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mardi 16 novembre 2010

Avey Tare (de Animal Collective) - Down There (2010)


Parution : 31 octobre 2010
Label : Paw Tracks
Genre : Pop isolée, dub, psychédélique
A écouter : Laughing Hierogliph, Cemetaries

°
Qualités : original

Quand Animal Collective est farfelu et jouissif sur son dernier disque Merriweather Post-Pavillon, Dave Portner (ou Avey Tare) seul nous propose avec Down There quelque chose de plus vicié, de bien plus claustrophobe, et dont toute l’intelligentsia semble focalisée sur une manière trouble et inquiétante, quand ce n’est presque absconse, de faire rimer paroles introverties et dub psychédélique. La barque de Merriweather nous faisant glisser délicieusement et en cadence régulière sur l’eau d’une inspiration, d’une imagination abondantes, aux reflets multicolores sans recourir à l’huile du cynisme. Down There est un marécage, forcément stagnant depuis que les intentions de Portner ont été posées ; demeurer comme le crocodile qu’il joue si bien entre deux eaux, laissant le liquide se rider de plis et remous et sans presque jamais s’autoriser de vivacité. Down There est triste et lent presque comme Merriweather était rapide et plein d’espoir – et le fait que l’on retrouve dans les deux cas de nombreux éléments sonores en commun, cette sensation de naturel à peine forcé qui distingue si bien le jeune groupe de tous autre, vu d’ici, ne fait qu’accentuer la sensation d’un manque dans le cas de cet effort de Portner seul. Un manque sûrement recherché, pour un album qui trouve sa subsistance dans des beats claudicants invités du label Warp et des dialogues d’autistes à voix détonnée.
 
Celle de Portner, de voix, est un cas unique dans la musique pop d’aujourd’hui, et l’un de ses plus gros atouts, mais elle ne s’illustre jamais aussi bien que lorsque elle est accompagnée de celles de son groupe, où elle profite de la bonne volonté générale pour s’autoriser plus qu’il n’y paraît sur le versant iconoclaste. La plupart des nouvelles voies vocales qu’il explore ici sont intéressantes, comme sur le premier titre, Laughing Hierogliph, où Portner trouve à mi-morceau une belle force mélodique qu’il se contente de répéter, soutenu par les synthétiseurs, pour un effet allant naturellement crescendo, mais elles donnent toujours le sentiment d’être menacées par un certain mantra sordide. Dès que l’impression qu’une libération est en marche, au moment de Hieroglyph, s’est estompée, pour le reste sa voix est hantée par sa confrontations aux sons et aux échantillons qui donnent à tout instant l’image d’un lent étouffement. Un bouillon de neurones se prépare dans lequel la voix de Portner n’est qu’un élément parmi d’autres. Alors qu’il aurait le potentiel d’être le nouveau Peter Gabriel, et que Down There aurait pu être Cars, le jeune chanteur se débine dans un genre de pirouette intellectuelle.
Ca n’empêche pas Down There d’être, pour quelque temps au moins, fascinant. Cette manière, dans Cemetaries par exemple, de privilégier la béatitude souffrante plutôt que de se prendre en main pour faire de la pop efficace, est touchante. Les chants d’oiseaux deviennent des plaintes récurrentes qui n’appartiennent plus à aucun animal connu. Portner ne se refuse pas une part de fantasque, comme toujours, et la lenteur à laquelle vont les choses empêchent les illusions de se transformer en mouvement, en énergie mutante. Rien ne semble capable de changer de nature en trente cinq minutes, et le plus étrange c’est que la vision ombrageuse avec laquelle Portner reproduit ses propres expériences demande exactement cela ; mouvement hiératique, apparemment inutile – Oliver Twist, irrégulier – Heads Hammocks - et finalement frustrant, passé le plaisir de réentendre quelques phrases mélodiques si propres au groupe dont le chanteur est issu. Dans ces conditions, même Heather in the Hospital, qui décrit le combat de la sœur de Portner contre le cancer – elle s’est finalement rétablie – est entêtante et agréable. Dommage que sa rythmique rappelle Videotape, de Radiohead. L’interlude Glass Bottom Boat assume complètement son côté expérimental. Reste Lucky 1, une vraie bonne chanson de pop supérieure et décalée.

Les sonorités et les voix trafiquées sont combinées d’une manière déjà devinée chez Animal Collective, dont l’intérêt va au-delà de l’ambiance créée. Il y a un genre de passion, de torpeur conceptuelle à mélanger ces éléments déterminés. A tel point qu’on leur conseillerait de déposer un brevet. A propos de concept, le début de Ghosts of Books fait écho à un spectacle par les New-Yorkais du Blue Man Group et leurs sons produits à partir de tuyaux creux. Le sentiment qu’ils produisent ne semble cependant pas aussi profond que la longue réflexion qui a conduit à l’existence de ces sons le laisserait supposer. 

dimanche 23 mai 2010

Crystal Castles - Crystal Castles II

Dès Fainting Spells, on a l’inpression d’assister à une déconstruction de tout ce que la musique populiste fait de dégoûtant ; une sorte de gimmick à la Lady Gaga cotoie des bribes de voix et des bruits de sirènes assemblés au lance-pierre, dans une sorte de chaos complaisant. Heureusement, ça ne dure pas bien longtemps. Ensuite, de titre en titre, la curiosité s’amplifie sans que l’agacement ne disparaisse jamais complètement – et tandis qu’on navigue entre possibles hits répétitifs mais spontanés amenés par des syntthétiseurs et tentatives d’agression auditive (à l’image de Doe Deer) qui mettent en évidence le refus pour le duo Torontois d’assumer un quelconque statut mainstream. La pochette, seule, devrait refroidir un peu les ardeurs ; et pour quiconque sait encore apprécier un disque dans le bon ordre, c’est là que tout commence. 

Le duo, formé en 2003 de Ethyan Kath et Alice Glass, en est à son second album éponyme ; et, au bout d’accusations de plagiat et de concerts annulés au dernier moment, il semblait peu probable que leurs expériences aléatoires et leurs talents questionnables rencontrent un jour un succès d’estime. Pourtant, c’est arrivé avec ce nouveau disque ; c’est comme s’il aténuait un peu l’opacité en faisant preuve de compassion - ce qui est peut-être une concession pour eux. Leur us et abus d‘échantillons sur lesquels ils n’ont parfois eu aucun droit, leur insistance à ne nommer leur disque que de cet étrange patronyme repris à un jeu vidéo en fait des sortes de nouveaux punks, méprisant le droit d’auteur et revendiquant un recyclage grossier – mais il soulèvent encore là une réflexion. 

Ils apparaissent comme les ferrailleurs qui se servent dans le dépotoir du divertissement de masse et parviennent finalement, par un assemblage de caractère, à leur propre son. L’aspect le moins innocent et le plus évident de cette quête d’originalité est le traitement des vocalises enflammées et souvent inintelligibles de Glass, filtrés au travers de machines peut engageantes, de manière systématique. Il n’est même pas évident que ce soit pour le duo l’occasion de recherches sonores ; mais que ce son soit le résultat d’une finalité, l’envie d’en finir pour de bon avec le reste du spectre musical, en se murrant dans un endroit peu contraignant pour eux et stimulant pour nous. Crystal Castles II est aussi un exercice d’instinct ou de hasard : il y a de nouvelles sonorités à chaque minute, et on s’accoutume vite à ne plus se questionner sur des problèmes de pertinence ; Kath et Glass s’en soucient bien peu. 

Plus loin, Baptism crève l’écran, se faisant quasiment fédérateur, harangueur, et fondé sur quatre accords notes et un solo de calculette. Des moments similaires ne vont pas manquer de réaparaître tout au long du disque. On suppose que le couple se fait plaisir, la plupart du temps, propulsant dès les premières secondes l’ambiance à une intensité bizarre s’il l’on continue de croire qu’il s’agit de pop. Les sons et textures qui nous sont jetés à la face suggèrent l’excitation du live, l’atmosphère bouillante de l’arène, où les couplets sont douloureux – on a bien droit à quelques numéros de masochisme – et les refrains sans arrière-pensée. C’est l’entrechoquement d’un jeu bancal, où rien n’est finalement parfait, où même les présumés hymnes ne tiennent que sur trois pattes, qui fait la dynamique de Crystal Castles. C’est dans la confrontation de sonorités hideuses ou milles fois entendues, que se trouve leur pouvoir de progression vers des sphères où ils deviennent des artistes originaux. Ironie du sort, plusieurs titres feraient de bons passages radio… On pense à Suffocation, Not in Love

Crystal Castles II apporte une réfléxion intéressante sur ce qui constitue la musique vulgaire, prenant soin de toujours dévier les clichés, mais sans complètement échapper à la facilité. La voix de Alice Glass, souvant remodelée, déformée, déraillée, déchaînée, - comme une caricature des chanteuses exaltées et sexualisées à outrance dans la pop-music, une lolita perversifiée par une voix de robot - apporte le pendant extra-lucide et tranchant à un groupe dont la musicalité se limite par ailleurs clairement à laisser pourrir une plage mélodique pendant quatre minutes et en l’agrémentant (?) de bruits parasites. Les parasites, ce sont sans doute tous ces prétendus musiciens qui envahissent les télévisions et radios, vendant leur corps désoeuvré et se servant de la « musique » pour gagner un minimum de crédit – mais, qu’on se le dise, ceux-là ne parviendront jamais à passer le cap du live avec crédibilité. Crystal Castles, peut-être. Il faudrait que leur prestation soit à la hauteur – qu’ils puissent ajouter à l’intensité aliénante de leurs marches folles et de leurs envolées sordides l’ironie et la distance qui caractérise une formation comme Kraftwerk.

Alors, quand Crystal Castles II transforme une sentence innocente de Sigur Ros en marche technoïde (Year of Silence), c’est peut être pour nous révolter. Qui sait si, demain, une telle débauche ne sera pas la norme dans la culture populaire, et effectuée avec un sérieux pathétique de surcroît ? Si toutes ces supputations s’avéraient n’être que le fruit de mon imagination, alors Crystal Castles II n’est que la cerise sur un gâteau particulièrement glauque, une sorte d’impasse pathétique pour la pop électronique. Et qui osera les sampler à son tour ?

  • Parution : mai 2010
  • Label : Fiction
  • Producteur : Crystal Castles
  • Genre : Electro, Expérimental
  • A écouter : Celestica, Suffocation, Baptism

  • Appréciation : Mitigé
  • Note : 5.75/10
  • Qualités : Original, spontané

samedi 8 mai 2010

Harvestman - In A Dark Tongue


C’est toujours un plaisir de retrouver l’un ou l’autre des musiciens du groupe Neurosis dans leurs différents projets, et ce, on l'avoue, quelle que soit la qualité de la musique qu’ils créent. Dans l’absolu, ce sera toujours de la bonne musique ; spacieuse, présomptueuse, intimidante. L’an dernier, Shrinebuilder voyait Scott Kelly s’associer avec Al Ciscernos de Om et Wino. Cette fois, c’est Steve Von Till, le second chanteur de Neurosis qui sort son deuxième album avec le projet instrumental Harvestman, dans lequel il officie seul. Lashing in the Rye, le premier opus, est décrit par le groupe comme « une confluence vertigineuse de folk anglais délicat des seventies, d’un mouvement de reflets épars, et d’un drone glauque et glacial, une suite qui évolue constamment et semble exister dans quelque glorieux autremonde ».

Steve Von Till est en effet à ce point obsédé par le pouvoir cinématique de la musique, et surement par la musique des allemands de Popol Vuh dans les films de Werner Herzog (Aguirre, la colère de Dieu…) ; ces longues litanies très répétitives, dont les suites d’accords simples s’infiltrent en nous comme les mouvements d’une descente vers la torpeur. Von Till est aussi influencé par Tangerine Dream, Neu !, Faust et des groupes de la scène psychédélique Californienne.

Contrairement à une musique qui tenterait de nous élever de nous donner une sensation de flottement, celle de Steve Von Till nous ramène constament à la terre, nous empèche d’échapper à quelques funestes visions. En enregistrant chez lui dans les forêts profondes de l’idaho, Von Till semble chercher à communier avec les forces silencieuses d’anciens esprits étrangers, perpétuant pour le plaisir des sens et le travail de l’imagination un genre de rite millénaire.

Fasciné par l’obsur, l’obsédant, l’hypnotique, il tente de produire ce qui nous ferait passer d’un monde conscient à un rêve symbolique et douloureux. Il joue avec les espaces, où la beauté naît de l’insistance, non pas dans l’instant mais au bout de quelques minutes. On est très loin du hardcore de Pain of Mind (1987), ses débuts avec Neurosis, et pourtant, il y a dans le fond la même fascination pour le côté primitif et brut de la musique. Il laisse les guitares vrombir crée des nappes indifférenciées de cordes électriques et de claviers, sans intervenir très souvent pour stopper ce qui est lancé. Il laisse le temps installer une atmosphère de transe chamanique.

Sur In A Dark Tongue, ce sentiment est illustré par la pochette, déjà (signée Josh Graham, comme souvent chez Neurot Recordings). Le visuel est ce qu’il y a de plus séducteur dans ce disque. La musique de Von Till semble de plus en plus cloîtrée, parfois complaisante (Light Cycle), presque vaine dans son utopie à reconstituer des ambiances, des sensations que personne n’a jamais connues ni ne connaîtra jamais. La magie opère pourtant dès que les instruments ont cette magnificence et le supplément d’âme qui leur permet d’exister sans tenter d’imaginer le film dont In a Dark Tongue serait la bande-son. By Wind and Sun, le seul titre ou Von Till chante, est particulièrement intense. A d’autres moments, comme sur The Hawk of Achill qui évoque Hawkwind, les influences apparaissent très nettement, un peu déplacées. Elles montrent peut-être la sincérité de Von Till, son envie d’intégrer à sa musique tous les éléments de son univers sans rien omettre. Il ne sacrifie rien à des raisons esthétiques.

Comme Neurosis surla musique de Harvestman est mue davantage par une force illustrative que par la recherche d’une structure Si Neurosis est intéressé pour toucher l’âme à travers sa musique, (du moins jusqu’à The Eye Of Every Storm), Harvestman est davantage l’expression d’un état physique et spirituel superficiel, c’est un musique de l’instant plutôt que fondée sur une quelconque nostalgie. Dans ces conditions, la pari est difficile ; nous faire entrer dans le disque et faire que nous revivions comme Von Till ou l’esprit qu’il crée a vécues ces expériences spontanées.

Bref, malgré les apparences, il semble que ce soit un disque plus physique qu’intellectuel. Il gagnerait à être moins monotone, bien entendu, mais seulement pour ressembler un peu plus à ce qu’on connaît. Harvestman semble appartenir complètement à Von Till, et même s’il tente d’en partager le maximum avec nous (notamment à travers un long descriptif sur sa page Myspace) on a du mal à pénétrer de telles intentions.

  • Parution : avril 2010
  • Label : Neurot Recordings
  • Producteur : Autoproduit
  • Genre : Drone, Folk, Ambient
  • A écouter : By Wind And Sun


  • Appréciation : Mitigé
  • Note : 5.50/10
  • Qualités : spontané, self-made

 

dimanche 25 avril 2010

Trans Am - Thing


Trans Am, c’est le genre de son qu’on ne peut cesser d’écouter à moins d’avoir une vraie conscience positivioste qui vous permette d’y échapper. Il y a là un pouvoir de captation de toute volonté. Avec ce disque, on a tôt fait de se demander quel pacte infernal nous conduit à y retrouner avec insistance, et finalement à essayer de le décrire. Il faut dire qu’il se détache rapidement du lot, comme une excroissance douteuse, un artifice incongru. Le groupe, on préfère d’ici le laisser dans l’obcurité ; trio américain, passionnés de science fiction et de jeux vidéos, mais aussi de musique pointue et qui empruntent leurs méthodes à Brian Eno (ces fameuses obliques stratégies qui feraient office de viagra en ce qui concerne les pannes d’inspiration en studio, que l’on m’excuse de la métaphore). Mais la musique d’Eno est sûrement (un peu) moins nombriliste.

On remarque leur persévérance ; Thing est leur huitième disque. Presque inattendu puisqu’il s’agissait d’une B.O. de film qui a mal tourné (le film a tout bonnement été passé à la trappe au dernier moment). De la part de gens qui investissent tant de moyens dans de la science-fiction d’horreur, il faut s’attendre à tout, comme à garder, au cours d’une poignée de mains juteuse, la main de son interlocuteur dans la sienne. Thing (dont le titre évoque le film d’horreur The Thing) est un disque qui se nourrit de lambeaux, en essayant de leur donner l’attrait de véritables pièces. Pour cela, il faudrait qu’il y ait un semblant de construction, une atmosphère, un crescendo. Mais c’est par frustration plutôt que par délectation que l’on écoute le disque encore et encore.

Black Matter, Arcadia et Apparent Horizon offrent à voir le côté sociable du disque (c'est-à-dire qu’il y a des paroles grimées avec un goût certain pour l’absence de sentiment à travers un vocodeur). Imaginé comme une suite de séquences claustrophobes, le plupart des titres ne sont que l’assouvissement mollasson d’un désir d’être « entre ZZ Top et Kraftwerk », plus autiste que grand-guignol il me semble. C’est comme si les musiciens contemplaient leur propres attributs (électroniques) à travers le désir lent et douloureux de bien faire. Il y a la scène de combat, la scène d’amour (on imagine l’intéressé perdre son ardeur au bout d’une minute et dire : « non…désolé. Je ne peux pas, pas aujourd’hui. » Si c’est un scène d’amour qui dure moins d’une minute, il reste à imaginer la suite du film à l’avenant. C’est que le procédé paraît honnête (Trans Am n’a toujours fait que des disques concept), voire bizarrement cadré (même le générique du supposé film avait été fantasmé par nos lutineurs frustrés), sans que les Trans Am aient la tête à l’ouvrage ; ils préfèrent créer des ambiances menaçantes (Black Matter) ou effilochées (presque tout le disque) sans même, probablement, se rendre compte que leur musique fait réellement peur – parce Black Matter est bien loin de tout ce qui est tourné pour vous être agréable. Pour aller plus loin, on pourrait dire que dans un moment comme celui là, le groupe se gausse de ceux qui vont jeter une oreille à son disque, puisqu’il cherche manifestement à laisser l’auditeur dans la torpeur. Et c’est une qualité qui ne se partage pas facilement.

C’est pour cela que Thing est finalement bienvenu ; l’impression que tout peut devenir soudain horriblement faux ne nous quitte pas, mais il y a dans cet abandon, cet attitude de charognards, un véritable jeu d’ombres ; funk, krautrock, électro, et surtout, au moment de Apparent Horizon, l’impression que l’âme de Joy Division, de She’s Lost Control précisément, est là, quelque part à mascagner. Et le titre dégage une impression surréelle. 

Dommage que rien, ou presque, ne devienne concret ; que la menace ne plane sans jamais délivrer la moindre superbe, là où c’était le rôle de Space Dock, le dernier titre, de le faire. Tout ce qui fait mine de se construire ne s’affirme jamais, laissant celui qui fait l’effort d’être attentif dans l’égarement ; alors, en club, pourquoi pas, ou dans tout autre endroit d’aujourd’hui et surtout de demain, où des jeunes sous acide viendront s’entrevoir pour échanger quatre mots dans un micro-vocoder (afin que tous aient la même voix) avant de retourner dans les cages qui les protègent du monde extérieur. Vision effrayante d’un avenir où, dans ces instants précieux quand l’attention de nos esprits surentrainés sera dirigée vers l’émotion, ce sera des musiques aussi froidement défaitistes que celle de Trans Am qui nous parviendront. Exception faite, bien entendu, de l’excellent Apparent Horizon.

  • Parution : avril 2010
  • Label : Thrill Jockey
  • Produteur : Trans Am
  • Genre : Synthétique
  • A écouter : Apparent Horizon

  • Appréciation : Mitigé
  • Note : 5.50/10

 

 

Yeasayer - Odd Blood


Traduction de la chronique de Pitchfork.

Lorsque Yeasayer ont débuté en 2007 avec All Hour Cymbals, ils étaient un groupe art-pop de Brooklyn étrangement en décalage avec leurs pairs. Ils ont laissé planer le mystère et la surprise, et dans leurs meilleurs moments (2080, Sunrise) ils ont réussi à faire du mysticisme amusant et de la musique pop un semble attrayant et passionnant. Ils étaient essentiellement une version roots et rock de MGMT à ce moment. Leur sort semblait doublement scellé par Tightrope, leur contribution diablement bien exécutée en live sur la compilation de charité Dark Was the Night.

Ensuite, on pourrait estimer qu'ils ont fait encore mieux avec Ambling Alp, le single qui précédait Odd Blood. Alp a réussi à conserver la bonne foi pitoresque originelle en la transformant en pop brillante, lustrée et accrocheuse. Cette dualité s'étendait aux paroles également ; la chanson évoque l'infame boxeur italien Primo Carnera, mais dans le refrain Chris Keating chante le genre de conseils paternels bienveillants que l'on pourrait entendre dans un montage de Shrek.

Comme Ambling Alp, Odd Blood devrait séduire un grand nombre de personnes : Yeasayer ont fait un disque potentiellement visionnaire en utilisant l'éventail complet des possibilités de la musique basée sur des logiciels informatiques pour créer ce qui aurait été à un moment donné du rock radio-friendly. L'élastique O.N.E et l'évocation à la Tears for Fears de I Remember sont de bons coups de sang style eighties, et confirment le potentiel préssenti sur All our Cymbals en rivalisant avec les meilleurs titres de ce disque. L'ouverture The Children marche aussi en adaptant leurs tendances décalées dans une chanson bien ficelée. Dans le plus gros de la première moitié de l'album, Yeasayer fait preuve d'un savoir-faire et d'un discernement rares dans la musique « indie » moderne. Leurs paroles ne veulent peut pas dire grand-chose, mais leurs dispositions agiles, leur sens de la dynamique et du rythme, et le chant expressif de Chris Keating transmettent une énergie.

Le reste de l'album souffre d'une crise d'identité majeure – peu des quelques idées dispersées prennent, et la plupart d'entre elles finissent trop cuites. Dans l'ensemble, le disque alterne entre une synth-pop années 80, du prog-rock anglais (sur les bonnes chansons) et une pop alternative qui imite la musique du monde (et ce sont les mauvais). Des chansons comme Rome ou Love Me Girl ont l'objectif d'un étalement ambitieux, mais s'essoufflent dans la boue, tandis que les ballades Strange Reunions et Grizelda semblent laborieuses et congestionnées.

Yeasayer ne va nulle part : des singles de qualité, des vidéos inventives, et de solides performances live, mais quoi d'autre ? Il est difficile de ne pas rendre compte de la pression du groupe au moment de ce second disque - c'est presque palpable dans leur production sursucrée et leur recherche désespérée d'une direction, et, par conséquent, Odd Blood est un peu trop plein de manque d'idées. Je suis retourné écouter Tightrope de nouveau. C'est charmant, humain, et assuré, mais ça gagne votre affection plutôt que votre respect. Lorsque Odd Blood réussit, c'est ce qu'il fait, mais quand il échoue, il n'arrive à rien.

  • Parution : février 2010
  • Label : Secretly Canadian
  • Producteur : Yeasayer
  • Genre : Pop
  • A écouter : Ambling Alp, One

  • Appréciation : Mitigé
  • Note : 5.50/10

 

 

 

jeudi 26 novembre 2009

Them Crooked Vultures - Self Titled




On reproche rarement à un groupe, aujourd’hui, de mettre trop d’idées dans sa musique. Pitchfork le fit  il y a quelques jours pour ce disque ; étonnant. Et puis, est-ce bien raisonnable de reprocher quoi que ce soit quand on a affaire à un trio composé de John Paul Jones, un temps bassiste et claviériste au sein de Led Zeppelin – ce solo sur Kashmir ! On se contentera ici de celui sur Bandoliers notamment – ainsi que de Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters) à la batterie et de Josh Homme, Mr. Queens of the Stone Age, à la guitare et au chant ? 

On pense aussitôt que la patte inimitable de ce dernier, à savoir des riffs épileptiques de hard-rock et des paroles alliant obsessions, sexe et scènes grotesques, est celle qui prédomine sur l’ensemble. Bientôt apparaissent les signes d’un psychédélisme très emprunté à ces mêmes désert sessions ( exercices de composition entre amis au studio Joshua Tree, en plein désert) qui ont donné Someone in the Wolf ou The Blood is Love, deux chefs-d’œuvre de Lullabies to Paralyse (2005). C’est la fin de Scumbag Blues, mais surtout Interlude with Ludes qui nous plonge dans une ambiance lounge. 

Dave Grohl apporte évidemment son imposante façon de jouer, puissante et précise, un peu majestueuse ; batteur autrefois grunge, c'est un admirateur des deux autres  – de Jones bien sûr mais aussi de Homme, puisqu’il considère à l’évidence Queens of the Stone Age comme un exemple d’intégrité pour son propre groupe. Il faut se souvenir sa participation cruciale à Songs for the Deaf (2002).



Lors d’un concert au Wembley Stadium en 2008, alors que le batteur des Foo Fighters chantait, Grohl de dire : « tu ne chantes pas mal pour un batteur ». Et l’autre de répondre : « Toi non plus ». 85 000  personnes rigolent. Mais pourquoi se priver de changer de rôle quand on a tant de talent ? C’est dommage que Grohl, ne serait-ce que pour donner un autre cachet que celui de Homme à certains titres, ne chante pas davantage. Un peu sur Interlude with Ludes… mais pour le reste, on est loin de ce grand chien très charismatique qui tint en haleine tant de public lors de ce fameux concert à Wembley – le lendemain, ils rejouèrent au même endroit et invitèrent Jimmy Page et John Paul Jones à jouer avec eux deux morceaux de Led Zeppelin ; l’idée de monter Them Crooked Vultures a peut être fleuri alors. Warsaw on the First Breath you Take After you Give Up laisse imaginer un floraison plutôt cadavérique. 

John Paul Jones est sans doute un bassiste impressionnant, mais sait aussi arranger la musique comme il faut – en témoigne Automatic for the People (1992), qu'il a produit pour REM. Au sein de Led Zeppelin, il suffit d’écouter Physical Graffiti pour se donner à voir la vision aux bases épaisses et classiques de celui qui eut au moins une fois son nom gravé dans le marbre (Led Zeppelin II). Il y a un genre d’idéal chevaleresque romantique autant que séduisant, mais aussi une vraie part d’ombre dans le personnage de Jones, qui a toujours hésité à se mettre en avant au sein de Zeppelin. Et encore ici, il est malaisé de détecter sa présence. Il est pourtant là, donnant un fonds plus riche et parfois incongru à certains titres. Et il y a son jeu de basse comme une  roquette élastique, bien entendu. 

Them Crooked Vultures est ainsi l’occasion pour John Paul Jones d’accomplir de nouvelles prouesses, afin que de concrétiser la synthèse entre le stoner enfumé de Homme et un hard rock plus classique dans la tradition moins fantaisiste de Led Zeppelin. 

Les riffs entrent les uns après les autres sur Elephant, tandis que ses compères, en plein trip hallucinatoire – ça y est, on y est, on joue avec  John Paul Jones ! , ce genre de chose – veulent donner toutes leurs forces, quitte à partir un peu dans tous les sens. Ce sentiment d'un résultat décousu s’aggrave à la longue, jusqu'à donner la sensation d’une disque sans horizon. Il y a trop de relâchement, d’enthousiasme dépensé au détriment de finesse de composition ou de sens – celle dont on sait Josh Homme capable, après I Never Came (sur Lullabies to Paralyse) par exemple.

La musique a pourtant bien de la gueule, dès le premier titre No One Loves me and Neither do I et son riff de basse appelant Out on the Tiles. La grande force du disque est que même sur des morceaux comme celui-ci, longs et ardu, la lourdeur du son et la multiplication des riffs et des idées rythmiques en font une musique impressionnante dans chaque instant. Les titres les plus directs se démarquent ; Scumbag Blues et New Fang, ou encore Mind eraser, no Chaser ont d’évidents crochets. Reptile illustre peut-être le mieux ce que fait le groupe, en puissance et en luxuriance, l’originalité en plus. Les arrangements y sont particulièrement savoureux et efficaces, et démarquent le groupe du travail de Homme comme du reste de la production musicale ambiante. 

Le problème est de savoir combien d’écoutes suffiront à épuiser votre intérêt pour ce hard rock arrangé à la sauce virtuose mais pourtant trop dépendant de son leader improvisé – Homme -  et trop peu calibré – pour ressembler à autre chose qu’a un prétexte certes solide et prometteur de s’éclater sur scène. 

  • Parution : 17 novembre 2009 
  • Label : Interscope
  • Producteur : Them Crooked Vultures
  • A écouter : New Fang, Scumbag Blues, Reptiles

  • Appréciation : Mitigé

  • Note :  5.75/10
  • Qualités : fun, puissant, groovy


samedi 10 octobre 2009

Cut Copy - In Ghost Colours


Qu’est-ce qui différencie Cut Copy de cette flottée de groupée de groupes électro cheap qui débarque continuellement pour pourrir aussi bien nos incursions chez les enseignes de grande consommation, les magasins de chaussures et de fringues, les gares et les stations de métro, se déversant jusque dans les rues où le bruit des moteurs de suffit plus à l’oreille de la populace toujours friande de nouvelles agressions sonores ? (Kraftwerk adorerait cette idée). Cut Copy a, bien sûr, comme d’autres, une grande dette envers les quatre robots de Dusseldorf. In Ghost Colors a en outre presque tout pour que l’on se croie égarée sur la grève en pleine attaque mercantile, ou naufrage artistique. Ce en quoi il n’a rien de commun avec The Man Machine, qui, lui ne fait aucune concession. Mais le temps où l’électro ne s’embarrassait ni de concessions ni d’influences est révolu. C’est un style musical en perte de vitesse.

In Ghost Colours est un album totalement dans le coup, qui surfe sur cette manne commerciale consumériste (on ne peut pas dire qu’il surfe sur la culture club, plus aujourd’hui). Enfilant les titres très agréables et totalement dénués de sens, comme Out There on the Ice, Lights and Music ou Hearts on Fire – qui offrent par leur titre un aperçu assez percutant du contenu lyrique (Strangers on the Wind, Eternity One Night Only…) Un coup d’œil à la tracklist peut fonder les pires craintes d’une ringardise suraigüe, telle est celle qui définit la radio d’aujourd’hui. On a parfois l’impression, lorsqu’il s’agit d’électro, de se trouver dans une aire primaire à coté de laquelle même les programmes radio d’avant la seconde guerre mondiale sont des modèles de sophistication et de bon goût.
Ainsi, Cut Copy est une formation plutôt desservie par des goûts lyriques douteux, et ce qu’on doit forcément appeler chansons est constitué de phrases rabattues tant qu’ici c’en devient presque une parodie. On y chante l’amour basique, superficiel, parce la qualité même des textures musicales ne permet pas d’aller bien plus profond. Voilà, vous l’avez deviné, j’ai été pris d’une furieuse envie de cracher, non pas sur Cut Copy en particulier, mais sur nombre de formations électro castratrices de créativité comme « on » les aime par les (sombres) temps qui courent. Et ce n’est pas faute d’aimer l’électro et son penchant révolutionnaire (et révolu).

A côté de ça, In Ghost Colors, affirme, au delà de tout ce qui le rend agaçant, une ambition remarquable, en mélangeant mélodies pop sucrées et guitares montrant une constance avec laquelle même les derniers disques de New Order ne peuvent pas se mesurer. Explorant parfois des contrées défrichées par des groupes plus extrêmes, les Cut Copy apparaissent bientôt plus impliqués qu’ils n’ont l’air au premier abord. So Haunted ajoute une guitare au mix – tandis que la voix évoque Bernard Sumner - pour conjurer toute la schizophrénie dont les trublions sont capables. Et, du moins pour un moment, ça marche. C’est particulièrement efficace en situation de jogging.

Sans vraiment d’identité, le groupe parvient à garder une efficacité imparable tout au long de ce généreux disque. Si le psychédélisme n’est pas au rendez-vous (pour cela, dirigez-vous plutôt vers les Flaming Lips) un certain talent pour trouver des mélodies précieuses mais brillantes parcourt tout l’exercice, donnant de belles pièces comme Hearts of Fire. Il y a également un certain sens de la construction, puisque de nombreux morceaux sont annoncés par des introductions prenantes, mettant en évidence la volonté de Cut Copy à nous faire accepter leur disque comme un tout. Clôturant ici cette chronique, il est temps de retourner écouter les « démodés » Kraftwerk.
  • Parution : 22 mars 2008
  • Label : Modular
  • Producteur : Tim Goldsworthy
  • A écouter : Lights and Music, Hearts on Fire

mercredi 30 septembre 2009

Blk Jks - After Robots


La guerre fait rage autour des Blk Jks (Black Jacks). Dispensateurs d’une musique frénétique alliant rock progressif, dub, jazz, ska et musiques africaines, on les stigmatise maintenant pour avoir la prétention de Tv On The Radio, mais sans le talent particulier qui a fait le succès du quintet de Brooklyn ; obtenir une clarté de son qui n’était pas vampirisée par leurs audaces techniques, fabriquer de la pop véritable des morceaux avec un début et une fin.

After Robots ne fait pas cela, il est sans queue ni tête, c’est vrai ; mais tellement vibrant et surprenant que, dans sa prétention obstinée à embrasser le monde entier, il opère au premier abord comme un cocktail extraordinaire, sorte de The Mars Volta en moins agaçant. Le quatuor de Johannesburg, Afrique du sud (dont on a entendu parler à l’occasion du film District 9 ) publie là son premier disque, enregistré aux Electric Lady Studio dans l’Indiana, aux Etats Unis, dans des conditions qui ont sans doute terminé de les rapprocher de formations très en vue comme Akron/Family – un autre de ces groupes qui réfléchissent trop - et autres formations américaines qui mettent aujourd’hui de la world music dans leur cuisine.

Alliant une excellente technicité, des nombreuses références passionnelles et des moyens importants – dont une section de cuivres -, cela donne un disque qui est comme une bombe à plusieurs étages. Le problème selon qui en parle, c’est que même s’il fera forte impression à sa découverte, l’intérêt pour le disque ne durera pas à cause de son manque de ferveur mélodique et d’identité. Mon objectif est cependant de vous conduire à écouter ce disque au moins une fois ; alors vous serez libre d’y trouver ce que vous voulez.

Les solos de guitare électrique de Lindani Buthelezi y sont pour beaucoup dans l’attractivité de cet improbable melting pot. Parmi les ingrédients – groove, batterie rutilante et motifs psychédéliques – ils terrassent toute appréhension et procurent une excitation bienvenue. La rythmique tourne et vire avec une superbe toute à la gloire des styles prog et jazz. Un morceau comme Lakeside communique une énergie tout à fait extraordinaire, tout comme Taxidermy, faisant écho au travail de White Denim ; mais pourtant, et c’était un peu le problème du trio texan, c’est pour n’aller nulle part. C’est une attitude tout à fait rock en soi – privilégier l’instant, donner le maximum dans l’idée d’impressionner la gent féminine, etc – (encore quatre mecs, ce groupe, il est tant de le dire).

Mais voilà, il faut en régresser à ce genre de constats pour pleinement apprécier la musique des Black Jacks, et du coup on peut imaginer qu’ils auraient plus convaincu encore avec une harpiste Appalachienne en leur sein, ou quelque autre préciosité qui serait une façon d’être plus excentriques encore. C’est un jeu qui ces derniers prend son envol, celui qui voit quelques fortes têtes branchées et particulièrement douées techniquement abonder à la fois vers le psychchédélisme, le free-jazz, l’opérette et même la musique contemporaine ; et le jeu c’est finalement de se glisser avec plus ou moins de bonheur dans des peaux bigarrées mais pas pour autant efficaces. Et embrasser large – un jonglage linguistique s’ajoute à l’exercice ; Anglais, Zulu, Xhosa - n’est surement pas la meilleure façon de construire une identité cohérente – les Talking Heads (voir la chronique de Remain in Light). auraient une leçon à donner à quelques un de leurs admirateurs. Malheureusement, en rock, la longévité compte. Mais cet album permet tout de même de passer un bon moment.
  • Parution : 21 septembre 2009
  • Label : Secretly Canadian
  • Producteur : Brandon Curtis
  • A écouter : Lakeside, Taxidermy

mercredi 9 septembre 2009

Mew - No More Stories are Told Today, I'm Sorry they Washed Away, No More Stories the World is Grey I'm Tired Let's Wash Away

Parution : 2009
Label : Columbia
Producteur : Rich Costey, Mew
A écouter : Cartoons and Macreme Wounds, Repeater Beater, Hawaï

6.50/10

Mew possède de nombreuses attaches qui ne font aucun doute sur leur appartenance à une scène européenne plutôt nordique, réputée pour apprécier l’utilisation d’éléments rythmiques complexes (Wildbirds and Peacedrums), sons de parades (Efertklang) et cuivres dans des compositions éclatées. L’expérimentation est en effet une bannière bien large sous laquelle fleurissent en quantité des formations impopulaires mais prometteuses. Ainsi, Radiohead et l’axe Anglo-Saxon n’est qu’un aspect de plus en plus inconséquent – je ne parle pas de Radiohead, mais de la scène anglaise, bien entendu - de la scène musicale européenne. On peut cependant mettre de côté le travail du label emblématique de musique électronique allemand Warp auquel Mew n’est que peu apparenté. Quelques groupes sont parvenus à pleinement s’épanouir et imposer leur son, sans nécessairement emprunter la langue anglaise (Sigur Ros) ; dans le cas du quatuor islandais, une originalité entière – de son et d’approche - et l’appartenance à un courant montant, le post-rock, peuvent expliquer le succès. Nous avons ici un groupe Danois fondé en 1997, et qui après avoir ouvert pour Nine Inch Nails pour sa tournée européenne, se retrouve en position de force.

Cet album est gros et ambitieux. S’il a été adulé à sa sortie, c’est pour posséder la faculté, du moins dans les premières écoutes, de subjuguer. Sa richesse énorme, ses mélodies multiples suggèrent un travail long et périlleux ; et la production est plutôt heureuse. Pas de doute, Mew sait où il veut en venir ; ressusciter encore une fois pop et synthés dans un cocktail plus musclé et direct que Deus (excellent groupe belge) jouer des percussions comme la nouvelle furie anglaise (batterie tellurique dans l’esprit Matt Tong de Bloc Party), et surtout, surtout entretenir un lien avec les grands espaces miroités dans un post rock mélodique, quitte si possible à empocher l’auditeur qui avait déjà un pied dans le papier bonbon grand ouvert, mais trouvait les quatre premiers morceaux trop m’as-tu vu. Force est de constater que, malgré l’agacement aux troisièmes et quatrièmes écoutes, No More Stories… est impressionnant dans son désir d’impressionner. S’enchaînent donc en première partie de ce disque quatre morceaux qui, s’ils ne sont pas imparables, jouent à merveille dans un registre dual, entre avant-pop et racolage de piste de danse. Ou cela nous mène ? Probablement nulle part, et c’est dommage ; la rythmique sur Introducing Palace Players est par exemple si enthousiasmante qu’on aurait vraiment aimé lui donner plus de longévité. La voix évoque Mercury Rev, et le refrain nous fait basculer dans le totalement radiophonique. Repeater Beater est peut être un meilleur morceau, plus rude.

Après quelques secondes de silence, démarre la deuxième partie du disque – il y a la volonté d’une narration, qui explore de la joie la plus colorée jusqu'à une tristesse qui se fait presque violente. C’est ici que le groupe veut que nous entrions totalement au cœur de son son. Toujours plus de pistes superposées, c’est ce que les inconditionnels du quatre pistes appelleraient marasme sonore. Très peu de motifs répétitifs, mais au contraire, une tentative de sans cesse réinventer les morceaux, de les faire sinuer à la manière d’un Deus psychédélique (Cartoons and Macreme Wounds). De vraies mélodies plutôt glaciales se révèlent en centre de pièces vouées à l’abondance, la multitude de voies, la perte de focus. De très nombreux instruments sont joués, notamment en ce qui concerne les percussions, sorte d’assemblage pléthorique qui offre à chaque plage sa propre identité (Hawaï – ou les xylophones sur Vaccine). C’est un décor proprement construit pour nous laisser y pénétrer, plein de crochets pop insistants ou seulement passagers. L’impression globale est celle d’un album un brin prétentieux – dans sa volonté de créer une trame enveloppante et de sur-identifier les morceaux -, étrange et éthéré. Mais suffisamment ouvert et appliqué pour mériter la ferveur qui l’accompagne.

jeudi 13 août 2009

MGMT - Oracular Spectacular


Let’s have some fun… Après un énorme bouche-à-oreille, puisque on en parlait même en France !!! J’imagine qu’il était annoncé par des musicologues amateurs de Suicide (duo d’électro-pop minimaliste de l’époque post-punk) comme s’ils allaient ramener dans leur sillage un tas de sensations psycho-nihilistes prônant la non-réflexion, « let’s have some fun », « don’t think too much », etc. Mais ces musicologues honnêtes n’ont pas prévu qu’un mauvais coup a été joué aux MGMT (Management) pour qu’ils en arrivent à cet état embarrassant où même une nation globalement ignare de tout ce que le freak-folk et de folk tout court et d’électro un peu barbée a fait de plus commercialisable et identifié – sans que ce soit une critique pour désigner Devendra Banhart - parle soudain d’eux.

Auparavant duo sans histoire, Andrew Van Wyngarden et Ben Goldwasser ont malencontreusement signé en 2006 avec Colombia. De là est né le malentendu de MGMT groupe vendeur, promo rouleau compresseur, musique de publicités etc. Je n’ai pas envie d’en faire des tonnes sur le phénomène, mais je suppose qu’il faut soutenir les « maisons de disques »… Au niveau musicalité (ce pourquoi nous sommes là), exit les sonorités faites à la maison, pour l’occasion a été recruté Dave Fridman, qui a travaillé avec les Flaming Lips ou Mercury Rev. La production est donc d’un chrome sans défaut, assez loin de ce « qu’on » attendait du duo. Heureusement, il y a les titres Time To Pretend, Kids et Electric Feel pour faire honneur à cette charge de mammouth sans laine, toutes défenses dehors. Pas de subtilité ni de chaleur, mais une efficacité sautillante qui doit faire penser à la paire « au moins ça a le mérite de passer à la radio » tant ils désespèrent que leur message soit entendu.

A ce niveau là, je voudrais presque passer la parole à Maxime du webzine Album Rock pour qu’il explique comment le duo a su tourner cette mascarade à son avantage sans y perdre trop de plumes d’autruche. Les paroles de Time to Pretend questionnent ainsi intelligemment la jeunesse d’aujourd’hui, dispersée, idiote et vivant au présent dans le monde physique, mais gavée d’apparences, de jeux, d’avatars, de télévision, de tests de personnalité stupides et qui se fonde une crédibilité par messages interposés dans un monde virtuel. Cette description cruelle mais vraie de ce qu’est cette nouvelle génération laissée à l’hyperconsommation est angoissante – c’est même la chose la plus angoissante dont j’ai pris conscience depuis un bout de temps. Car finalement, mépriser le monde actuel revient à mieux se figer en son sein, et se révolter ne sert à rien, derrière nos écrans.

Après une première partie très efficace, la machine s’essouffle et nous aussi. Trop souvent, cela fait penser à du Tv On The Radio du pauvre. Reste les imprécations pessimistes derrière des titres tels que The Youth , Pieces of What ou Future Reflections. Le disque est en réalité un cauchemar derrière son glacis de bonne humeur, une montée d’adrénaline surnaturelle qui conduit irrémédiablement à chercher cette foutue plage de non-retour (l’été est la bonne période) où l’on prendra une photo de son corps désormais sans vie entre quelques vrais amis avant de planter définitivement la tête dans le sable. Il ne reste qu’à vous dire que ce n’est qu’un disque d’électro fourni par Columbia, mais vous n’y croyez plus ; deux gamins facétieux ont joué avec les crayons de couleur et tout, tout brouillé… Finalement, ils réussissent l’exploit de détourner notre dégoût, un moment, du disque, pour le porter sur nous-mêmes… On ne s’en resservira pas souvent, de cette soupe là. Mais qui sait ? Peut être finalement qu’en musique l’ironie martiale et la souffrance sur de belles harmoniques va être terrassée par ce genre d’aberrations vraiment menaçantes, agaçantes et uniformes.
  • Parution : mai 2008
  • Label : Columbia
  • A écouter : Time to Pretend, Electric Feel

mercredi 12 août 2009

Akron/family - Set 'em wild, Set 'em free

Il s’agit du quatrième album de Akron/Family, un trio de multi-instrumentistes New Yorkais, Dana Jansses, Seth Olinsky et Miles Seaton. Avec Set ‘em wild, Set ‘em Free, Akron propose une musique réellement expérimentale, bien que parfois assez proche des sentiers dégagés par Animal Collective, comme cela a été beaucoup remarqué. Le groupe semble donner un son sans chercher à filtrer le moins du monde ses influences éparpillées, et les mélangeant pour un résultat souvent déroutant où seules peuvent rassurer les harmonies de voix – tous chantent. Ce n’est pas une musique à proprement parler psychédélique, mais un assemblage d’afro-beat, avec des influences de Tony Allen à Tinariwen, la musique du désert (River, le meilleur titre du disque sans doute) ; un peu de folk (The Alps and their Orange Evergreen) de l’électro plutôt malvenue (Creatures). Si le travail d’écriture pour mêler ces genres est remarquable, ce n’est pas le cas partout et le résultat peut être éprouvant et ennuyeux.

Akron/Family a le mérite de donner sa propre formule du mélange en vogue (Vampire Week-End, Animal CO., etc) avec un investissement dans l’instrumentation qui dépasse la simple prétention de variété ; il est évident que l’on a affaire à des passionnés de world music autant qu’a des vétérans de la folk music de leur propre pays, mais qui ont des difficultés à insuffler à leurs constructions de quoi intéresser durablement l’auditeur. Gravelly Mountains of The Moon, qui tire dans le psychédélisme pour de bon, ou MBF semblent jeter aux oubliettes ce qui fait le relatif succès des premiers morceaux. C’est effectivement une musique instinctive, expérimentale, osée, mais pour eux ou pour nous ? Toujours est t-il que River rend le groupe appréciable, sous certains aspects.
  • Parution : 5 mai 2009
  • Label : Dead Oceans
  • A écouter : River

mardi 11 août 2009

Arbouretum - Songs of the Pearl (2009)



Arbouretum est un groupe de rock américain assez classique, avec une parenté au Crazy Horse - Neil Young - prononcée, et, à première écoute, leur son peut sembler assez banal. Cependant, il y a un soin suffisamment grand apporté à la structure des morceaux et de leurs envolées à mi-parcours pour un faire une musique plus que distrayante ; c’est parfois même du rock aventureux (Down by the Fall Line). Le disque peine à attirer la pleine attention et à susciter la reconnaissance des talents en présence ; Dave Heumann, le leader de la formation a été accompagnateur de Bonnie « prince » Billy – un grand de la musique alternative américaine - en son temps. Songs of the Pearl est le successeur de Rites of Uncovering, qui contenait des morceaux longs voire très longs - six, sept, huit, onze minutes - et permettait à Dave Heumann de faire preuve avec davantage de panache qu'ici de ses dons pour la mélodie imprévisible, ses talents de composition le posititionnant en première ligne parmi les guitaristes indie.

Song of The Pearl, est, comme son prédécesseur, avant tout un disque à guitares ; celle de Dave, par ailleurs chanteur de la formation, et celle de Steve Strohmeier. Parfois carrément heavy, elles donnent envie d’écouter le disque très fort, et leur omniprésence rend Songs of the Pearl très physique. La musique, protéiforme, rend hommage à un psychédélisme très années 60 – Infinite Corridors – et hard rock, et c’est dans sa capacité à sinuer à surprendre qu’est la beauté de l’exercice. Mais cependant, Songs... n'est pas aussi intéressant que Rites... parce que les morceaux prennent une direction plus conventionnelle et moins amenée par le seul Dave. L'avantage est que l'on assiste ici au travail d'un vrai groupe ; bien quand on sait que le projet avait démarré comme une formation autour de Dave en solo. L’album propose donc à moitié des chansons au tempo modéré qui puisent dans la balade, avant de basculer dans un trip plus abrasif.

Un soin particulier a été apporté aux paroles ; The Midnight Cry évoque l'histoire d'un prêtre de la Nouvelle Angleterre, William Miller, et de prophécie apocalyptique ; The Fall Line est davantage friante d'images aussi alarmantes qu'une bonne prophécie ; chute du soleil, les yeux de braise des loups, etc.

Parution : 9 mars 2009
Label : Thrill Jockey
Genre : Rock
A écouter : Down by The Fall Line, Infinite Corridors, Tomorrow is a Long Line

Qualités : rugueux, psychédélique
 

mardi 4 août 2009

The Go-Betweens - Oceans Apart


The Go-Betweens est un groupe australien qui a atteint un statut de culte, formé en 1977 très influent sur la scène internationale des années 80, et en écoutant cet album, on comprend aisément pourquoi. Les deux guitaristes Robert Forster (devant sur la photo) et Grant Mc Lennan construisent chacun à leur tour (Here Come a City pour Forster, Finding You pour McLennan, Born To a Family pour Forster, December pour McLennan, etc.) des pièces de rock indie sentimentales dont l’efficacité fait penser à R.E.M. A l’instar de Finding You, ce sont de belles chansons qui fonctionnent parce qu’elles sont dans une gamme majeure et dynamique, et dans un format classique efficace, dont l’enchainement constitue une « odyssée musicale » (Mojo). Mais déçoivent parfois par leur simplicité et leur aspect prédigéré. Un groupe pour radio de luxe, en quelque sorte, sorte de New Order alternatif. Oceans Apart est un album d’humeur globalement optimiste, malgré Here Come a City, intense morceau d’entrée qui fait planer une ombre, plus post-punk que pop, vite chassée par d’autres chansons plus légères comme Born To A Family. C’est cependant Here Comes… qui reste le plus longtemps à l’esprit, et on aurait aimé que le reste du disque soit de cet accabit. Il y a aussi le crépusculaire dans Darlinghurst Nights. L’ensemble sonne comme la revanche d’anciens qui ne s’avouent pas vaincus face à la déferlante de nouvelles saveurs et offrent un rock bien écrit et épuré, en renouant avec ce qui a fait leur succès déjà vingt ans avant, à savoir, entre autres, une collaboration avec Mark Wallis à la production. A obtenu le statut de classique (cinq étoiles) dans Mojo Magasine.

En octobre 2005, cet album remporta un ARIA award comme meilleur album contemporain. L’année suivante, Mclennan mourut dans son sommeil, à 48 ans. Peut être qu’Oceans Apart, n’est pas l’album qu’il aurait aimé laisser en testament à son public, mais somme toute, il y a largement assez de Go-Betweens si l’on regarde en arrière, puisque six albums étaient sortis jusqu’en 1989, notamment 16 Lover’s Lane en 1988 – quelque cousin au Green de R.E.M - et deux autres à la reformation du groupe après 2000. Sans doute qu’ils valent le coup que l’on creuse leur son, mais je retourne quant à moi à Accelerate - le son d'un groupe qui encore en mouvement.
  • Parution : 26 avril 2005
  • Label : Tuition (Europe)
  • A écouter : Here Comes A City, Finding You, Darlinghurst Nights.
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