Les Red Sparowes (moineaux rouges, en référence à T.S. Eliott), groupe de post-rock (Mogwai ; Sigur Ros ; Godspeed you ! Black Emperor ; Grails ; Mono ; Explosions in the Sky, etc.) musclé sont une formation expérimentée, même à l’aune de leur premier disque (deux musiciens d’Isis), qui travaille textures et sons dans un style virtuose de composition moderne, donnant à la musique sans voix une expression personnelle et foisonnante. Le groupe Californien affilié à Neurosis, Isis ou encore A Storm of Light, et signé comme eux sur le label Neurot Recordings, fait montre en 2005 avec At The Soundless Dawn de talents de composition tout à fait remarquables.
Ce genre musical aura tôt fait de détourner l’intérêt des critiques et du public ; et pourtant, c’est dans un souci constant de clarté, de beauté et d’ouverture au monde que le groupe progresse. Red Sparowes a un message et un filament poétique qu’il souhaite partager, une ligne de cohérence – signe de tout album post-rock qui se respecte - et pour cela, il fait briller le mieux possible tous les aspects du son qui, d’une pièce à l’autre, le caractérise de plus en plus. Un album de ce genre – d’une durée approchant ou dépassant les soixante minutes - sans motif peut s’avérer faible ; l’exercice est d’y apporter un constant renouvellement de forme. Sur le fond, le dessein est clair et ambitieux et les différentes étapes permettent d’illustrer ce message, de dérouler ce filament et, de surcroit, de multiplier dans la tête de l’auditeur les images les plus belles et parfois les plus opposées.
Ce qui fait l’intérêt de l’instrumental, c’est aussi la fulgurance et l’expressivité de certains instruments. La guitare en pedal steel (à plat) permet un grand apport d’expressivité à la musique. Utilisée entre autres par les groupes de rock progressif comme Pink Floyd ou Yes, elle participe à la construction des morceaux en leur donnant une touche plus construite ; comme l’orgue Hammond (Deep Purple) ou les Ondes Martenot (Radiohead), c’est un outil occasionnel et inoubliable dans la composition populaire moderne. Par l’utilisation d’instruments mélodiques comme l’orgue et le piano, les Red Sparowes empruntent une voie originale, produisant une musique puissante, contemporaine, très agréable. Les guitares conventionnelles sont également capables de grands riffs. Les ambiances sont variées, le groupe joue sur les contrastes avec une grande intelligence, ne laissant à aucun moment l’impression d’opérer en roue libre ; chaque minute apporte une mélodie ou grandit celle qui court déjà ; parfois on laisse un arpège s’installer mais sans abuser de longueurs (trois morceaux font moins de six minutes).
C’est une musique qui, en surface, explore diverses dimensions spatiales. En esprit, elle se concentre autour de l’idée d’une « sixième extinction » comparable aux grandes extinctions des espèces à la surface de la terre par le passé ; cependant, cette nouvelle extinction est causée par l’homme, et non par des éléments naturels. Il y a là une tentative de communiquer sur un plan métaphysique, une vision spirituelle qui est par ailleurs fortement présente dans une large part de la scène Californienne. Le format des pièces permet d’embrasser une large quantité d’éléments qui rejaillissent tôt ou tard dans les sillons que les Red Sparowes laissent comme une charrue dans la terre apocalyptique de notre époque. Constant en qualité et en inspiration, le disque ne lasse jamais, n’en déplaise aux détracteurs (je défendrai toujours Yes, par exemple) du genre rock progressif. Parfois menaçant (Mechanical sounds…) mais sans jamais devenir exagérément sombre, le disque rebondit et offre toujours, au sein de ses ambiances denses, de nouveaux crochets physiques ou volatiles. Une musique pour rêver. Surprenant et salutaire pour la scène indépendante, ce disque est l’un de ceux sur lesquels Neurot Recordings peut fonder sa réputation.
Parution : 22 février 2005
Label : Neurot Recordings
Producteur : Red Sparowes
genre : post-rock
A écouter : Alone and Unaware..., Mecanical Sounds....
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