A défaut de tout dévaster sur son passage et de vous amener par le fond comme le fera The Eye of Every Storm de Neurosis lorsque vous le découvrirez, And we Wept the Black Ocean Within est un exercice captivant à la narration et à la production impeccables, comme nous y a habitué l’école post-core américaine ; Neurosis le précurseur et meilleur spécimen ; puis Isis, les Red Sparowes, Battle of Mice, Cult of Luna, etc. Neurosis est aujourd’hui passé maître dans l’art de peindre des paysages arides et des silhouettes déguisées que l’on imagine brutales et peu humaines, et fait partie des grands groupes américains pour sa faculté, à ne sortir que des chefs d’œuvre ; aujourd’hui vingt ans de carrière parfaite. Chacun de ses disques est extrêmement soigné, très produit et prodigue une véritable bande son qui joue sur la qualité épique des riffs de guitares répétés, des alternances calme/tempête, des sonorités électroniques et des atmosphères héritées du post-rock et ce grand hurlement à deux têtes qui atteint des profondeurs inouïes. Je ne peux que vous conseiller d’écouter The Eye of Every Storm (2004), honteux de n’en avoir pas encore parlé ici. C’est à l’écoute de ce disque que j’avais découvert le groupe alors, et heureusement, car si j’avais commencé par Souls at Zero (1993) – leur premier effort – ou même par Through Silver on Blood (1996), je n’aurais probablement pas adhéré au culte. La grosse force du groupe réside dans son évolution ; lorsque je les ai attrapés, ils avaient quasiment cessé leur jeu Hardcore pour basculer dans un lent bouillonnement de riffs en spirale et de voix moins téméraire, moins hurlante mais plus profonde encore que par le passé. Leurs morceaux sont longs et produits comme un vaste et brûlant opéra, passionnants pour n’importe qui est tombé amoureux de Echoes – Pink Floyd - il y a 38 ans et depuis lors.
Je ne pouvais pas parler de A Storm of Light sans évoquer Neurosis ; ils leur doivent tout. Pourtant, je ne suis pas de ceux qui vont crier au plagiat, car je ne perds pas de vue que la musique au XXI eme siècle n’est qu’une affaire de recyclage. Et A Storm of Light profite de l’évolution de ses ainés ; produisant un travail de sagesse, une relecture des dernières heures de la formation Californienne qui les a inspirés. Ce qui m’intéresse sur ce disque est la manière dont il est construit ; sept morceaux autour de huit minutes entrecoupés de trois interludes – et les images qu’il véhicule. Une heure de musique en ambiance sous-marine, dans les tons les plus sombres, propice à l’étouffement – c’est un son dont on est spectateur, comme sur Given to the Rising (Neurosis, 2007) par exemple. Ces derniers temps, la qualité de production atteint de tels niveaux d’excellence qu’il devient difficile de ne pas plonger dans les derniers disques post-core comme dans de vastes fresques cinématographiques. Le grand niveau de détails – le groupe est composé d’un dessinateur au chant et à la guitare – n’a d’égal que l’équilibre parfait de cette œuvre de métal organique. Black Ocean, Mass, et le final de dix minutes Iron Heart sont des sommets d’intensité certes éprouvants mais signes d’un jusqu’au-boutisme artistique, de la focalisation d’une vision apocalyptique en une seule image donnée avec application. La batterie, tribale, roule et progresse avec une ruse toute propre au post-core.
Un disque très linéaire, qui ne perd pas une seule seconde sa raison d’être. Le point de départ très prometteur de très (trop ?) bons élèves. Le seul point faible, en toute relativité bien entendu, est la puissance et la justesse vocale de Josh Graham, notamment sur Vast and Endless. La référence étant Steve Von Till et Scott Kelly en extraordinaires artilleurs vocaux, ce n’est pas tout à fait à la hauteur.
Dans un autre registre tout aussi produit, Devin Townsend brille aussi à créer des univers complets (Ocean Machine… Ziltoid) et ses disciples Mastodon qui ont obtenu une reconnaissance à plus grande échelle récemment. A Storm of Light sort ces jours-ci son second disque, je vous tiens au courant.
- Parution : 2008
- Label : Neurot Recordings
- A écouter : Black Ocean, Mass, Iron Heart
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