“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

jeudi 30 août 2012

Bonnie 'Prince' Billy - Wolfroy Goes to Town (2011)




Bpb est à gauche sur la photo. Angel Olsen 2ème en partant de la droite.



Parution
octobre 2011
Label
Drag City
Genre
Folk alternatif
A écouter
No Match, New Whaling, Cows
OO
Qualités
sombre, poignant


Wolfroy Goes to Town ne sera le premier disque folk de personne, sous peine de les voir fuir à toutes jambes vers une musique plus entraînante. En revanche, il nous permet de rappeler aux amateurs de folk contemporain ce qu’ils recherchent : une grâce d’un autre âge, de petits instants de pureté harmonique, d’autres de lassitude palpable, parfois de lumière – de lumière, pas tant que cela sur Wolfroy Goes to Town, l’album le plus las et pénétrant de Bonnie Prince Billy depuis I See A Darkness (1999), le classique qui permit à cet auteur de chansons prolifique d’imposer ses propres règles. Un dieu personnel allait lui murmurer les prochains gestes qu’il devait effectuer, un dieu dont il pourrait révéler la nature dans ses chansons. Sur Time to Be Clear, « God isn’t listening, or else it’s too late ». Bonnie Prince Billy évoque souvent la sensation de perdre toute croyance, toute foi envers les institutions établies, et finit par se retrouver coude à coude avec son dieu, voire, dans un nouveau caprice, par ne faire qu’un avec lui. Sa versatilité, sa spontanéité suggèrent de façon répétée une folie païenne : folie présente chez Bonnie Billy, mais présentée par son versant le plus vulnérable, comme s’il existait dans la manipulation, dans l’égocentrisme, une forme de générosité. S’il ne vous raconte pas de telles histoires, d’autres le feront, bien plus agressivement, et le résultat ne sera pas à la hauteur de ce que peut donner la ferveur et l’amertume de Billy. Le folk chez lui, réside dans des textes rebelles (il existe plusieurs formes de rébellion) et pleins de fêlures qui négligent la vraie religion pour n’instaurer en forme de culte que les histoires désolées de personnages de fiction. Avec une adresse et une économie rare, Bonnie Billy utilise ce concept de dieu en le retournant à son avantage : « Ce qui est habituellement appelé religion est ce que j’appellerai moi-même musique ; je pense que les disques et la musique sont plus respectueux et appropriés pour l’âme humaine que ne le sont les églises ».


Wolfroy goes To Town n’est pas sa profession de foi, plutôt l’album d’un artiste qui a donnée celle-ci il y a de nombreuses années. Pendant 20 ans, il a créé son propre gospel, réussissant souvent des chansons qui pourraient être nées dans les années 20. Sa musique est attachée à la country de sa terre du Kentucky, mais ne cesse de se transformer, incorporant des éléments de blues et de rock. Et de folk, que Bonnie Billy ne pouvait tenter de sublimer sans utiliser de contrepoint à sa voix fragile. Il le maitrise à la perfection ; le choix d’inviter Angel Olsen (Halfway Home, son deuxième album, doit sortir en septembre 2012) à chanter sur tous les morceaux contribue aux meilleurs moments de l’album. Contrairement à d’autres chanteuses qui ont participé aux disques de Billy par le passé, elle œuvre dans la même veine de type ‘country fragile’ que lui, dans des morceaux qu’un caractère trop affirmé reverseraient.


No Match aurait suffi à rentre Wolfroy Goes to Town (même si Bonnie Billy est en train de réinvestir, de plus en plus souvent, les personnages de son propre imaginaire, inutile de rechercher qui est ce Wolfroy) viable. Comme sur les meilleurs disques, cette chanson gagne en résonnance à chaque écoute, au fur et à mesure que chaque autre chanson s’apparente d’une façon ou d’une autre avec la première. No Whaling et Time to be Clear permettent de confirmer que les interventions d’Olsen, leur donnent une touche envoûtante. Que les harmonies chatoyantes, bien qu’infiniment tristes, de No Match soient immédiatement séduisantes n’est pas vraiment étonnant ; Bonnie Billy y profite du talent de musiciens qu’il a appris à utiliser avec de plus en plus de finesse depuis que Mark Nevers (de Lambchop) lui a ouvert les yeux sur l’intérêt d’affiner sa palette musicale avec Master and Everyone (2003). Black Captain, cependant, c’est autre chose ; la chanson est ostensiblement sous-jouée, presque non jouée, et bien que son format épique réserve quelques surprises – toujours par la grâce de la bien nommée Angel Olsen – il faudra s’y reprendre à deux fois avant d’en extraire son content d’humilité et de noblesse. Ecoutées ensuite, Cows et There Will Be Spring seront facilement sous-estimées ; pourtant, si l’on prend la première, avec ses notes qui touchent à Nick Drake, son final en solo de guitare par le brillant Emmet Kelly et son chœur intime et hanté, est une réjouissance. Quail and Dumplings élève la tension et place haut les cœurs bafoués, avant que le disque ne se termine dans un fier misérabilisme avec We Are Unhappy.


Bien qu’il ressemble parfois à I See A Darkness, Wolfroy Goes to Town pourrait aussi bien en être à l’opposé. Avec une once d’ésotérisme, il réclame une simple prise de conscience de notre force commune, plutôt que de n’adresser qu’un dieu perverti et isolé et de s’arrêter à l’égoïsme. « Je pense que j’ai une connexion profonde dans ma musique récente que je n’avais pas les moyens d’adresser auparavant. Je sais au fond de moi que je ne suis pas seul ; chacun d’entre nous se sent seul parfois mais nous devons savoir que nous ne le sommes pas. Et plutôt que de donner la responsabilité de nous assurer que nous ne sommes pas seuls aux mains incapables de la religion organisée, faisons-le nous même en recherchant les connections. » Cette générosité rejaillit dans l’album, dans lequel, au cœur d’un monde étrange dont les frontières ne cessent de s’élargir, s’est installée une familiarité rassurante. Maintenant, pour découvrir Bonnie Prince Billy, mieux vaut commencer par écouter Lie Down in The Light (2008), sans doute son album le plus accessible, et sur l’expérience duquel il a construit celui-ci.




mercredi 29 août 2012

Bonnie 'Prince' Billy - Lie Down in the Light (2008)






Parution
mai 2008
LabelDrag City
GenreFolk
A écouterEasy Do It, You Want That Picture, What's Missing is
O
Qualitésdoux-amer, élégant

Chronique à suivre

Doug Paisley - Doug Paisley (2008)





ParutionNovembre 2008
LabelNo Quarter
GenreAmericana, country, folk
A écouterWhat About Us ? , Digging in The Ground, Take my Hand
O
Qualitésapaisé, doux-amer

La musique country-folk de Doug Paisley est un peu à l’image de celle de CassMcCombs sur son album Wit’s End : les deux ont été accusés de manquer de vitalité, et les deux en tirent leur principal attrait. Chez Paisley, cette sensation tient aux arrangements acoustiques diaphanes, autant, par exemple, qu’à la voix doublée et légèrement déphasée sur le premier morceau, What About Us ?. Les mélodies de piano dépouillées et la guitare pedal steel achèvent de donner l’impression d’un disque étouffé, maintenu avec une maîtrise sous-estimée à un niveau où il risque de ne capter que la moitié de l’attention de l’auditeur. Ca ne veut pas dire que ce n’est pas une expérience agréable, même intéressante, au vu de la qualité chatoyante de ses mélodies, de certaines sonorités, de la légèreté de ses guitares – tout cela culminant sur Digging in the Ground, l’entrée définitive en matière de l’album - et surtout de ses duos en contrepoint (Doug Paisley est souvent accompagné de Simone Schmidt). Plus loin, sur Wide Open Plain, la guitare est à nouveau mise en valeur avec une simplicité, une effectivité qui est à l’image de l’album.

A un peu plus de 34 minutes, c’est un album capable de vous accompagner de manière répétée, au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Ses histoire de cœur un peu dépressives – A Day is Very Long, Take my Hand, Take Me With You – laissent la sensation agréable de petits riens. Inspiré par Bonnie Prince Billy (qu’il a accompagné en concert) et son marquant I See a Darkness (1999), Doug Paisley tire comme lui le meilleur parti des limites de sa voix, pour exemple sur Last Duet. Schmidt s’affirme, elle aussi, sur cette chanson puis sur We Weather, avec une sensibilité country minimaliste. Chaque geste, vocal comme instrumental, est restreint, et rendu plus beau, plus précieux pour cela. Pour parachever cette sensation qu’un vieux charme opère, Paisley semble s’inscrire parfois dans la lignée d’un Johnny Cash des plus repentis et des plus sobres : c’est le cas sur Take My Hand, où Schmidt joue le rôle de June Carter avec bonheur.

jeudi 23 août 2012

The Black Swans - Occasion for Song (2012)







Parutionjuillet 2012
LabelMisra Records
GenreAmericana
A écouterPortsmouth, Ohio
°
Qualitéspénétrant

En 2010, Tony Joe White sortait un disque de 10 chansons aussi puissantes qu’elles étaient minimalistes. Sur l’une des meilleures, Tell Me Why, il chantait ces lignes : « Tu essaies de transmettre au batteur ce que tu ressens/Tout revient à la chanson, il faut la garder simple/Il faut de la passion, et il faut de l’âme. » La voix de Jerry DeCicca, sur Occasion for Song, est souvent très proche de celle de White ; à peine plus d’un filet, voilée, comme à bout de souffle ; et le timbre est presque le même ! Ils n’ont pourtant pas le même âge ; l’un sortait un disque au crépuscule de sa carrière et se permettait de capter la plus valeureuse des poésies de la résignation, mettant sur bandes un peu de la poésie visuelle alentour, comme un testament ; tandis que pour le jeune groupe The Black Swans, il ne s’agit que du 5ème album, ce qui sous-tend encore un désir d’exploration musicale. D’autres similitudes intriguent : ainsi l’utilisation minimaliste et pourtant centrale d’un orgue électrique, et l’ambiance générale, au dépouillement. Jerry Decicca n’a effectivement presque que son batteur pour essayer de partager ce qu’il ressent. Ce ne sera plus avec le violoniste, et fondateur du groupe, en tout cas : Noel Sayre, décédé d’une crise cardiaque à mi-chemin entre le plongeoir et la surface de l’eau de cette piscine qui figure sur la jaquette de Occasion for Song. Quatre après sa mort, et alors que Don’t Blame The Stars (2011), le disque précédent, avait été interrompu brutalement et achevé avec le poids non résolu de son absence, le groupe a décidé cette fois d’adresser Sayre et le drame de son décès une bonne fois pour toutes. Là ou Don’t Blame the Stars constituait notre dernière chance d’entendre le travail virtuose de Sayre au violon, un élément important dans le son du groupe, sur Occasion for Song l’instrument est bien entendu absent, et non remplacé : c’est sur Basket of Light ou Daily Affirmation que banjo, guitare et orgue tentent le mieux de combler le trou béant causé par cet élément manquant.

Ce choix d’ascétisme permet de mettre en valeur la teneur des chansons : élusives, à peine formées, déterminées sans être fortes. A la fin de chacune d’entre elles, on espère que le détachement qui les caractérise s’envolera à la suivante. A sa place, une délicatesse sans cesse renouvelée nous informe que c’est impossible, que c’est au-dessus des possibilités de DeCicca et du groupe. Le travail de Chris Forbes, à la guitare, est révélateur ; il suggère souvent plus qu’il n’entre dans le vif du sujet, donne une forme aux chansons tout en en gardant les contours flous, ouverts, de telle manière à faire du disque un flot continu, calme, lent ; un murmure. Un harmonica transparaît ici ou là, plus morne que lorsque le guitariste canadien Neil Young pleurait le décès de son ami Danny Whitten. Si c’est de l’americana, c’est à un monde de Robert Earl Keen et de tous ceux qui ont l’intention de faire danser leur public. C’est même difficile d’imaginer cette musique jouée en concert.

La force de l’album est sous la surface, dans son origine, dans son sens. Ainsi, non seulement il n’y a pas d’artifices pour faire ressortir la nostalgie ambiante, mais il n’y a même pas de nostalgie tout court. Réminiscences, souvenirs auxquels il est impossible d’échapper ; les chansons viennent à l’esprit des Black Swans inéluctablement, sans donner l’impression d’avoir été écrites – ce qui peut sembler pénible pour eux mais devient le signe d’un abandon qui conduit au plaisir. Passant du détail triste aux prémices de l’amusement ou à l’étrangeté, DeCicca reste détaché. Sur Portsmouth, Ohio, chanson qui détaille le jour du drame ; “No one’s supposed to die three days before the 4th of July” Sa voix est suffisamment effacée pour ne pas faire signe d’accablement. Le chanteur fait face à la réalité de façon implacable, désosse le mythe d’une terre promise en même temps qu’il étudie, en filigrane, sa propre mortalité. Sur Fickle and Faded, DeCicca se souvient – ou invente – une rencontre avec Ramblin Jack Elliott qui lui dit : "Kid, there's no such thing as a promised land." Avec la suggestion de son propre suicide dès la première chanson, c’est un disque qui ne prend pas la peine de dissimuler les sensations telles qu’elles viennent, même les plus défaitistes, et il en va de même des désirs soudains, capables de perdre leur sens aussitôt qu’ils sont révélés : « Where are you tonight my dear friend, I thought I’d see you again.” Qu’est-ce qu’une ‘occasion for song’, finalement ? Les regrets, l’attente, la colère, la tristesse, la peine, et bien sûr l’espoir ou la joie. Ici, ce ne sont au contraire que vérités fugaces, que mauvaises raisons rendues touchantes. Sur la chanson qui termine le disque, Bad Dream : “Sometimes the occasion for song is filled with reasons that are all wrong”. C’est peut-être l’album le plus convaincant qui soit par un groupe qui n’a jamais désiré l’écrire ni l’enregistrer un jour.







dimanche 19 août 2012

Ry Cooder - Election Special (2012)






 
ParutionAout 2012
Labelnonesuch
GenreRock, Blues
A écouterBrother is Gone, Cold Cold Feeling
°°
Qualitésrugueux, engagé, lucide

Cet album bougon et ramassé est le plus important aux Etats-Unis pour les mois à venir ! Pour Ry Cooder, il s’agit de son disque le plus engagé et le plus direct, chaque parole de ces 9 chansons faisant de lui une sorte de Randy Newman - l’archétype du songwriter caustique – en plus agressif. Pull Up Some Dust and Sit Down (2011) avait beaucoup d’histoires à raconter : Jesse James s’attaquant aux banques comme le justicier s’en prend aux voleurs (El Corrido de Jesse James) ; un mutilé de guerre sensé entrer en trêve avec ses souffrances à l’approche de noël, ou comment miner l’hypocrisie religieuse (Christmas Time This Year) ; un hommage à ceux qui travaillent de leur mains plutôt que de gagner de l’argent en suivant le cours d’actions par téléphone (Simple Tools) ; et surtout John Lee Hooker for President, imaginant le vieux bluesman monter un programme pour la présidence après avoir été refoulé sur le perron de la Maison Blanche. « Une fois que vous êtes lancé, remarque Cooder, les évènements, les idées semblent vous tomber dessus comme ça. Votre oreille s’accorde à leur résonnance. » On l’aura compris, ces histoires racontées par des ressortissants de toutes les classes de la société américaine produisent un tableau désenchanté de la politique de son pays, en mettant en évidence les terribles contradictions sur lesquelles les véritables responsables du marasme actuel sont assis depuis longtemps. La nervosité de ces commentaires de société n’empêche par Ry Cooder de rester un amoureux de musique, le blues ou la musique latino-américaine se trouvant redorés sous l’action de son jeu de guitare – l’un des meilleurs au monde.


Tel qu’il est présenté – comme une collection de chansons pour appeler les gens à ne pas voter Romney, et par extension à voter Démocrate lors des prochaines élections présidentielles en novembre – on peut se demander pourquoi ces chansons font l’objet d’un album. Très différent des concepts album de sa ‘trilogie de Los Angeles’, Chavez Ravine (2005), My Name is Buddy (2007) et I, Flathead (2008), sa façon de réveiller l’urgence de la situation le rend aussi meilleur. Et Ry Cooder ne fait quasiment pas de concerts, ce qui finit de justifier un tel geste ; Election Special est sa façon à lui d’exprimer son engagement - et vu le potentiel déjà largement commenté de l’album par les médias américains, avant même sa parution, la force de son contenu peut encore servir de levier à des actions d’éclat pour Cooder, son entourage ou ses fans. Les stickers aux couleurs de l’album sont déjà prêts à être collés sur les banderoles de prochaines manifestations. Parmi ses soutiens, et même si on ne le verra pas dans les manifestations, Cooder peut sans doute désormais compter Obama. La plus belle chanson de l’album, Cold Cold Feeling, décrit un président usé par les attaques portées contre lui – mais c’est cette usure mêlée d’une force battante qui donne aux musiciens de blues leur extraordinaire longévité. « I walked up and down the White House / Till I wore the leather out from under my shoes / I didn’t have nothing but the cold cold President blues.” D’un autre côté, vous feriez confiance à quelqu’un qui maltraite son animal de compagnie ? C’est entre autres ce dont Mitt Romney est coupable, et Cooder ne se lasse pas d’un faire un véritable blues de chien battu sur le premier morceau de l’album. Un mélange original de percussions, jouées par son fils Joachim Cooder, propulse la chanson.


A côté de ce duel présidentiel, Cooder évoque la cruauté de prisons par ailleurs florissantes (‘Guantanamo’), les lois rétrogrades (Going to Tampa, Kool Aid) et le recrutement de l’armée perpétué dans les écoles publiques (The 90 and the 9). Il ne fait jamais rien de tout ça d’une manière qui le rende moins que convaincant. Take Your Hands Off It est un point d’orgue de l’engagement pour l’intégrité morale de son pays ; il enjoint tous ceux qui ont porté un coup aux droits fondamentaux à retirer leurs mains sales de la Constitution.

vendredi 17 août 2012

ABIGAIL WASHBURN - City of Refuge (2011)

 
 
 

OO
soigné, pénétrant
folk, americana, country
 

Accompagné d’un message de retour aux sources, cet album dégage une tonicité qui incite à entrer dans un mouvement émotionnel léger, qui, lentement, s’approfondit, jusqu’aux extraordinaires chansons a cappella – réminiscences des chants de gorge des moines Tibétains - que sont Dream of Nectar et Bright Morning Star. Celle-ci, introduite au début de l’album durant une courte minute, signe le point de chute d’une parabole des sens. Sur la chanson-titre : « L’Eden sur la côte lointaine, où le monde est né » « Cours à la Cité du Refuge/Où tout est renouveau/Oh, la Cité de Refuge/Où notre fardeau s’amoindrit/Là d’où nous venons ». Abigail Washburn vient de l’Illinois, et est tombée amoureuse de son instrument de prédilection, le banjo, après avoir baigné dans les musiques typées bien de chez elle. Elle semble avoir découvert que cet instrument n’était pas seulement le symbole d’un fort attachement aux racines culturelles de sa propre région, mais que les notes égrainées pouvaient servir de fil conducteur à une symphonie, modeste dans sa forme, mais ambitieuse dans le fond, liée à sa propre expérience : une longue route vers l’Est. Washburn passe du temps en Chine, y joue et y enseigne, apprend de nouveaux langages musicaux avec une curiosité rare, et parle le Mandarin parfaitement, ce qui, pour une chanteuse de folk américain, n’est pas commun.
 
Moins réputée que son mari Béla Fleck, chantre du banjo progressif, elle démontre sur son troisième album qu’elle est capable de faire d’une vision musicale utopiste une réalité presque parfaite, emprunte à la fois de simplicité, de rusticité et d’une richesse sonore plus édifiante qu’un cours de géographie.
 
Combinant instruments de la tradition américaine tels que les violons ou la guitare pedal-steel avec des sonorités asiatiques donne aux chansons les plus réflexives une grande luminosité. Ses aspirations au voyage décuplent son inspiration mais s’expriment le mieux sous la forme de folk de chambre, ou en folk-pop tout en harmonies séduisantes (voir Chains). Elle aurait tort de ne pas autant donner de sa (belle) voix, prenant par moment des intonations puissantes qui servent d’accroches à l’album. Lorsque City of Refuge gagne en intensité, c’est pour renouer avec le cœur de la tradition rurale américaine. Abigail Washburn la restitue avec un talent qui n’a rien à envier aux artistes focalisés sur ce seul héritage. Accompagnée d’une cohorte dont seuls peuvent profiter ceux qui ont depuis longtemps eu la chance d’accompagner sur scène les meilleurs musiciens des traditions de plus en plus diverses, Washburn conçoit un panorama méticuleux où les textures d’un violon sur Bring Me My Queen sont aussi importantes que l’ample chorale qui termine Burn Thru en majesté. L’objectif est toujours, pour la chanteuse, d’articuler son puissant lyrisme d’une façon clairvoyante. « There’s shadows in my tracks/I’m not lookin’ back at the rest of you...I’m not goin’ down with the rest of you.” répète t-elle tandis que la chorale et le banjo l’emportent dans un courant ascendant. Dream of Nectar atteint un autre niveau d’abstraction, démarrant dans les Appalaches avant qu’un maître de guzheng (un instrument chinois de la famille des citares), des instruments à vent et une chorale ne provoquent, en apparaissant puis en se dissolvant, une rêverie. Celle-ci ne saurait être complète sans l’impromptue Divine Bell, une chanson entraînante faisant rimer country et gospel.

jeudi 16 août 2012

Lucinda Williams - Live @ the Fillmore (2005)


 

Parution2005
LabelLost Highway
GenreRock
A écouterOut of Touch, Essence, Lonely Girls, Righteously
OO
Qualitésrugueux, vibrant,


Avec World Wthout Tears en 2003, l’une des auteurs de chansons les plus révérées de la musique rock américaine contemporaine semble s’être distanciée de son public. Plutôt que de l’éblouir de candeur et de sentiments, elle le fait désormais marcher dans un territoire plus rude, plus froid. L’émotion devient moteur de destruction, quand son intensité entraîne l’implosion, le déchirement des relations. C’est impossible de ne pas voir dans cette radicalisation la marque du vieillissement de la chanteuse née en 1953. Comme pour défendre un album important pour elle, Lucinda Williams publie à nouveau par voie de live la quasi-totalité des chansons constituaient l’album (sauf 2), ainsi que 7 chansons d’Essence, son album précédent déjà signe de mutations émotionnelles, au détriment de ses albums du XX ème siècle qui lui ont valu le dévouement d’une solide base de fans. Plutôt que d’offrir à ceux-ci des hits ou de nouveaux morceaux qui auraient été inachevés, elle décide d’approfondir ce qu’elle a capturé dans certaines chansons récentes, en essayant de ne jamais relâcher l’intensité dans sa prestation, même lorsqu’elle interprète des ballades et laisse place à des sentiment diffus. C’est un challenge aussi bien pour elle que pour son audience. Mais au final, Il semble que les chansons puissent toucher chacun d’entre nous sur cet album, de la jeune fille pleine d’appréhension (Lonely Girl), à l’amateur de femmes expérimentées au lit (Essence) en passant par le romantique vulnérable (Those three Days). « - "Did you only want me for those three days/Did you only need me for those three days/Did you love me forever just for those three days."

3 jours, 3 performances constituent ce double album. Comme pour optimiser l’importance de cette occasion, elle l’a fait au Fillmore, une salle de concert historique à San Francisco, où jouer devient un mouvement de carrière en soi, et où l’on joue avant tout pour produire un enregistrement qui fera date. Difficile de ne pas penser au Crazy Horse at the Fillmore 1970, le premier disque exhumé des Archives de Neil Young. L’ombre du chantre de l’americana et de son groupe fétiche est très présente dans cette collection, que ce soit au niveau du son de la guitare (voir le rock mid-tempo de Out of Touch) de l’excellent Doug Pettibone - dont la virtuosité contribue largement à la réussite de ce disque live – ou des changements d’humeurs, entre mélancolie positive et agressivité punk. C’est difficile de décrire tous les sentiments qui sont évoqués tout au long de ces deux albums, mais Lucinda Williams le fait si bien qu’il n’est pas étonnant qu’elle ait été reconnue comme l’une des plus grandes songwriters contemporaines, y compris par ses pairs – Elvis Costello par exemple. Certains mouvements sont repérables ; la présence de chansons plus agressives vers la fin du premier disque – avec Sweet Side, Changed the Locks et Atonement - ou la tenue plus rock, dans l’ensemble, du second disque.


Les morceaux ont été choisis et séquencés par la chanteuse elle-même, et c’est donc délibéré que trois ballades ouvrent le premier disque. Ventura s’avère, après quelques écoutes, le meilleur choix pour démarrer, même si à cette place certains aurait plutôt vu le blues-rock stonesien de Real Live Bleeding Fingers and Broken Guitar Strings qui constituait le sursaut de World Without Tears. "Stand in the shower to clean this dirty mess/Give me back my power and drown this unholiness/Lean over the toilet bowl and throw up my confession/Cleanse my soul of this hidden obsession." C’est ainsi qu’elle introduit son album. Williams marque les esprits malgré le calme apparent de cette chanson mélodieuse. Sa voix excelle particulièrement dans ce registre modulé, quand elle est souvent bien plus abrasive.


La voix rauque, charnelle de Lucinda Williams est ârfaite pour ses histoires de relation que le temps craquèle, d’obsessions et de réminiscence du corps de l’autre. Williams apparaît usée et abusée, affamée et incapable de retrouver ses plaisirs passés, mais paradoxalement suffisamment forte pour en tirer le meilleur parti dans ses chansons. La qualité pénétrante de ses textes, libérée du perfectionnisme obsessionnel dont Williams fait preuve en studio, explique le succès artistique de cet album. La chanteuse est capable de faire revivre le rock des années 1970 et le mystère de ses meilleurs auteurs, de Bob Dylan à Jimy Hendrix, mélangeant blues parlé (Sweet Side) et punk rock (Atonement) avec une crudité, une simplicités rares aujourd’hui.

Disc One:

Ventura (World Without Tears)

Reason to Cry (Essence)

Fruits of My Labor (World Without Tears)

Out of Touch (Essence)

Sweet Side (World Without Tears)

Lonely Girls (Essence)

Overtime (World Without Tears)

Blue (Essence)

Change the Locks (Lucinda Williams)

Atonement (World Without Tears)

Time: 49:49



Disc Two:

I Lost It (Car Wheels on a Gravel Road)

Pineola (Sweet Old World)

Righteously (World Without Tears)

Joy (Car Wheels on a Gravel Road)

Essence (Essence)

Real Live Bleeding Fingers and Broken Guitar Strings (World Without Tears)

Are You Down (Essence)

Those Three Days (World Without Tears)

American Dream (World Without Tears)

World Without Tears (World Without Tears)

Bus to Baton Rouge (Essence)

Words Fell (World Without Tears)

Time: 65:34

mercredi 1 août 2012

Sara Watkins - S/T. (2009)




Parutionavril 2009
LabelNonesuch
GenreCountry, Bluegrass
A écouterFreiderick, My Friend, Same Mistakes
°
Qualitéslyrique

Le premier album solo de la californienne Sara Watkins est une collection de chansons amenées le plus naturellement du monde, par une violoniste et une chanteuse déjà très bien entourée. Depuis l’âge de 8 ans, elle a passé 20 années de sa vie au sein d’un trio de country alternative formé à San Diego et appelé Nickel Creek, en compagnie de son grand frère, le guitariste Sean Watkins, et du talentueux Chris Thile. Frère et soeur continuent de jouer ensemble régulièrement, notamment au sein du club Largo à Los Angeles, dans ce qu’ils appellent le Watkins Family Hour show. C’est sans effort que Watkins est amenée à côtoyer les musiciens talentueux qui pourront bientôt lui donner un coup de main lorsqu’elle décidera d’enregistrer cet album plutôt classique, mais non dénué de personnalité ni de subtilité. « Je le prends comme un compliment si on me dit que j’ai amené le disque de façon naturelle. Mais ça n’a pas été sans efforts. Les meilleurs artistes donnent à leur travail une sensation de grâce et de simplicité. » Au moment ou sort cet album solo, Nickel Creek continue de capter le plus gros de l’attention dont profite Watkins, ce qui a pu être une situation double tranchant pour elle. Mais cette attention particulière lui permit de profiter d’une dynamique qui contribue à donner cet aspect naturel à son geste en solo. « Honnêtement, j’ai eu un très bon début de carrière car j’avais Nickel Creek derrière moi. Je n’ai pas eu à commencer par jouer devant 2 personnes dans un coffee shop… J’ai joué devant 80 personnes dans un coffee shop. » remarque t-elle non sans humour. Cette attention extérieure culmine sans doute par la décision de John Paul Jones, le bassiste de Led Zeppelin, de produire son album. Enfin, pour parfaire ce sentiment d’une osmose évidente, elle veille à les laisser les chansons qu’il lui arrive de reprendre se fondre dans son propre corpus. « La plupart de ces chansons ont prouvé leur endurance avec moi. Elles se sont immergées et j’ai fini par m’identifier à chacune d’entre elles. Je ne les ressens pas comme les chansons d’autres personnes. »

La country classique est généralement rythmique et entraînante, et c’est le cas ici avec Freiderick, un instrumental mémorable composé au violon par la sémillante Watkins. Mais un autre genre de country, le bluegrass, consiste en des ballades languissantes, poignantes. All This Time, composition originale de Watkins en introduction, évoque celles-ci : guitare pedal-steel, harmonies déposées avec une grande délicatesse, et voix attirant l’auditeur au cœur de la chanson sans le moindre effort. Les paroles sont plus minimalistes que chez celle qui fait référence en la matière, Gillian Welch. Elles se transforment parfois en mantra appelant à la compassion. « Bring hope to his heart, relief to his mind ». Une simplicité qui est compensée par le séquencement intelligent de l’album - Same Mistakes juste après Freiderick, la reprise pop/rock de David Graza, Too Much, entre le l’Appalachien Bygones et le numéro à l’ancienne que constitue We Will Go. My Friend et Same Mistakes sont deux autres moments aux harmonies magiques d’un disque qui mélange sans à-coups chansons du propre sang (la première) de Watkins et reprises révélatrices (la deuxième). Ce que l’on découvre – les reprises de Long Hot Summer Days et Any Old Time surtout - est relaxé, aéré, et aussi plein de vivacité. Watkins n’est pas seulement capable d’invoquer la grâce et la conviction par sa voix, et l’énergie par son jeu de violon - depuis qu’elle a fait ses armes au sein de Nickel Creek, elle sait que la musique demande un équilibre et une paix intérieure pour véritablement séduire. Ce premier album marquant prouve qu’elle a atteint son but.

Long Hot Summer Days, empruntée au satyrique John Hartford, dont les chansons de country-pop furent reprises un jour par Frank Sinatra ou Aretha Franklin, touche au cœur de ce que veut ressusciter Watkins ; un esprit de légèreté et de gravité propre aux meilleures compositions. Se trouver à la croisée, faire l’exercice du crossover comme disent les américains : c’est encore le cas avec Any Old Time, qui appartient à une autre star de la musique country, Jimmie Rodgers. Son amour pour la mélodie pop et les techniques instrumentales un peu plus aventureuses – Norman Blake ou Tom Waits, qu’elle reprend aussi, sont aussi de ceux qui rénovent la musique traditionnelle - crée un mélange parfaitement dosé.


The Honey Dewdrops - Silver Lining (2012)


Un album bluegrass à deux voix dans la grande tradition de Gillian Welch/Dave Rawlings. Au sommet des charts folk aux US. Parfait pour les mois d'été ! Chronique à venir...

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