaines personnes de prendre un tel groupe au sérieux, même dans un pays aussi culturellement évolué que l'australie – c'est à dire, qui donne une place généreuse au rock. « Le potentiel pour la musique garage est vraiment bon, à la fois sur les radios nationales et locales, ici en Australie. »

« J'ai joué dans des groupes depuis 10 ans et c'est toujours une joie de rendre le gens heureux. Je pense que c'est l'objectif. Rendre les autres plus heureux pour vous éviter la déprime. » Le rigueur d'exécution d'une chanson comme Wolf Creep, avec ses roulements de tomes, ses attaques de guitares parfaites et surtout son riff effréné, donne à la morosité juvénile de Smith une exaltation. Une exaltation qui ne sera balayée qu'en partie par la révélation du thème de la chanson : « Wolf Creep est basée sur l'idée générale de tueurs en série et comment ils s'en prennent à des femmes pauvres et innocentes. Evolve et Absorb évoque quant à elle certaines personnes dans l'industrie de la musique qui détestent plus qu'elles ne créent. » Evolve and Absorb, c'était l'une des chansons les plus profondes du premier album, Loopholes, qui lui surfait déjà sur l'énergie d'un EP remarqué.

Mais Ambrose n'est satisfait que de Young Blindness, à cause du soin apporté à l'enregistrement des titres. C'est un album de faux semblants, où tout change sous le coup d'un harmonica qui semble plus là par hasard, cette fois, que pour guider réellement les morceaux. Ambrose sait qu'à un morceau entêtant doit succéder un autre, afin que l'album puisse se réécouter presque indéfiniment. Compensation démontre encore le pouvoir d'envoûtement de cette musique lorsque batterie et guitare sonnent aussi caverneuses et triomphantes, tandis qu'Ambrose martèle un piano étouffé. L'instrument reviendra sur la dernière chanson, Reassurance, une superbe conclusion, prouvant que le talent d'Ambrose Smith pour écrire des paroles capables d'observer sa propre condition dérisoire ne signifient par que les Murlocs (et ce, malgré le nom) soient faits pour susciter la dérision. Think Out Loud balance un son toujours plus clair et détaillé, en dépit des grésillements. La chanson reflète un état d'esprit lucide et dévoué. C'est un groupe sérieux, et si les considérations d'incompétence sont fondées, c'est en s'adressant à une génération qui veut grandir trop vite. Leur désenchantement précoce donnerait à un enfant la moitié de leur âge l'impression d'avoir trop traîné en route. Le rock, machine à grandir ?

Mettez les deux groupes (respectivement 7 et 5 musiciens) côte à côte et vous aurez l'impression d'avoir une armée, tant cette musique fait bloc. Tellement dense qu'elle nous donne l'impression que quoi que vous fassiez, manger des noix par exemple, ou réfléchir à la nature de votre état cérébral (les deux vont souvent de pair), il faut que vous le fassiez compulsivement. Insolente, presque intimidante d'efficacité, si elle n'est pas - encore – tout à fait originale, harassée de soleil et hagarde de sa jeunesse, avec ces changements de dimension et d'échelle intempestifs qui caractérisent le pays des merveilles qu'est l’Australie. Ils ont l'insolence de croire que la musique est un art à part entière - ce qu'ici

on a tendance à ne pas tout à fait reconnaître. Difficile, pour un européen, de s'adapter à l'exubérance locale – tandis que King Gizzard partaient en tournée en Europe en février 2016, ils laissaient derrière eux un été avec des températures à 34 degrés. La chaleur et l'étrangeté originelle de cette île permettent de laisser les natifs dans une précarité criminelle, tandis que la loi de Darwin conduit à la folie ou à une sorte de mégalomanie mystique agresseurs et dans les coins isolés.

Stu Mackenzie décrivait le dernier album de King Gizzard, Nonagon Infinity, qui leur a demandé un plus gros travail que tous les autres, comme fait d’éléments modulables, où les morceaux se référencent entre eux et forment une boucle sans fin. S'il s'agit de créer un flux, un continuum, on peu l'appliquer à la scène de la ville de Geelong dans son ensemble, et mettre bout à bout les albums des Murlocs avec ceux des Living Eyes ou des Frowning Clouds, deux groupes qui plongent brillamment dans le grand bain du garage pop des années 60. Ensemble, ils s'inscrivent au firmament de l'envers du monde...


à suivre..

https://themurlocs.bandcamp.com/

http://antifaderecords.bandcamp.com/album/living-large

http://saturnorecords.bandcamp.com/album/legalize-everything



jeudi 10 mars 2016

HAZMAT MODINE - Extra-Deluxe Supreme (2016)






O
vintage, varié, funky
Rythm and blues, rocksteady


Le combo New Yorkais autour de l'harmonisciste Wade Shuman est de retour avec son troisième album, en fanfare ? Non, c'est plutôt discrètement que le groupe excentrique de neuf musiciens revient ! Et c'est une longue attente depuis Cicadia (2011), leur excellent album où leur blues s'affirmait encore plus brûlant et mugissant. Des genres plus traditionnels traversent cet album élégant, dont le principal attrait, après l'intensité et la variété de Cicadia, est le charme. Le titre et la pochette ramènent son aspect vintage, et des chansons comme Whiskey Bird s'essaient à une simplicité qui valorise l'harmonie sur la surenchère passée. La poésie décalée de Shuman, aussi intéressant parolier que musicien, nous plonge dans un univers fait pour affecter et attacher. La musique reste pour lui la maladie de l'âme, et il profite de moments d'accalmie pour nous plonger dans cette boite musique, dans cette fabrique si humaine qui allie la musique et les douleurs intimes (Arcadia (Coffee, Salt and Lace).


Le large éventail de cuivres, du tuba la trompette, permet au groupe d'offrir un éclectisme parfaitement intégré à leu personnalité, en particulier des éléments de Klezmer de rocksteaddy Jamaïcain (Moving Stones) et de rythm and blues de la Nouvelle-Orléans. Le cap semble plus que jamais mis vers le sud des Etats-Unis, une évolution logique pour un groupe chassant le multiculturalisme comme un graal. On a même droit à une flûte de pan sur Your Sister ! Pour qui aime la musique traditionnelle accrocheuse, ils réussissent à réunir tout ce qu'on pourrait en attendre, avec ce zeste de folie qui a fait de Wade Shuman une personnalité et de sa musique un havre décontracté.

dimanche 31 janvier 2016

RACHEL DREW & THE BITTER ROOTS - Under The Sun (2016)





O

frais, vintage, soigné
Rythm & blues, soul, pop


Comme la pochette le laisse présager, il va y avoir très peu d'artifices sur cet album de soul et de ballades à la forte résonnante. Quelques musiciens très talentueux de Chicago entourent une jeune songwriter, trouvant l'énergie de les réunir après avoir eu celle d'écrire des centaines de chansons, depuis ses débuts en 2008. L'évidence, la vivacité, la langueur de leurs mélodies, basées sur une guitare discrète mais parfaite et un piano Rhodes évoquant les productions du label Stax, tout est fait pour porter l'attention sur ce que Rachel Drew véhicule comme originalité discrète, audaces mesurées qui donnent, au bout, un disque touchant, dynamique et frais. On assiste à une maturité acquise en milieu naturel, Rachel Drew étant issue d'une famille de musiciens. C'est l'album d'une jeune artiste dont les chansons à la fois graves et légères pourront être réinterprétées, à l'aune de ce qu'elle vivra maintenant que sa carrière musicale a irrévocablement gagné le cœur de son existence. Elles prennent à chaque écoute plus d'emphase, mais Drew ne devrait pas les laisser l'affecter : elle a déjà des douzaines d'autres textes à mettre en musique.



https://soundcloud.com/rachel-drew/sets/first-3-tracks-of-14-on-rachel

vendredi 4 décembre 2015

MARK MCGUIRE - Beyond Belief (2015)


O
vintage, hypnotique
Atmosphérique, synth rock

Encore un artiste talentueux dans le giron du label Dead Oceans, le multi-instrumentiste nous plonge dans le vaste monde du studio d'enregistrement, agrandissant les sons pour construire des odyssées entre Phil Manzarena et Brian Eno. C'est un disque qui mérite notre confiance d'auditeur ; les première minutes sont étranges, d'abord la musique nous paraît comme prise sous une couche de vernis douteux. Mais il faut se laisser dériver et plaquer l'imagination poétique, naturelle et mystique que l'on peut sur ces vibrantes déclarations d'amour musical. 

Le plus long de ces morceaux dépasse les 16 minutes, si fluides et évocatrices qu'elles nous font oublier qu'au départ, c'est un homme face à une console électronique, des câbles, des processeurs. Gardons-nous d'y trouver là la musique de demain, mais plutôt le levier d'une agréable régression dans notre inconscient, ou les trames de notes saccadées et les arpèges synthétiques remplacent les mantras rythmiques et les sitars des hindous. L'aspect earth-friendly, passionné et peaufiné à l'extrême de ces sons rappelle Devin Townsend sur Terra, son chef d’œuvre de 2003. Voilà comment on quitte l'année 2015, ou presque...

mercredi 18 novembre 2015

La semaine Heavy metal # 3 - BALAM - Days of Old (2015)





O

vintage, lourd, contemplatif

Heavy metal


Balam est un quintet de Newport (au sud de Boston) dont la musique lourde et lente rappelle celle de leurs maîtres assumés, Black Sabbath. C'est le genre de musique qui donne envie de se replonger dans les classiques du heavy metal britannique des années 70, une musique serpentante et finalement progressive, ne serait ce que par la durée des morceaux. L'un des points forts de l'album : sa méticuleuse construction. On assiste à une montée en puissance méphitique et inquiétante jusqu'à la meilleure chanson, qui est selon moi 'With the Lost'. Mais c'est une pièce de courte durée en comparaison du morceau titre (11 minutes) ou de Bound to The Serent (15 minutes). Leur deuxième grande force : l'imagination qui leur permet de tirer le meilleur parti des parties instrumentales sans les laisser s'éterniser.

L'image de la forêt tortueuse et onirique est parfaitement rendue à travers des chansons qui décrivent l'égarement, le vertige, les hallucinations spectrales d'être mis face au symbole de sa propre vie tourmentée, et pelant les couches de vanité humaine les unes après les autres jusqu'au rituel tribal final offert par un solo gigantesque. Le groupe dispense une brume existentielle basée sur des riffs éléphantesques (With the Lost). Si le chanteur ou surtout les guitaristes sont assez limités techniquement (ça s'entend dans les solos assez répétitifs), le batteur est l'un des meilleurs entendus depuis longtemps. Days of Old, c'est un peu son showcase. Sa rythmique irréprochable, son utilisation des cymbales, et la variété de son jeu le démarquent. 

http://thybalam.bandcamp.com/

mardi 17 novembre 2015

La semaine Heavy metal # 2 - CHRISTIAN MISTRESS - To Your Death (2015)





O

vintage, intense, soigné

Heavy metal, Hard rock



Est-ce le meilleur destin d'un groupe de heavy metal que d'apparaître dans les médias généralistes de grande audience ? Cette année, Iron Maiden l'ont fait, mais peu d'autres. Ces groupes ne se soucient pas de l'étalement de leur audience extérieure, qu'ils ne maîtriseront jamais complètement - sauf peut être pour les très rares groupes comme Maiden qui ont accompli tant de fois le tour du monde de presque toutes leurs audiences. Mais ces groupes secrets triomphent quand ils élargissent – bien malgré eux – les barrières d'un genre depuis l'intérieur. Un genre trop longtemps infantile et sans doute sexiste, qui doit désormais compter avec la maturité d'artistes masculins et féminins ne nécessitant pas d'hyper-pouvoirs d'opérette ou d'hyper sexualisation pour exister en musique.

La voix naturelle, impétueuse et vulnérable de Christine Davis est le fer de lance de Christian Mistress, un quintet d'Olympia, au nord-ouest des Etats Unis. Un jeune groupe dont le troisième album ancré dans la réalité et non dans le jeu de rôle. Et même si elle agite les démons de la nostalgie et de la bravoure, lorsqu'elle semble se voir escalader des montagnes, la musique de Christian Mistress ne sonne jamais comme une traversée de la Moria. Les deux guitaristes complémentaires Oscar Parbel et Tim Diedrich font beaucoup pour maintenir maintenir ce groupe à la réalité concrète. La naissance du heavy metal était une performance, une grosse progression vers une musique plus expansive et reflétant au mieux la psyché des artistes qui l'incarnaient. C'est encore plus fort quand, comme ici, ils n'ont pas besoin d'attributs théâtraux pour soutenir leurs évocations. Il n'y a que la musique, dense, séduisante, plus ouverte et moins sélective que jamais.


http://christianmistress.bandcamp.com/album/to-your-death
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...