J’aime l’Amérique ! Enfin, je la méprise pour sa politique, je la regarde de haut pour son idéologie binaire, mais je l’adore pour sa musique. The Low Anthem donne avec Oh My God, Charlie Darwin un exemple de microcosme incomplet, mais nettement suffisant pour rester plusieurs fois bouche bée. Il y a même dans cet album matière à revenir sur l’inquiétude d’une Amérique complètement vrillée par les théories créationnistes, puisque les chansons sont inspirées par l’obsession de Ben Knox Miller pour la théorie de l’évolution de Darwin. Rassurant. Même s’il s’agit véritablement de la loi du plus fort, de la sélection naturelle… cela ne doit pas nous laisser sceptique. C’est juste ainsi que ça se passe, point. Il faut aussi dire que Darwin est origine de l’Ohio, dont il est largement question, avec une bonne part d’humour, ici. L’âme du disque, en quelque sorte. Mais la musique aussi a bien de la gueule, vous l’avez deviné.
The Low Anthem est constitué de Ben Knox Miller, donc, ainsi que de Jeff Prystowsky – ces deux là sont les membres fondateurs d’un groupe qui fut un temps un duo -, d’une Jocie Adams formée en musique classique et du batteur Cyrus Scofield. En 2007 fut enregistré par le duo d’origine What The Cow Brings, collection de morceaux d’americana. C’est pour élargir la palette musicale que Jocie a été recrutée, et c’est effectif avec Charlie Darwin. Enregistré dans une cabine de vacances (décidemment un must, après Justin "Bon" Vernon et les Bowerbirds) à Rhode Island, sur une période de dix jours, l’album est pourtant loin d’être inconsistant. Il a été diffusé indépendamment avant que le groupe ne signe avec Nonesuch Records, le label qui en fait pour toute la famille (Wilco, Ry Cooder, Randy Newman).
L’album s’ouvre sur un morceau extrêmement délicat, Charlie Darwin, chanté par Miller avec une voix de falsetto comparable au timbre de Justin Vernon ou de Joel Thibodeau de Death Vessel (non, ce n’est pas une femme). Le résultat est un peu évocateur du travail des Fleet Foxes, sorte d’hymne des bois tendre et intime. L’harmonica y brille de mille éclats. Arrive ensuite To Ohio, une ballade qui poursuit dans cette direction, avec un accent plus traditionnel mais tout aussi caressant. Le travail porté sur les instruments « annexes » - cuivres, harmonica est sublime. Ticket to Ride est quand à elle inspirée de Léonard Cohen, avec cette lente cadence un peu triste. Les musiciens se disent aussi inspirés de Neil Young et Bob Dylan – qui sont les pieds dans le plat de la musique américaine. Les deux morceaux suivants annoncent la métamorphose d’un groupe qui a plusieurs cartes en main, et pas seulement des nuances de la même ; accélérant la cadence, The Horizon Is a Beltway laisse découvrir un nouveau Miller à la voix rocailleuse qui emprunte à Sringsteen et à Tom Waits – Home We’ll never Be a la férocité de ce dernier. Il apparaît au fil de l’écoute que la moitié de l’album est chantée par Miller comme un animal sans défense, et l’autre comme un prédateur.
Champion Angel est également un excellent morceau qui évoque un Dylan particulièrement dynamique. Rolling Stone a encore frappé durement et idiotement, n’écrivant sur The Low Anthem qu’un court paragraphe dans lequel on croirait voir l’Amérique se tirer dans le pied et insulter ses racines (Neil Young est t-il aussi, pareillement, du « comfort food-folk ?) Fuck !
- Parution : 15 juin 2009
- Label : Nonesuch Records
- A écouter : Charlie Darwin, To Ohio, Ticket To Ride, Champion Angel
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