“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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mercredi 1 janvier 2014

Groupe de l'année 2013 : LOS CAMPESINOS (2)

 
 
The fellowship of Boring

Dans Los Campesinos, il y a aussi Ellen, Harriet, Neil, Ollie et Tom. De façon très anglaise (pensez à Radiohead), ils demeurent excessivement discrets derrière leur leader, et semblent remplir de façon pragmatique leur rôle d’artistes. A côté de l’équipe de football avec laquelle il continue de jouer des matchs, c’est le clan des artistes, qui contrebalance l’ «environnement social» de Gareth. « Mon rôle dans l’équipe de foot, c’est celui du mec qui a les cheveux un tout petits peu plus longs qu’ils ne devraient l’être. Ils sont super. C’est juste que je ne peux pas passer tout mon temps avec ces gars qui aiment le rock à guitares. C’est trop restreint. » On le voit sur Romance is Boring, leur troisième album, le groupe développe beaucoup d’idées – arrangement de cordes, synthétiseurs - hors de ce ‘rock à guitares’ – Oasis ? Beady Eye? Noël Gallagher ? - que les amis non-musiciens de Gareth affectionnent. On aurait peut-être pensé qu’une des filles du groupe montrerait la même énergie que leur chanteur et parolier pour développer Los Campesinos et leur servir de porte-parole. Mais ça n’est pas arrivé : Gareth s’affirme comme leur seule figure de proue, et c’est ce qui caractérise cet album de consolidation.
 
Il a tout l’espace pour développer, au fil de tournées en première partie de groupes noise et de brainstorming effréné, son sentiment vis-à-vis de leur musique. La situation du groupe commence à changer : leur public s’élargit. Il ne s’agit plus seulement de chanter pour ses amis, mais pour des auditeurs qui ne comprendront pas les paroles. Les métaphores filées sur des couplets entiers ne sont plus faites pour tromper les amis mais pour signifier un groupe en quête de sens. Les gestes, toujours accompagnés de mots, prennent une autre dimension plus réflexive.

D’une certaine façon, écrire à propos de quelqu’un en particulier peut être une arme puissante puisque tu chantes les chansons à des milliers de personnes régulièrement.

G.C. : Peut-être que la différence, sur Romance is Boring, c’est que plutôt que d’être consacré à une personne en particulier, c’est un agrégé de beaucoup d’amis, de relations distillées en une seule entité. Ainsi il peut y avoir des phrases de certaines chansons qui sont inspirées par une personne en particulier, mais on ne peut plus écouter une chanson et dire « Ca parle de moi ». La plupart de mes amis n’écoutent pas notre musique, de toute façon – je pense qu’ils évitent de l’écouter parce qu’ils n’ont pas envie d’entendre ce qu’on raconte à propos d’eux.»
 
La tautologie de l’année

Gareth a un jour fait part de son « admiration » pour une chanson comme Sex on Fire, de Kings of Leon. « C’est super de pouvoir écrire des paroles aussi simplistes, qui peuvent être chantées après une seule écoute. » La chanson des Kings of Leon, démonstration d’urgence émotionnelle et sexuelle, a révélé un groupe à la recherche d’une raison d’écrire, menaçant d’imploser à tout moment à cause des excès, et obligé après un concert désastreux en 2011 de s’arrêter pour réfléchir à l’avenir de leur carrière. N’ayant jamais – pour de bonnes raisons – rencontré un tel succès, Los Campesinos poursuivent leur trajectoire sans subir de crise. Un légère remise en question après Hello Sadness (2011), cependant, explique le caractère plus vivant, plus accrocheur et mémorable de No Blues à côté de son prédécesseur, pas indispensable. Pour le reste, Los Campesinos ont tenu la ligne, guidés par un précepte : toujours rechercher – ensemble, finalement - la rédemption amoureuse et y aller avec le cœur, même s’il passent encore pour des étudiants qui ont décidé de faire carrière dans la musique.

La chanson est un rite de recommencement éternel, encapsuler le plus possible d’énergie vitale, faire souffler le chaud et le froid, se fondre dans le quotidien, montrer habilement combien il est absurde, voire futile, de le chanter, tout en étant forcé de reconnaître que c’est ce qu’on fait. Gareth y parvient toujours à merveille. Il n’a encore que 27 ans, et il décrit dans Let it Spill sa vie comme une boule de neige qui se transformera en avalanche.

On pourrait penser qu’une bonne chanson ne nous permet jamais de reprendre notre état d’esprit d’avant. Mais Gareth chante «toi et moi nous sommes de la tautologie » [c’est à dire le ‘caractère redondant d’une proposition dont la conclusion énonce une vérité déjà contenue dans le point de départ.’]

Les chances d’évolution existent pourtant. Ils doivent continuer à dispenser l’énergie et l’urgence, améliorer la relation entre la musique puissante, riche et astucieuse et les mots qui tiennent l’ensemble. Recréer cette fraîcheur et une respiration qui nous encouragent à revenir à eux et à y déceler les jeux d’esprit, fougueux comme la vie, placés partout par Gareth. Il a ses règles : qu’il y ait toujours une « fille » pour réévaluer sa position, l’état de son désir, sa place au sein d’une génération dans laquelle c’est difficile d’être un artiste sans ne faire que chroniquer son impression de décalage. « Chérie j’ai envie d’apprendre/on m’a regardé comme une grappe de raisin pourrie quand vous autres buviez du Sauternes. »

Boire, manger, se retrouver avec ses amis, les plaisirs du quotidien semblent toujours décrits pour faire ressortir une mélancolie, une envie de changement, ce que Gareth décrit en 2013 comme une lueur d’espoir permanente dans toutes les chansons de Los Campesinos, même si quand on les ‘étudie’ – c’est à cette fin que No Blues a été pensé, soigneusement – elles paraissent désespérées. Gareth et le groupe s’amusent avec la mélancolie frivole, mais (donc?) subtile. Autre règle : à chaque chaque fois que la fille de la chanson fait un geste significatif, le chanteur en fait deux. C’est pourquoi l’album est aussi alerte.

Légèrement plus intense et, n’ayons pas peur des mots, plus épique que les autres, Avocado Baby (l’une des meilleures chansons du groupe jusque ici) relance l’album, mais il s’en fallait de peu pour que toutes les chansons aient chacune à leur tour le rôle de Wake Up sur le premier album d’Arcade Fire ; celui de culminer, avec un sens de la grandeur et la finalité d’une déclaration d’intention. Celui de provoquer cette poussée émotionnelle particulière qui les démarque au sein d’un album. What Death Leaves Behind le fait avec ses images de crémation et de barbecue, rejoignant l’adage scout ‘il n’y a pas de fumée sans feu’ ; Cemetery Gaits en se proposant comme le parfait embrasement de concert ; Glue Me, plus calme, en faisant mijoter l’art du jeu de mots à un point encore jamais atteint par Gareth jusqu’ici. Elle rappelle que la raison d’être de No Blues c’est le langage et l’humour. Le final Selling Rope (Swan Dive to the Estuary) montre aussi qu’avec un peu moins de mots, mais des mots faits pour emporter chez soi, Los Campesinos prennent pour nous le sens qu’ils ont eut successivement pour Aleksandra, Ellen, Gareth, Harriet, Neil, Ollie et Tom dans leurs vies.

lundi 2 décembre 2013

Groupe de l'année 2013 : LOS CAMPESINOS (1)


L’urgence d’Arcade Fire, alors qu’ils semblent comme eux célébrer une amitié triomphante, est moins amère, moins du type Shakespeare transformé en feuilleton, avec sa reine folle et les héros de jeunesse rendus ivres de victoires et d’honneur par leurs sorcières de copines. Los Campesinos n’ont pas changé le monde du rock indépendant comme Arcade Fire avec leur album-concept évoquant la banlieue de leur enfance, The Suburbs (2010) – ils ont énergiquement commencé par envenimer leurs relations avec leurs amis d’université, ceux qui se sont reconnus, mais trop tard, dans leurs chansons.
Il y a sans doute eu ceux qu’elles ont persuadé qu’il ne fallait pas s’en faire, qu’elles n’étaient qu’un feu de paille, et ceux qu’elles ont transformé de manière positive, durablement. Gareth ‘Campesinos’ - le nom du groupe, les ‘paysans’ en espagnol, leur sert de patronyme à tous – est de ceux là, du côté de ceux qui voient les chansons suggestives comme une thérapie de longue durée – six ans déjà qu’il a commencé. Chanteur d’un groupe qui démarre en 2007 à 7 membres, il est l’animateur du jeu télévisé qu’aurait pu susciter Los Campesinos avec certaines de leur chansons. On imagine bien Gareth convier les filles dont il a coutume de trahir l’intimité, pour qu’elles puissent défendre leur version des faits face à leur auditeurs.
Basé sur ce que tu dis sur Tweeter, on dirait que tu regardes l’émission Britain’s Got Talent 20 heures par semaine.
Oui, c’est assez vrai. Nous sommes des gens très simples. En particulier en Angleterre, je pense que les gens cherchaient à nous mettre dans une niche, à cause des tee shirts que nous portions, à l’effigie de certains groupes et des choses enflammées que j’ai dites en interview, et on a rapidement fait de nous des snobs, qui s’enfermaient dans une certaine classe.
Los Campesinos sont pétris d’enthousiasme, le groupe le plus entraînant voire infantilisant au monde à leurs débuts. Dans cette foule, regardez maintenant Gareth. Il adore les émissions de divertissement, le football, les relations et internet. Ce n’est peut-être plus un étudiant, mais il travaille dur au véritable sport du groupe : l’antisnobisme. Faire allusion à d’autres artistes sans s’en emparer, ne juger personne en parlant de tout le monde, jouer devant les fans sans créer une hiérarchie entre eux et le public. Pour compenser l’énergie de Gareth à amener ses chansons, à raconter l’histoire de son entourage, il faudrait qu’un autre garçon de l’université de Cardiff conçoive dans son studette une contre-paysannerie carburant à l’humiliation et à la frustration que Los Campesinos ont provoquées quand Gareth dérape. Quelqu’un le déteste forcément, ou le détestait avant que son groupe ne sorte pour de bon du carcan des relations pour prendre une dimension plus globale avec No Blues en 2013. A la lumière de ce nouvel album, les précédents, Hold on Now, Youngster (2008) et Romance is Boring (2010), en particulier, prennent de la valeur, paraissent essentiels à une certaine école de vie où l’on apprend la subtilité.
Contrer Los Campesinos efficacement voudrait dire avoir la main aussi heureuse qu’eux quant au choix du producteur : Dave Newfeld a travaillé avec un autre groupe Canadien nombreux, Broken Social Scene, et il le fallait pour éviter que le mélange des voix, des instruments, de l’énergie et des mélodies ne fasse de Hold on Now, Youngster un désastre. Au lieu de quoi, la combinaison d’énergie punk, de la verve de Gareth, de l’émotion juvénile et du son abrasif du rock ‘garage’ a trouvé son équilibre ici, dès les débuts du groupe. Avec ses voix plus diverses et incontrôlées, son instrumentation plus sèche et entraînante et sa progression plus chaotique que ce que le groupe fera par la suite, Hold On Now, Youngster est le parfait album de jeunesse. Pour expliquer sa singularité, il faudrait raconter que deux des trois filles du groupe l’ont quitté depuis pour poursuivre leurs études, pendant les six ans qui séparent cet album de No Blues. Don’t Tell Me To Do The Maths contient la meilleure performance d’Aleksandra Campesinos, et un condensé de ce que le groupe a délaissé au fil des années. Aleks, mais aussi : la prédominance d’un instrument de percussion qui va nécessiter une petite explication de Gareth, et une fougue qui sera remplacée par un déroulement plus imposant des couplets et des refrains. L’ambiance générale, enfantine, sera conservée. Aleksandra quitte le groupe peu après l’enregistrement de Hold On Now, Youngster au profit de Kim, la sœur de Gareth.
Six ans, c’est environ l’âge des enfants devant lesquels le groupe a joué l’une de leurs premières et de leurs plus mémorables chansons, celle qui commence par un simple accord de guitare avant d’accélérer doucement, en une longue intro, et d’exploser sur la mélodie entêtante de son refrain. C’était à l’occasion d’une initiative étonnante, Kidrockers, des concerts filmés, organisés dans plusieurs grandes villes des Etats Unis, qui sont « conçus pour faire venir les familles au complet, et assister aux performances d’artistes parmi les plus engageants et vitaux de la musique indie. Les artistes jouent des chansons originales (et pas spécifiquement conçues pour des enfants) d’une façon qui est à la fois authentique et adaptée aux plus petits ». Los Campesinos devaient s’y produire. Il a paru naturel à Gareth de commencer la performance de You ! Me ! Dancing par expliquer la différence entre un xylophone et un glokenspiel (l’un en bois, l’autre en métal). L’instrument et des paroles un peu plus timides que ce que l’on connaîtra par la suite positionnent You ! Me ! Dancing loin des chansons plus récentes, amples et douloureuses de Gareth. Mais ce que le groupe n’a pas transformé, il a su toujours le ramener au frisson originel produit par cette chanson. Un moment de leur carrière où une petite fille dans la salle pouvait leur demander « et pourquoi vous n’aimez pas danser ? » puisqu’on avait demandé aux enfants de reprendre en coeur « One Thing that i could never confess/is that i could’nt dance a single step. »
The Hobbies
Ne pas savoir danser est le point commun de tous ceux qui passent trop de temps à regarder les autres vivre dans un écran, par exemple. Mais la remise en question de ses capacités, que ce soit à maintenir une relation, à danser, etc. est l’un des aspects évoqués habituellement dans les chansons et chez les groupes indie surtout. Si c’est pour passer une partie de sa vie à énumérer des relations ratées en portant les cartons de sa collection de disques, comme John Cusack dans l’adaptation du livre de Nick Hornby, Haute Fidélité, il vaut mieux s’en amuser.
Sur le premier album toujours, My Year in Lists est une chanson de 266 mots et d’un peu moins de deux minutes. Il y est question de résolutions prises pour le nouvel an, une liste qui va jusqu’à cinq comme lorsque Cusack classe avec obsession ses disques préférés. Et cette phrase sur Knee Deep at ATP : «Well, I need new hobbies, that’s one thing for certain », comme si ces nouvelles passions allaient le transformer. Gareth sait chanter : mais il le fait comme on n’imagine qu’il danserait, donnant la sensation que même les relations infructueuses font partie de ces nouveaux hobbies après lesquels il court. Le football et internet remplissent le reste de son existence.
On peut dire de Los Campesinos qu’ils sont un avatar de la culture en ligne, d’une façon très personnelle, comme s’il s’agissait d’entretenir un hobby.
G.C. : «Oui, bien sûr. Internet est fait de quiconque l’utilise au moment où il l’utilise. Vous avez le siège conducteur. Ca sonne comme un spot de publicité pour Microsoft, mais quand vous êtes sur Internet, internet c’est vous. Vous créez votre propre univers. J’aime penser que nous sommes une partie de l’univers de beaucoup d’autres personnes et qu’ils sentent qu’ils font partie du vôtre.
Heureusement que des outils comme Tweeter et Tumblr n’existaient pas quand j’étais un adolescent, car mon empreinte sur internet serait bien plus humiliante qu’elle ne l’est déjà. J’ai le réflexe de ne pas faire des réflexions complètement stupides à tout bout de champ, mais si j’avais 17 ans, rentrant de l’école à la maison chaque jour et ayant un compte Tweeter et un blog, ce serait terrible. J’ essaierais d’attirer l’attention compulsivement, d’embobiner des filles en échouant misérablement, et de tout faire pour paraître incompris et artiste. Tu sais – exactement comme je m’en sors dans mes chansons (rires).»
 
Avec toutes ces tares de jeunesse, Los Campesinos peuvent sembler du genre à déambuler sans autre but que le plaisir de se produire jusqu’à ce qu’une guerre des amis les fasse abandonner, confus, pour se trouver un vrai travail. A l’écoute de Hold on Now, Youngster pourtant, on admire en réalité leur engagement prometteur, leur volonté d’enregistrer méticuleusement chaque instrument, de contrôler les crescendos, les mouvements, les détours de phrases, les éclats de voix, retombant toujours en place dans un timing serré, recréant le son alternatif anglais différemment. Même si ce premier jet sera trop épuisant pour certains, par manque de ballades, de respirations, la satisfaction d’avoir une chanson aussi bonne que Sweet Dreams, Sweet Cheeks à la fin de l’album est un nouveau triomphe. «One blink for yes, two blinks for no!» C’est la déclaration d’un groupe plein d’assurance, pour qui l’université est en train de perdre son intérêt comme carrière alternative tant ils ont réussi de moments générateurs de vie en 12 chansons. Et une dernière fois, qui voudrait contrer Les Campesinos par vengeance personnelle contre Gareth devra enregistrer jusqu’à une heure de musique sans céder à la chanson reposante que certains pouvaient demander.
à suivre

lundi 11 novembre 2013

LOS CAMPESINOS - No Blues (2013)

 
 
OO
attachant, ludique, intense
indie rock


La musique, c’est beaucoup d’émotions et peu de mots. Ecrire dessus est comme danser sur son architecture. Mais Heureusement, Gareth lâche toujours au cours d’un album suffisamment de phrases pour construire un pendant solide à une chronique verbeuse.
Gareth, le chanteur et parolier de Los Campesinos a fait part de son « admiration » pour une chanson comme Sex on Fire, de King of Leon. « C'est super de pouvoir écrire des paroles aussi simplistes, qui peuvent être chantées après une seule écoute. Même si je n'ai aucune idée de ce que ça raconte. » La chanson des Kings of Leon, démonstration d'urgence émotionnelle et sexuelle pour stades, n'a pas d'intérêt. Celles de Los Campesinos, réputées pour leur richesse mélodique et verbale, y arrivent bien mieux. Le groupe de gallois n'a pas le genre de crise d'identité qui semble frapper la majorité des groupes Britanniques après deux albums. Ils ont tenu la ligne, guidés par un précepte : toujours rechercher la rédemption amoureuse et y aller avec le cœur, même s'il passent encore pour des étudiants qui ont décidé de faire carrière dans la musique. Gareth sait que le rock, c'est raconter des histoires, en filigrane, non sur une chanson, mais dans le cours du temps. 
 
La chanson est un rite de recommencement éternel, encapsuler le plus possible d’énergie vitale, faire souffler le chaud et le froid, se fondre dans le quotidien, montrer habilement combien il est absurde, voire futile, de le chanter, tout en étant forcé de reconnaître que c'est ce qu'on fait. Gareth y parvient à merveille. Il sait faire venir au souvenir les choses entreprises et jamais terminées. L’album est un rite architecturé, une construction qui nous permet de reprendre les choses abandonnées là où les avait laissées. Dans le cas des Campesinos, à peine cinq ans se sont écoulés entre leurs premières chansons, sur l'album 'jeune' Hold on Youngster' et celui ci. On a la sensation que les 'choses' ne sont jamais laissées de côté : entre Romance is Boring (2010) et celui-ci, c'est à peine si l'écume d'une vague a pu se retirer de la plage. Gareth n'a encore que 27 ans, et il décrit dans Let it Spill sa vie comme une boule de neige qui se transformera en avalanche.
On pourrait penser qu'une bonne chanson ne nous permet jamais de reprendre notre état d'esprit d'avant. Mais Gareth chante «toi et moi nous sommes de la tautologie », c'est à dire le 'caractère redondant d'une proposition dont la conclusion énonce une vérité déjà contenue dans le point de départ'.
Les chances d'évolution existent pourtant. Los Campesinos, c'est avant tout continuer à dispenser l'énergie et l'urgence, améliorer la relation entre la musique puissante, riche et astucieuse et les mots qui tiennent l'ensemble. Hello Sadness (2011), manquait un peu de cette énergie qui donne à leurs albums, aussi produits soient t-ils, une fraîcheur et une respiration qui nous encouragent à y revenir et à y déceler les jeux d'esprit, fougueux comme la vie, placés partout par Gareth. Il a ses règles : qu'il y ait toujours une « fille » pour réévaluer sa position, l'état de son désir, sa place au sein d'une génération dans laquelle c'est difficile d'être un artiste sans ne faire que chroniquer son impression de décalage. « Chérie j'ai envie d'apprendre/on m'a regardé comme une grappe de raisin pourrie quand vous autres buviez du sauternes. »
Boire, manger, se retrouver avec ses amis, les plaisirs du quotidien semblent toujours décrits dans les chansons de Los Campesinos pour faire ressortir une mélancolie, une envie de changement, ce que Gareth décrit en 2013 comme une lueur d'espoir permanente dans toutes les chansons du groupe, même si quand on les 'étudie' – c'est à cette fin que No Blues a été pensé, soigneusement – elles paraissent désespérées. Gareth et le groupe s’amusent avec la mélancolie frivole, donc subtile. Autre règle : à chaque chaque fois que la fille de la chanson fait un geste significatif, le chanteur en fait deux. C'est pourquoi l'album est aussi alerte.
Légèrement plus intense et, n'ayons pas peur des mots, plus épique que es autres – ce caractère étant donné par un choeur de cheerleaders, Avocado Baby (facilement l'une des meilleures chansons du groupe jusque ici) relance l'album, mais il s'en fallait de peu pour que toutes les chansons aient chacune à leur tour le rôle de Wake Up sur le premier album d'Arcade Fire ; celui de culminer, avec une sens de la grandeur et la finalité d'une déclaration d'intention. Celui de provoquer cette poussée émotionnelle particulière qui les démarque au sein d'un album.
 
 
What Death Leaves Behind le fait avec ses images de crémation et de barbecue, rejoignant l'adage scout 'il n'y a pas de fumée sans feu' ; Cemetery Gaits le fait en se proposant comme le parfait embrasement de concert ; Glue Me, plus calme, en faisant mijoter l'art du jeu de mots à un point encore jamais atteint par Gareth jusqu'ici. Elle rappelle que la raison d'être de No Blues c'est le langage et l'humour. Le final Selling Rope (Swan Dive to the Estuary) montre aussi qu'avec un peu moins de mots, mais des mots faits pour emporter chez soi, Los Campesinos prennent pour nous le sens qu'ils eut successivement pour Aleksandra, Ellen, Gareth, Harriet, Neil, Ollie et Tom dans leurs vies.


lundi 5 juillet 2010

Los Campesinos! - Hold On Now, Youngster (2007)

Voir aussi la chronique de Romance is Boring (2010)

Le premier disque de ce club des sept décidément vraiment plus excitants qu’ils en ont l’air. Ils ont vraiment l’air trop sages et propres sur eux pour être aussi passionnés, et investir autant de temps et d’argent dans un produit qui n’a vraisemblablement pas été vendu par caisses. 
Ce sont avant tout de pétillants amateurs de musique, qui se sont trouvés une philosophie loin des clichés des classes moyennes – ce sont de vrais débrouillards. Des fannas de musique donc, des Ramones à Pavement en passant par Arcade Fire, et ils se laissaient produire par Dave Newfeld de Broken Social Scene (un genre de référence pour toute entité approchant au dépassant dix membres). 

Ce qui est amusant avec Los Campesinos, c’est de voir comment ils fêtent en groupe un individualisme triomphant. Ils partagent dans des vignettes pleines d’humour leur obsession du regard des autres autant que leurs efforts pour s’en détacher. Statuant comme d’autres que l’important ce n’est pas ce qu’on est, mais ce qu’on aime, ils multiplient les preuves de leur dévotion à quantité de possessions anodines, et leurs aveux concernant des explorations interminables d’internet et ce qu’ils en tirent. Ils rendent une certaines superbe à la déambulation moderne de celui qui tue le temps, à tous les savoirs inutiles, à toutes ce heures passées à mouliner inutilement, tout en cherchant au fond de soi-même quelque grand projet auquel on voudrait donner une existence.

En fait, Gareth – le chanteur et parolier du groupe - et Aleksandra ont tellement de débit qu’il est difficile de ne pas mélanger ce qu’ils ont dit dans un morceau avec ce qu’ils racontent dans un autre – et parfois, des bribes de phrases sembleront même issues d’un fanzine que vous avez lu ou d’un film – penser High Fidelity par exemple, ici il est question du Breakfast Club. Les Campesinos ont des connections de partout, explosent le réseau social d’un manière agaçante – évoquant leur propre fan-club et faisant décidément bien dégouliner leur approche mixte de fin de soirée en créant cette foire de sons et de voix qui semblent s’interpeller d’un côté à l’autre de la table autour de laquelle ils inaugurent leur plan apéro. Tout ça pour se justifier de faire ce qu’ils font, de prendre les libertés qu’ils prennent ; bref d’être entendus par nous. Heureusement, le pathétique de leur situation ne leur échappe pas, et le simple fait d’étaler au grand jour leurs liaisons superficielles et leurs petites manigances pseudo-sociales, les fait péter les plombs, à un moment donné. Tout ce qu’il y a de pathétique dans nos comportements envers les autres rejaillit dans la musique des Campesinos, entre deux salves de guitares éméchées ou quelques notes de xylophone immature.

Leur action en bande leur donne le rôle de modérateurs auprès de qui trouver la confiance nécessaire à la réalisation de ses propres idées, quelles qu’elle soient et d’où qu’elles viennent. Ils ont véritablement le pouvoir de vous ouvrir l’esprit, de vous faire voir les choses sous un nouveau jour. Ils semblent occuper le créneau de ces jeunes assez aisés qui ont trop d’idées en tête pour choisir une voie plus tranquille – ils sortent de l’Université de Cardiff - et savent trouver la folie nécessaire pour faire fonctionner leurs petits fantasmes. Ils se poussent entre eux, se stimulent autour de Gareth. Et Gareth, très conscient de l’improbabilité de leur succès, semble chercher à se purifier de ces images et idées adolescentes, de ces références captées au gré de journées étranges pendant lesquelles tout ce avec quoi vous entrez en contact devient particulier. Vivre le groupe leur permet d’expérimenter ce qui est de l’ordre de la sphère personnelle, les confessions, et ce qui est dit pour les autres. Toute le problème est de ne pas se marcher sur les pieds… et tous s’avèrent de piètres danseurs sur You ! Me ! Dancing, un morceau très drôle où ils font preuve de timidité. Parler autant, pour Gareth, c’est aussi l’occasion de dire les choses de manière détournée mais concrète, ne brouillant pas les pistes mais leur donnant plutôt la saveur de petits instants vécus, d’entrechoquer les sentiments – on est dans un territoire où les sentiments, les perceptions priment.

La musique appuie cette approche presque spontanée. Tout part le plus souvent d’une idée musicale, quelques notes de guitare jouées rapidement par Tom et reprises par tout le monde d’un manière proche de ce style orchestral que l’on a découvert avec Arcade Fire. En privilégiant la dynamique et l'entêtement plutôt qu’une veine dramatique comme le groupe canadien, ils reproduisent la candeur et la naïveté qui nous interpelle dans leurs textes.

Parution : Février 2007
Label : Wichita
Producteur : David Newfield
Genre : Indie-rock, pop
A écouter : You!, Me! Dancing, Death to Los Campesinos, Don't Tell Me to Do The Maths
 
Note : 7.25/10
Qualités : intense, frais, communicatif 

    dimanche 31 janvier 2010

    Los Campesinos! - Romance is Boring (2009)



    Parution : janvier 2010
    Label : Wichita recordings
    Producteur : John Goodmanson 

    Genre : Rock alternatif
    A écouter : There are listed Buildings, Straight in at 101, Who Fell Asleep in

    Note : 7.50/10
    Qualités : audacieux, doux-amer, extravagant
    Los Campesinos! sont un groupe mixte de sept gallois qui jouent une version juvénile de Arcade Fire avec des embrasements pop-punk. C’est le troisième album en trois ans pour cette troupe de joyeux baratineurs amenée par Gareth – il y a aussi Kim, Ellen, Harriet, Neil, Ollie et Tom. Deux disques remarqués, déjà, et ils ont une véritable identité ; Gareth est très bavard, et déploie ses théories assassines, ses provocations au détour de phrases pièges, en prose. Musicalement, l’exploration est totale avec violon, cuivres, glokenspiel, synthétiseur, etc. et des structures éclatées qui les a rapprochés de Pavement (joli coup de publicité).

    Romance is Boring commence par un morceau assez bizarre et progressif, In Media Res. C’est dans ce genre de formats compliqués que l’ont retrouve sans doute le plus la personnalité de Gareth ; ses paroles sont à mi-distance entre obsessions de luxure et de rédemption. Ou, selon ses mots, « about death and decay of the human body and mental breakdown ». Le morceau se termine par une salve de cuivres festifs, et c’est là le paradoxe du groupe ; parvenir à exprimer une défection  intime tout en étant extraordinairement enthousiastes, pour se placer dans un endroit bien à eux.

    These are Listed Buildings ou Romance is Boring et We’ve Got Your Back dégoupillent un peu le disque, introduisant davantage d'agressivité et un élément de brit-pop nerveuse. Et on se familiarise avec cette manière de poser ces phrases de quatre lignes aux associations d’idées et d’images vertigineuses.  « Vient minuit, tu prends un bateau de pêche et décides d’aller là où nous ne pouvons nager. Vient minuit, les signaux sont débranchés et s’évanouissent, tu a danses la gigue sur le port, créant ta propre lumière » « Nous sommes deux bateaux qui passent dans la nuit ; toi et moi, ne nous ressemblons pas. Je suis un bateau de tourisme, tu es dehors pour pêcher. Le filet reste vide, rien du tout. » Avec le morceau Romance is Boring, on prend une direction plus caractérielle et adolescente, plus provocante.

    On prend vraiment notre pied avec Plan A, qui dévoile l’arme du groupe : l’urgence. Plan A, chassé-croisé de cuises rutilants, de chœurs féminins et de cris impudiques de Gareth, place la barre très haut.  Straight in at 101, et leur son devient vicieux. Il semble qu’aucun journaliste n’est passé à côté de cette sentence : « We need more post-coïtal and less post rock ». Très habile de la part de Gareth, qui ne s’attire pas l’amitié de Godspeed you !!! Black emperor, Tortoise ou autres Mogwai, mais gagne du galon auprès de la gent féminine – après l’amour, quel romantisme ! Et ça continue : « Certaines personnes se donnent à la religion/certaines personnes se donnent à une cause/certaines personnes se donnent à un(e) amant(e)/ je dois me donner aux filles ». Bref, les paroles sont chaotiques, embrassent le meilleur et le pire, le cynique, le précieux, l’égoïsme, l’angoisse, tout. Encore Who Fell Asleep In, qui, après une sage introduction de cordes, déploie une folie délectable, et I Warned You : not to Make an Ennemy of Me, et l’on touche au cœur d’une des bonnes raisons d’aimer de nouveau. This is a Flag, There is No Wind est encore terriblement audacieuse, et c’en est fini.



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