A l'exception du dernier paragraphe : Traduction d'un article par Steve Fisk - The Rocket, Septembre 1992
Il n’y a pas de manière simple de décrire les Screaming Trees. Ils ne sonnent pas comme un groupe de Seattle, quoi que cela soit. Ils écrivent des chansons, des chansons qui vont vous rester dans la tête longtemps après que vous les ayez écoutées. Peut-être quelques jours, ou plus. Ils ont l’un des meilleurs chanteurs (Marc Lanegan) et l’un des meilleurs guitaristes (Gary Lee Conner) dans le métier aujourd’hui : ils sont excellents en concert. Et surtout, ils ont été tristement ignorés, lorsqu’on a voulu faire croire que le grunge était en fait du métal. Ce que ça n’est pas. Steve Fisk, musicien, producteur et fan du groupe de longue date, a pris une carte de crédit, un enregistreur à cassettes, le numéro de téléphone confidentiel des frères Gary Lee et Van Conner (ce dernier est à la basse) et deux cassettes vierges. Ils se sont rencontrés dans un bar obscur et ont parlé des heures durant. Ce qui suit n’est pas une interview traditionnelle, mais reste très intéressant pour expliquer les mystères et merveilles du meilleur export d’Ellensburg (état de Washington). Leur nouveau batteur, Barrett Martin, avait la grippe ; le leader Marc Lanegan a eu, eh bien, un empêchement. Ils ont un disque qui sort ces jours-ci [Sweet Oblivion, en mars 1992], le second sur une major, si cela compte.
Steve : Il vaut mieux prévenir les gens qui montent à bord de la saga Screaming Trees que, pour les quatre disques que nous avons fait ensemble, personne n’a jamais utilisé le mot ‘grunge’. Ni comme adjectif négatif, ni comme adjectif positif.
Lee : C’est exactement ça. Pourquoi sommes-nous sur la compilation de Sub Pop, The Grunge Years ? J’ai toujours considéré que nous étions un groupe de trashy garage pop. Ce qui est sur, si nous avions eu dès le départ les valeurs de production que nous avons maintenant, nous serions davantage du type pop-rock. Mais ce qui s’est produit c’est que enregistrions sur un huit pistes et que la guitare sonnait comme de la merde. (Avis de producteur de Steve Fisk : « la basse aussi. ») Ce qui rend parfois un groupe intéressant. Ces vieux disques par les 13th Floor Elevators sonnent ignominieusement mal, mais ce sont aussi les meilleurs disques jamais enregistrés, Bull of The Woods [1968] et Easter Everywhere [1967]. »
Van : Tout est très différent maintenant. Nous sommes complètement différents. J’avais 18 ans quand nous avons commencé. J’ai à présent 25 ans. Quand j’ai eu mon diplôme au collège, plutôt que d’aller à l’université, j’ai rejoint un putain de groupe. Maintenant c’est mon métier, mais quand même, c’est le job le plus étrange de tous les temps.
Lee : Je me suis toujours demandé ce qui était en train de se passer. On a décidé que nous allions enregistrer quelques-unes de mes chansons, et soudain nous sommes sept ans plus tard au beau milieu de cette folie…
Van : nous voulions un groupe, mais nous n’avions pas prévu d’enregistrer un disque. Je me souviens que Lee disait, au moment d’Other Worlds [EP paru en 1985], ‘J’ai parlé à ce type, Steve Fisk, et il dit que nous devrions le contacter et enregistrer au studio. » Ca m’a énervé. Je lui ai répondu : « Qu’est-ce que tu dis, on ne peut pas simplement aller dans un studio et enregistrer ! »
Les Screaming Trees ne songeaient pas au mot grunge. Pourtant, ils s’inspiraient, à l’instar de groupes aussi divers qu’Alice in Chains, Mother Love Bone, Black Flag, Mudhoney, ou les Spacemen 3, des Stooges et de Black Sabbath. La guitare acérée, les riffs répétitifs et la pédale wah-wah de Gary Lee Conner n’était pas sans rappeler le jeu du guitariste des stooges, Ron Asheton, à l’époque de Funhouse (1970). Cependant, au hard-rock bourbeux les ‘Trees’ préféraient au départ le désordre psychédélique – avant de devenir parangons du rock alternatif. La volonté du groupe de décliner toute étiquette semblait due à leur prise de conscience face au chaos qu’ils étaient voués à déchaîner, de disques en concerts délurés. Cet aspect insaisissable correspond le mieux à une carrière pleine d’ellipses et d’embardées, marqué par le mauvais sort qui empêcha les Screaming Trees - malgré la présence vocale de Lanegan (et son statut progressivement acquis de figure fascinante de la scène rock alternative), la virtuosité évidente de Lee Conner et l’éclat de certaines compositions - de rencontrer un succès commercial. En contrepartie, leur comportement erratique leur assura l’estime d’une frange d’auditeurs en recherche d’authenticité.
A suivre
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