Parution | 1974 |
Label | RCA |
Genre | Rock, Glam-rock parodique |
A écouter | Kill Your Sons, Billy, NY Stars |
/10 | 4.75 |
Qualités | culte |
Le fait que Sally Can't Dance ait été le plus grand succès commercial de Lou Reed ne veut pas dire grand chose. Quasiment inexistant sur le disque, Reed fera cette remarque cynique : "It seems like the less I'm involved with a record, the bigger a hit it becomes. If I weren't on the record at all next time around, it might go to Number One." Epuisé à la suite de Berlin (1973), paru l'année précédente, et agacé par les journalistes qui l'avaient démoli, on croirait qu'ici Reed a tenté de saboter sa carrière, plus ou moins volontairement, avec une certaine subtilité décidément, mais rien n'y a fait ; les gens étaient prêts à acheter n'importe quel produit portant l'étiquette Lou Reed dessus, même un service à vaisselle si RCA en avait fabriqué un. Il faut croire que l'adoration a des limites tout de même, car Metal Machine Music (1975), une heure de bruit blanc sortie l'année suivante, avait bien l'étiquette vendeuse mais n'a pas rencontré le succès… attendu ? Reed semblait y croire, le qualifiant de chef d'œuvre de la musique heavy metal… Le problème avec lui, c'est qu'a partir de Transformer (1972), voyant qu'il ne deviendra pas la star qu'il escomptait, il va se barder de fer, indéchiffrable au monde extérieur, se détachant de son travail, ne le traitant plus qu'avec une ironie qui faisait froid dans le dos (l'effet des drogues n'est sûrement pas négligeable dans son comportement alors).
Sally Can't Dance est le summun de cet espèce de déni contre tous, et finalement contre lui, puisqu'il se contente de chanter et de gratouiller quelques parties acoustiques, délaissant à d'autres le soin de produire dans la veine de ces deux précédents disques, celui-ci s'intégrant bien à ce qu'on peut qualifier de trilogie " de l'aspirant à être Bowie", étalée entre 1972 et 1974 - à moins qu'on y mette aussi Coney Island Baby. Bowie qui a produit Transformer, dont les succès Hunky Dory (1971) ou Ziggy Stardust (1972) ont sûrement eu un fort effet sur Reed, tandis que lui se mit ensuite à imiter les Stones… qui a dit aliénation ? De manière amusante, Sally… sonne comme une caricature glam-rock, poussif à souhait, l'instrumentation de Bob Ezrin pour Berlin étant reprise à gros traits, transformée en foire grotesque de cors et de cordes. A tel point qu'on se demande s'il n'annonce pas la fin du mouvement - au moins la fin de la naïveté des auditeurs face au show biz - le comportement de Bowie lui-même va être fustigé de manière rétroactive ; Ziggy va être démonté avec un malin plaisir, les journalistes les plus rock l'accusant soudain de n'être qu'un entremetteur malhonnête. La musique de ce disque apparaît plein de dérives grandiloquentes, comme si la paranoïa et le dépit cynique pouvaient connaître des envolées lyriques ; cela donne l'impression que Sally... est un album agréable, et c'est salement vicieux. Au moins, avec Metal Machine Music, on sait à quoi s'en tenir ; et même Rock'n Roll Animal, malgré son pessimisme latent, est honnête ; il est basé sur une relation avec le public, même si ce n'est pas une relation saine.
Avec son horrible dégaine sur la pochette, Reed renvoie directement à Hunky Dory - il jouera d'ailleurs le jeu de l'androgynie. Evoquant un zombie, une marionnette, il enchaîne les rimes de manière quasiment indifférente. Les paroles affichent un mépris outrancier pour à peut près tout, d'ailleurs beaucoup évoqueront Reed comme un loque nihiliste à l'époque ( à moins qu'en 1974 il ait dépassé le creux de la vague).
Sally Can't Dance est le disque de l'évitement, de la démission. On a parfois l'impression d'une musique chantée par un imposteur, alors que le vrai Reed est en train de se shooter dans un coin. Mais c'est pourtant un disque touchant, et, d'un certaine manière attachant, parce qu'on y décèle un semblant de cœur. Kill Your Sons, brûlot contre des traitements par électrochoc, la psychothérapie est une chanson puissante et profondément personnelle - et qui a des répercussions étranges si l'on considère que le Reed en pochette est la version de l'artiste du monstre de Frankenstein, rendu à la vie par l'électricité. C'est l'électricité des guitares le bruit ambiant qui est en train d'emporter les derniers morceaux de Reed au cimetière… Heureusement, Sally... est court ; trente-cinq minutes. Court, creux… et culte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire