Parution | 2006 |
Label | Inside Out Music |
Genre | Rock |
A écouter | Triumph, Babysong, Gaïa |
/10 | 6.50 |
Qualités | ludique, puissant |
Le dernier album en date du Devin Townsend Band, ce groupe pilier si l’on considère l’ensemble de la discographie tumultueuse du canadien.
Moment de remise en question de ce qui motive sa musique, moment difficile pour l’artiste encore très prolifique et talentueux, mais pas pour les bonnes raisons, même si les raisons sont en train de changer – de la pure excitation du passionné consumé à la volonté de rédemption. La peur, l’anxiété ont depuis longtemps été un moteur pour Townsend ; aujourd’hui il semble s’ouvrir pour de bon vers l’extérieur, apportant au cœur de ce nouveau disque une nouvelle fois magnifiquement interprété une célébration qui rappelle Terria (2003) Et cette célébration prend la forme, par exemple, de Triumph, exploration complexe qui fait honneur à la patte de Townsend – cette cacophonie multidimensionnelle qui fait de lui le grand créateur de métal alternatif. Steve Vaï, son ancien maitre, participe le temps d’un solo au titre, et semble suspendre le cours de l’évolution, vingt secondes durant.
Le parti pris est de réaliser un disque moins dense que l’étaient ses autres albums, que ce soit avec le Devin Townsend Band ou surtout avec Strapping Young Lad, et donc plus facilement assimilable et ré écoutable. Soigneusement construit, Synchestra contient ainsi plus de parties instrumentales à vocation de créer une atmosphère heureuse, que précédemment. A la réalisation, Townsend était conscient que certains de ses disques pouvaient mettre l’auditeur mal à l’aise, et il confiait lui-même avoir des difficultés à écouter Terria en entier. Ici, les paroles laissent libre cours à l’interprétation personnelle, se contentant parfois d’un minimum de jugeote, comme sur Babysong où les intentions de faire ressentir une simple humanité semblent caricaturées. Pixillate, par exemple, est plus intéressante car plus ambigüe, comme un reste de la folie d’Infinity (1999) et son morceau Ants.
Malgré ce que ses autres disques peuvent révéler, Townsend se dit assez désintéressé par le style métal. Synchestra révèle un peu plus ce tiraillement entre un genre enclin à devenir théâtral, donc malhonnête – Vampira est peut être une moquerie adressée aux groupes anglais de type Iron Maiden – et la recherche d’une nouvelle honnêteté à travers une musique beaucoup plus calme, parfois presque qualifiée d’easy-listening.
Let it Roll, qui ouvre le disque, est en réalité une ballade curieusement dépouillée qui met en valeur la qualité sans cesse croissante du chant de Townsend. Ensuite, on bascule dans le grand spectacle sonore que constitue, inévitablement – et de manière un peu convenue aujourd’hui – un disque de l’artiste. Triumph et Babysong sont les meilleurs titres du disque, qui continue avec le duo carnavalesque Vampolka/Vampira. A ce stade, impossible de savoir si l’on trouve cela affligeant ou génial, et c’est justement la grande force du disque ; nous faire ingurgiter avec autant de plaisir qu’au temps d’Ocean Machine (1997) une musique qui ne l’égale pas en inspiration mais surement en excentricité. Il faut imaginer que les motivations malsaines qui ont quitté Townsend – paraître fou à ses auditeurs – l’ont privé d’un ressort, celui qui faisait fonctionner The Death of Music ou la quasi-totalité d‘Infinity. Synchestra est la fin d’une parenthèse – et là s’achève peut être l’aventure de The Devin Townsend Band.
Si l’on considère ses prochains disques, on peut dire : Townsend est mort… Vive Townsend ! Car sa réconciliation avec le simple monde des humains est plutôt fructueuse à ce jour. A travers ce disque, il renoue clairement avec son humanité, faisant presque complètement disparaître l’écran du genre « attention : artiste génial : ne pas jeter de nourriture » qui le séparait de son public. Lui dit avoir voulu se montrer humble. Il est seulement plus réaliste, moins fantasque et paranoïaque que par le passé, sans pour autant avoir changé ses automatismes de production – l’utilisation foisonnante de samples, de boucles en tout genres et de superpositions sonores qui finissent par créer une grande tour de Babel – quand Synchestra n’aspire qu’a être les nouveaux jardins de Babylone.
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