Parution : juin 2011
Label : PIAS, Third Man Records
Genre : Blues, Folk
A écouter : Treasures, You Can’t Teach an Old Dog New Tricks, Don’t Know Why She Loves Me But She Does
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Qualités : attachant, rugueux, groovy
Treasures, l’entrée en matière du nouveau disque de Seasick Steve, pourrait faire penser que le chanteur blues d’origine américaine est prêt à tout abandonner. Vidé de son énergie malicieuse et seulement capable d’évoquer, à la manière d’un Johnny Cash en fin de vie, les images bouleversantes qui le renvoient à sa propre impuissance. « When i walk down your street/to your barred windows you look at me/And you wonder have I come to ask/for one of your precious things that do not last.” La terre semble avoir cessé de tourner sur cette ballade plaintive et sombre, se terminant par un solo de violon languissant. Mais le morceau-titre qui arrive ensuite, joué avec John Paul Jones (Led Zeppelin) dénote au contraire d’une énergie fabuleuse et irrévérencieuse. Steve n’a pas perdu une miette de ses moyens, ne serait-ce que du point de vue vocal, et n’est pas prêt à laisser sa tempétueuse Trance Wonder à 3 cordes – l’artefact de sa gloire, selon lui - lui tomber des mains.
Dès lors, cet album alternera les blues fiévreux et enlevés, arides et monolithiques, basiques et rugueux (Back In The Doghouse, Burnin Up, Day Gone) – boostés eux aussi par la présence du bassiste de Led Zeppelin - et des chansons plus lentes, lancinantes et dépouillées qui peuvent évoquer Tony Joe White ou Roky Ericksson. Celles-ci trouvent invariablement le ton juste, à l’image de la superbe It’s a Long Long Way, sur laquelle le chanteur blues s’adresse aux plus jeunes en leur prodiguant ses conseils d’ancien. You Can’t Teach an Old Dog New Tricks montre que l’artiste continue de s’épanouir, de démarquer plus clairement son territoire, de jouer plus finement sur ses atouts. Seasick Steve a 70 ans, et il est mieux enraciné que jamais dans le Norfolk en Angleterre. Il y connaît son public et le regarde se rajeunir avec intérêt, il y reste quotidiennement en contact avec le monde concret et immédiat.
Il est bien question de temps qui passe et de ralentissement sur cet album, comme le suggère même le morceau titre et le couplet le plus marquant de l’album : « Must be Something wrong with me/What is I can’t quite see/I can’t seem to do nothin right/Maybe i need to change my style/Been this way for a long long while ». Mais Seasick Steve n’en tire que de la force, détourne le discours par sa puissance de ton et parvient à faire de ce sentiment de désuétude une chose intergénérationnelle. La vidéo qui accompagne le morceau montre, entre autres, des cerveaux volants, dénotant une ambition impressionniste, et multiplie les possibilités d’interprétation. Ailleurs sur le disque, Steve préfère toujours la revendication que l’excuse, signe qu’il n’est pas prêt de disparaître : “I might not be perfect but I’m me to the bone”. Cet enthousiasme, et la facilité déconcertante avec laquelle il enchaîne les morceaux vrais, authentiques, le rend attrayant pour tous.
S’il a 70 ans, Steve a eu le succès tardif, menant longtemps une carrière plus discrète que celle qu’on lui connaît aujourd’hui, et à l’aune de laquelle il se mesure dans ce fameux couplet de You Can’t Teach an Old Dog New Tricks. Musicien blues dès la fin des années 60, il a été à la fin des année 80 un témoin privilégié et un acteur de la scène de Seattle travaillant tout au long des années 1990 comme ingénieur du son et producteur, avant de quitter les Etats Unis pour accompagner sa compagne dans son pays natal, la Norvège. Et de s’installer récemment en Angleterre. Catapulté, en 2006, à plus de soixante ans, par quelques émissions de télévision, il vendra son disque Dog House Music à plus de 100 000 exemplaires rien qu’au royaume Uni. Il « est par là », comme il le chante, depuis cette époque ; cinq disques sont parus en sept ans. En outre, il existe certains musiciens bien connus pour qui le son en mono ne tient pas d’un autre temps mais constitue la preuve d’une affirmation artistique moderne ; c’est le cas de Jack White, qui a signé aux Etats Unis Seasick Steve sur son propre label, Third Man Records.
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