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James Vincent MCMORROW

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vendredi 6 novembre 2009

Queens of the Stone Age - Songs for the Deaf


Si Lullabies to Paralyse (2005) était la fin de la route, la perte dans d’improbables bois aux sorcières balayés de brumes et de vapeurs (remontant en fin de matinée avec le soleil), Songs for the Deaf raconte la virée un tantinet old-fashionned – d’un côté, Queens of The Stone Age est en train de devenir une formation hard-rock trop crédible - qui précéda cet égarement infernal. Au volant : Josh Homme, le « géant roux », au mieux de sa forme, avec sur le siège passager le bassiste chauve Nick Oliveri, et sur la banquette arrière, le plus chevelu Dave Grohl ex-Nirvana, et enfin le troubadour ténébreux Mark Lanegan – vous l’entendrez sur Hanging Tree par exemple.

A quoi bon chanter pour les sourds ? C’est à cette question que ce disque épique va répondre. Est sourd à la raison qui veut bien entendre Songs for the Deaf. Alors que Rated R (2002), le précédent disque de Queens of the Stone Age, était encore underground, même s’il s’est bien vendu aux états Unis, le groupe touche ici plus fort en secouant les radios avec un premier extrait hallucinant d’efficacité – No One Knows et son riff dantesque. No One Knows est un titre ivre et embrasé contre la soumission sociale et intellectuelle – les drogues, c’est si mauvais ! diront les auteurs de Feel Good Hit of the Summer - , mais c’est bientôt tout l’album qui se transforme, sans besoin de substances, en trip tout feu tout flammes, comme l’odyssée américaine vue à travers un rétroviseur cassé.

Queens of the Stone Age est à la musique – Stoner rock pour être précis – ce que le fantasque Terry Gilliam est au cinéma. Un colporteur de projets tellement ambitieux et imposants, à leur manière – toujours inexplicablement barrée -, qu’ils laisse les autres raconteurs d’histoires du moment disparaître dans le rétroviseur.

Le casting de Songs for the Deaf permet de donner vie à son concept ; une heure de route droite et sèche, de soleil insolent qui fait bientôt sortir de leurs gonds les quatre stars du combo. Ce casting comporte un certain nombre d’animateurs radio (dont Jeordie White, bassiste et plus si affinités de Marilyn Manson) qui font monter la sauce - piquante, forcément, on parle de préparation mexicaine – tantôt en espagnol - deuxième langue en Californie, même dans ce coin de désert – tantôt en anglais. Vraiment étranges parfois, ils font globalement sourire comme de stupides moqueries de l’empire radiophonique américain puisque tout a vocation à fonder un empire dans ce foutu pays) – « Clone radio, The station that sounds more like everybody else than anybody else » - et sont censés, selon homme, donner de la fluidité au disque.

De nombreux morceaux de Songs for the Deaf dérivent des désert sessions, ces exercices d’enregistrement qui rassemblent le groupe et ses invités ( PJ Harvey y a participé). You Think i Ain’t Worth a Dollar, but i Think Like a Millionnaire est le titre d’ouverture des volumes 5 et 6 – car toujours fournis par paires – de ces sessions. Pour en rester à ce premier titre extravagant, il a peut-être déterminé un autre groupe de stoner proche de Homme, Millionnaire, à emprunter ce patronyme. Hanging Tree vient quand à lui des volumes 7 et 8.

Le son, quelle que soit la fréquence, est excellent. Quelques crachouillis renforcent l’aspect un peu vieillot de certaines rengaines – l’agressivité débridée de Six Shooter et ce qu’elle doit au punk daté. Les guitares sonnent comme les quatre cavaliers de l’Apocalypse sonore, croisant le véhicule où nous sommes embarqués à pleine vitesse, dès You Think i Ain’t Worth a Dollar... Les voix évoquent ce qu’il y a de plus dégradé et maniaque, à commencer par le falsetto de Homme sur First it Giveth – la fin d’une trilogie d’ouverture mordante. Plus loin, Hanging Tree et Go With The Flow bastonnent, dos à dos. Nous sommes bien terre hard-rock, et nous y sommes enfoncés avec un sérieux jamais effleuré sur les deux précédents disques du groupe.

Quelques salves impitoyables (Songs for the Deaf), et on perd un peu les pédales. S’il y a bien un reproche que l’on pourrait faire à ce grand œuvre, c’est d’être franchement fatiguant par moments, à force d’alterner morceaux plus conventionnels et plages de sable kaléidoscopiques comme Songs… Pas d’échappatoire à cette fichue route, à croire qu’on a à nos trousses quatre malfrats à qui l’on doit 200 000 dollars sous peine de castration après une mésaventure à Las Vegas. Obligation de conduire, jusqu'à la dernière note. (Après apprivoisement de ses excentricités, le processus s’inverse ; obligation de relancer le disque jusqu'au dernier mile). Il y a tellement d’urgence derrière la mécanique imparable de ce long disque, c’est une musique d’exaltés.

Même lorsqu’on nous suggère de fermer les yeux pour voir le ciel tomber (The Sky is Fallin), on continue d’avoir les yeux rouges et exorbités, l’attention étrangement capturée par le point d’horizon de la route, son improbable fin. On se met à regretter les sirènes des flics que l’on a abandonnés quelques miles après la sortie du dernier patelin. Et les klaxons des taxis à Frisco. Le désert, c’est dur.

Genre de mini-tragédie dans cet énorme prise garage, la sanité douteuse de personnages qui ne sont qu’a moitié joués – Nick Oliveri, le braillard sur Six Shooter est bientôt viré du groupe pour violences conjugales présumées. Josh Homme, quand à lui, joue comme quelqu’un qui cherche à se débarrasser de démons trop agités. A savoir : s’il a quelque névrose paranoïaque – le genre de celle qui conduirait un homme à qui tout réussit à s’isoler loin dans le désert pour enregistrer. Crainte, on se le dit, d’un artiste sensible et sur productif pour qui la civilisation signifie saturation de son inspiration. Quelques idées en forme de rochers suffisent. En reprennant Gilliam, c’est par le film Tideland que l’on peut entrevoir cette facette du groupe.

Les images sont plutôt, de ce fait, celles de rêves intéressants à psychologiser – on se souvient des monstres sous le parasol, il est question ici de sang dans une cuillère, plus généralement de paranaïa surjouée (Gonna Leave You) que, pour se référer une nouvelle fois à Gilliam, on identifiera à Las Vegas Parano, ce film dans lequel Johnny Depp et Benicio del Toro jouent d’improbables prophètes de la décadence à Vegas.

C’est parfois prendre des moulins à vent pour des géants (Don Quichotte, un autre projet de Gilliam avorté à grand fracas) que de faire tourner ces mécaniques plus que de raison. Tant pis, c’est d’éloge à la folie, mi-ironique mi-grosse mécanique, qu’il est question. Comme le bruit insistant du moteur qui, de plus en plus, râle d’agonnie, le disque devient élément lancinant qui habite votre corps, et votre tête de se balancer d’avant en arrière. God is in The Radio est profondément traumatisante, disons, autour de la troisième écoute.

Lorsque vous commencez à saisir toute la tragédie de ce voyage, tout ce que vous avez laissé derrière et qui importait davantage que vous ne l’auriez cru, l’atmosphère oppressante entre l’asphalte et tous ces inconnus que vous croisez, dissimulés derrières leurs pare-brises réfléchissants… Une situation insupportable, vous ne pouvez pas y accepter le silence, et remettez le WOMB – du nom de quelque radio citée - en route, une fois, deux fois. « You’re too stupid to realize yourselves » exulte la voix qui ouvre A Song for the Dead. Tandis que son riff effrayant tourne et vire dans divers shemas écrasants, que Homme se fait apôtre de la lobotomie, vous devez rire et pleurer à la fois, à demi hystérique. Ou seulement nostalgique ?

Heureusement, comme tous les grands disques, Songs for the Deaf permet aussi d’extérioser certains sentiments. On ne déteste plus tellement les personnes trop envahissantes après cette expérience.

Un disque qui laissera plus de séquelles à votre esprit que tout ce qu’a fait le groupe auparavant. Et populaire en Diable comme, quoi ? Black Sabbath ? Arrivés dans la cour du studio, à la nuit tombée, on se dit qu’on a bien laissé quelques neurones au bout de la fourche.


  • Parution : 27 Aout 2002
  • Label : Interscope
  • Producteur : Josh Homme, Adam Kasper, Eric Valentine
  • A écouter : You Think i Ain't Worth a Dollar, No One Knows, A Song for the Dead


  • Appréciation : Méritant
  • Note : 7.50/10
  • Qualités : groovy, intense

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