Voir aussi le portrait de Bowerbirds
Faisant suite à Dangers At the Sea paru en 2006, ce disque fabuleux est dû au trio composé de Beth Tacular, Phil Moore et Mark Paulson.
Alors que Phil Moore avait été payé en Caroline du Sud par un musée d’histoire naturelle pour observer les oiseaux dans la forêt (le bowerbird est un oiseau Australien au plumage noir), sa compagne Beth peignait – elle cherchait des idées de peinture lorsqu’elle est tombée dans une encyclopédie pour enfants sur le bowerbird. Ces occupations contemplatives sont ici sublimées avec talent et avec cœur, comme un prolongement de la vie. Le trio ne cherche nullement à impressionner qui que ce soit, récupérant à son compte un aspect qui s’il peut paraître traditionnel, est en réalité réécrit par les dons multi-instrumentistes du trio et notamment la présence d’extraordinaires percussions et d’accordéon. La jeune voix de Phil Moore se prête à merveille à l’approche bucolique et profondément personnelle que fait le groupe dans la tradition appalachienne. Tout cela est rendu possible par le travail d’artistes comme Devendra Banhart ou encore Andrew Bird.
Beth et Phil sont à la tête d’une boîte qui s’occupe de webdesign, ce qui leur permet de travailler même lorsque ils sont en mouvement (ce qu’ils font la plupart du temps, avec leur caravane Airstream - Phil au volant, Beth sur le siège passager, répondant à quelque interview de journaliste médusé par voie téléphonique), en même temps qu’effectuer un métier créatif. De son côté, Mark est serveur dans un restaurant et enregistre le travail d’autres groupes. Il apparait que Phil et Mark se connaissent de longue date, puisqu’ils ont joué ensemble dans une formation appelée Blast Force, puis Vivid, Speed and Sauce et Ticonderoga, groupe dont le nom évoque l’un des ces groupes de touaregs qui courent le Sahara avec guitares et amplis chargées sur leurs dromadaires (Tinariwen, etc.) Une autre culture aux similarités étranges avec celle de Beth et sa bande.
Le groupe a démarré en été 2005, et ce n’est qu’après l’écriture des premières chansons que Beth a appris à jouer de l’accordéon, ce qui, avec le recul, est peut être l’apport spontané dans un groupe composé par ailleurs de musiciens rodés. Sur la lancée de Hymns of a Dark Horse, au début de 2008, le groupe répond à de nombreuses interviews, signe qu’ils éclatent alors au grand jour. La France continue cependant de les ignorer. Mais n’a-t-il pas fallu attendre 2005 et Cripple Crow pour que l’on commence à saisir ici l’essence du mouvement nu-Folk ? Pourtant, Phil fait honneur à ce pays en disant aimer Joy of Man’s Desiring, de Jean Giono. Aux Etats Unis, il y avait dans cet engouement pour les Bowerbirds et les autres la preuve que le nu-folk est reconnu comme davantage qu’un genre qui fait des émules ; c’est le nouveau son d'un pays toujours en quête entre racines et modernité, le son d’un continent de campagnes. Un son qui va au-delà des frontières, et d’ailleurs embrasse des influences étrangères aussi naturellement que celles de son propre territoire. Hymns… est sans aucun doute un album de world music avant tout.
Les percussions sont en réalité dues à Mark Paulson, troisième membre du groupe, qui participe également de sa voix à l’édifice. Toujours en retrait, les coups secs des percussions et tambourins permettent aux autres instruments de se révéler sous un jour nouveau, trouvant leur place dans un environnement réduit – l’album aurait été enregistré dans une cabane au cœur des bois. C’est une musique intime, propice à être jouée dans des salles réduites - ce qu’affectionne le groupe – et à habiller un refuge, en toute saison de l’année. Le jeu de guitare de Phil est influencé, dit t-il, par Nick Drake et la musique du Mali comme Toumani et Mamadou Diabaté. La musique africaine publié par Nonesuch Records dans les années 70 est aussi sujette à l’intérêt du guitariste, même s’il avoue qu’il est difficile de comprendre ce qu’il s’y passe. C’est peut être à travers ces influences que les Bowerbirds parviennent avec Hymns for a Dark Horse à créer une musique organique, où l’identité des morceaux n’est pas immédiatement saisissable mais l’ensemble d’une homogénéité exemplaire.
Leur contact privilégié avec Justin « Bon » Iver (ils ont ouvert pour lui en tournée en 2008), dont l’album For Emma, Forever Ago a été adulé avec bien plus de frénésie, permet d’en faire la comparaison. Là où For Emma est le son de l’isolement, Hymns est celui de la détection de l’environnement du groupe dans un nuage radieux.
Genre : Folk rural A écouter : In Our Talons, The Marbled Goldwit, Slow Down
7.75/10
Qualités : communicatif, vibrant, intimiste
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