“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

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mardi 24 octobre 2017

BIG BIG TRAIN - Grimspound (2017)




OO
soigné, épique, vintage
Rock progressif


Big Big Train est un groupe au milieu du gué, selon les mots de Gregory Spawton, bassiste et fondateur du groupe. Contrairement à d'autres, à ce stade de leur carrière, ils n'ont jamais été meilleurs. Ils continuent de se consolider, reposant sur d'excellents descendants d'une lignée de musiciens aussi novateurs qu'intransigeants. Ils donnent vraiment l'impression que le rock progressif contient les meilleures possibilités musicales, dans sa combinaison de styles et sa structure attentive.

Il en existe, des capables de se vouer à l'excellence mélodique, mais Big Big Train reste à part. Leurs thèmes et mélodies renvoient à la matière légendaire de la culture britannique, née des campagnes, et leurs formats héroïques évoquent les destins intemporels de grandes figures de la nation. Big Big Train est en train d'obtenir une reconnaissance internationale, et même s'il leur est difficile d'être aussi importants que certains de leurs modèles reconvertis en stars de la pop, ils s'y emploient. C'est sur les traces de Peter Gabriel, de Genesis, qu'ils s'orientent en enregistrant aux studios Real World. Et c'est pour en dégager un travail considérable ! Deux (doubles) albums reposant sur des tournures communes, celui-ci et The Second Brightest Star.

Tout du long, ils maintiennent vivace ce style plein de tensions rock, rendu intemporel par Genesis. Ils s'alignent exactement sur cette époque révolue, dont ils rendent le charme et le chatoiement de nouveau parfaitement actuel.

La qualités musicales sont la première force d'attraction de Big Big Train. Leur précision, leur capacité à jouer serré, entrecroisé. La structure des morceaux est d'une rare finesse : tout groupe qui souhaite faire durer durer une chanson au-delà de six ou sept minutes doit réfléchir à la récurrence des éléments mélodiques, à la fréquence des refrains, etc. Les considérations semblent avoir été maîtrisées par Big Big Train grâce à l'arrivée de nouveaux musiciens, connaisseurs de l'histoire de cette musique typiquement anglaise.

Au cœur de leurs albums on ressent la musique diffuse capable de reprendre corps, brusquement étourdissante.

La tension dramatique est également servie par les refrains évoquant comme des plaidoiries, largement poétiques, pour un monde plus fantaisiste, plus responsable, plus vaillant.

La composition apporte des tournures souvent à la fois naturelles et réjouissantes. Brave Captain nous engage dans un voyage vers le passé, avec une tendance épique qui rappelle Iron Maiden et le renouveau du metal britannique dans les années 80. Les influences de Big Big Train ne s'arrêtent ainsi pas à Van der Graaf Generator ou Genesis. Elles suivent une logique qui puise certes plus dans le folk et la pop que dans le metal, au service d'une riche orchestration. Mais on trouve avec On The Racing Line un peu de jazz tellurique, à la manière de The Esbjörn Svensson Trio.

Leur voyage est brave et suppose une boussole réussissant les points cardinaux. Une musique si vaste nécessite un point d'ancrage, une place où se tenir. A aucun moment le groupe ne semble perdu dérouté, désaxé.

Sur Experimental Gentlemen ils fusionnent encore mieux le fond et la forme, explorant l'histoire. Synthétiseur vintage et violon créent des textures à la fois organiques et spatiales,garantissant l'immersion, tandis qu'une mélodie entêtante évoque Kraftwerk. Mais elle est ici proposée par un sursaut de violon, et se retrouve vite plongée dans les entrecroisement de piano, de guitare électrique, la combinaison d'un émerveillement littéral. La coda du morceau apporte une grande suavité, dans une fusion de jazz et de soul évanescentes, se dissipant dans un fondu terminé par un ultime balayage des claviers atmosphériques.

Poésie et mélodies sont portées à un état de grâce sur Meadowland. La délicatesse des guitares laissent présager d'une direction complètement romantique, mais la suite révèlera l'extraordinaire exigence d'un groupe qui ne s'en tient pas à une manière, mais innove sans cesse dans ses projections.

Grimspound érige un autre cordeau narratif et mélodique commun avec The Second Brightest Star. La chanson, éminemment romantique, a cette volonté de résumer la mythologie du groupe, telle qu'elle est perçue tout au long de deux heures de musique, car ce qui se trame dans cette chanson irrigue toute l’œuvre. Ainsi, le second album ne sera constitué seulement de reprises thématiques de celui ci : il y répondra et viendra enrichir la matière du groupe.

A Mead Hall In Winter, avec ses quinze minutes et sa partie très dynamique vers la fin, nous incite à cette écoute attentive et répétée, au risque de lasser. Ce n'est pas ainsi que Grimspound devrait être le mieux apprécié, mais écouté de bout en bout, avec The Second Brightest Star, inlassablement. Big Big Train ne cherche pas à valoriser une chanson plutôt qu'une autre. Il n'y a pas ici de pièce maîtresse, pas de grand œuvre central. Chaque morceau tend vers une autre, et l'écoute se fait sans frontières. On ne sait plus toujours où se termine une chanson et où démarre une autre.

La dimension littéraire et lyrique du groupe peu alors pleinement être appréciée. La dimension épique de A Mead Hall in Winter continue de donner l'impression que le point décisif d'une quête a été atteint, mais c'est une astuce narrative plutôt qu'une réalité. Grimspound joue des illusions de bien-être et d'achèvement pour décrire le travail d'une âme sans repos, d'une humeur volatile, d'une mémoire fragile que l'auditeur est mis dans la confidence pour préserver. C'est une histoire ancestrale qui se transmettrait oralement. Et la fonction des mélodies est de nous la rendre plus affective, de nous aider à nous identifier aux messages positifs qu'elle véhicule et, dans un second temps, de prendre conscience de sa teneur mélancolique. As the Crow Flies, encore puissamment métaphorique, nous appelle à garder à distance les puissances corruptrices, pour préserver la singularité de Big Big Train, sa geste héroïque telle qu'elle est entrée dans notre mémoire.

vendredi 19 mai 2017

DOMINIC WAXING LYRICAL - Rural Tonic (2017)



OO
extravagant, lyrique, romantique
Folk alternatif


Un album progressant avec une liberté de ton vivifiante ! La salve de violon de King ouvre sur des chansons explosives et mouvantes, entre vieille tradition et folk psychédélique. Le canevas musical repose hardiment sur un foisonnement de violons et violoncelles, puisque Dominic Waxing Lyrical est une gageure collective de musiciens de la scène d’Édimbourg avec le Scotish Chamber Orchestra. L'accent du chanteur/songwriter Dominic Harris fait dans l'éloquente gouaille écossaise. La pochette décalée et le titre décrivent un objet à la fois familier et appartenant à un univers subtilement différent du notre. Ce contraste de familiarité et de dépaysement est le premier sentiment à frapper. Puis vient Laïka, une ballade au romantisme étrange et un peu magique. Le clavecin nous rappelle les audaces possibles à Abbey Road en 1968, mais que dire du lyrisme de la scie musicale ? La précision des mélodies, leur sens du mécanisme et leur dynamique maintiennent l'attention et nous gagne la sensation d'une traversée multi-dimensionelle. River Styx met en avant l'urgence et le romantisme complètement incarné par un Dominic Harris comme possédé par une vision.

On est surpris de la fluidité de l'ensemble, et de la façon dont les références multiples sont intégrées, Tim Hardin ou Tom Rush parmi eux. Les morceaux s'enchaînent dans l'ardeur des meilleurs disques du Summer of love. Harris retravaille la palette du rock anglais populaire des années 70 en ajoutant cet ingrédient spécial, cette mélancolie, cette incertitude, forçant la netteté des images pour mieux nous dérouter et nous subjuguer. Les références sont encore plus visibles tandis que l'album avance, nous imprégnant d'une apparente complaisance. Susan Sontag se fredonne facilement, mais on poursuit ensuite dans une ambiance toujours plus onirique et imagée. Kill Everyone est complètement baroque, librement inspirée de l'époque de Sgt Pepper. Et on termine par une seconde ballade au clavecin, parfaitement dans l'esprit d'artistes folk aventureux, devenus très rares. Rural Tonic côtoie à plusieurs reprises les trublions de l'acid-folk de Tom Rapp ou de Ed Askew. Octopus Man mêle ainsi exubérance poétique et textures sublimes, avec des arrangements qui entre d’autres mains auraient pu sembler pompeux.  Cet album devrait logiquement avoir un grand succès dans la contrée qui l'a vu naître, et pour nous c'est le merveilleux témoin certains refusent le conformisme pop.

mercredi 19 avril 2017

SLOWDIVE - Slowdive (2017)



OOO
intemporel, apaisé, pénétrant
shoegaze, rock, pop alternative

Alors que le shoegaze semblait s’attribuer de plus en plus à un certain public et à des pronostics échangés sur internet, Slowdive vous incite, comme jamais ils ne l'on fait en leur premier temps, à sortir de votre PC et à vivre. Dans le temps en question, internet existait à peine. Ces années passées à ne pas jouer ensemble, puis à se retrouver en 2014, leur ont fait regagner une chance d'avoir une place dans le paysage, profitant aussi la défection d'Oasis, de Blur, des Libertines, de Franz Ferdinand... Ils ont attendu ce moment où les fans les retrouveraient, ceux-ci remisant leurs espérances pour rejoindre le groupe dans les concerts et façonner ensemble de nouvelles fonctions émotionnelles pour le monde, changé, de l'année 2017. Une date que le groupe s'approprie en jouant un rock vivant, entraînant, et simple.

Certains diraient que leur son a 'bien vieilli', mais a t-il été suffisamment écouté par le passé? Il arrive jusqu'à nous, sourd et langoureux, souterrain, identifiable comme celui d'un groupe revenant de loin et pourtant palpable.

Slowdive sait surprendre, et donner plusieurs dimensions à leur musique. Ils ne reposent pas seulement sur une texture aérienne mais arrimée, même si c'est une belle qualité que d'être si direct et statique sur Sugar For The Pill. Ils réussissent un disque enlevé, avec des changements de rythme au cours des morceaux, et où les thèmes communs avec leurs anciennes chansons – les dernières en date remontent à 1995 - ne se jouent pas au détriment des plus récentes. Ils ont montré en concert une volonté de régénérer leur répertoire, revisitant notamment des chansons réputées impénétrables de Pygmalion (1995), Crazy For You et Blue Skied An' Clear, en guise de douce revanche contre le temps et le music business qui aurait pu leur retirer, dans le cas où les contraintes auraient été les plus fortes, l'envie de s'aventurer de nouveau dans leur rock à l'aura nimbée de lumière.

Don't Know Why, une mélodie rappelant Machine Gun, est la première apparition notable de Rachel Goswell sur l'album. Elle réitère la même forme d'émanation sur Everyone Knows. Les arpèges de Falling Ashes font écho à Daydreaming, la chanson de Radiohead. Slowdive parvient, comme cet autre quintet britannique, à rester concret et attrayant pour le plus grand nombre malgré ses explorations. Le charisme insoupçonné de Neil Hamstead, qui troque son mal-être adolescent pour une maturité radieuse, hisse Slomo et Star Rowing bien au delà de ce que leurs trames laissent présager. C'est peut être lui qui évite à Slowdive de sembler engoncé dans son ancien désarroi.

Mais tout le groupe évolue de façon audible, comme ils l'ont fait entre leurs trois albums passés. Ils réitèrent le grand saut effectué entre chacun d'entre eux. Pour nous, le regret d'avoir attendu aussi longtemps est balayé par la réalisation que c'est de cela dont il s'agit, en musique : pas un timing, rapide et régi par des exigences fonctionnelles, mais plutôt un tempo, s'entendant selon des lois naturelles et le cœur de chacun. Sans encore élucider le message véhiculé par cet album, on en profite déjà pleinement. Les paroles méritent de rester inexplorées, admirées pour leur grain et l'endroit d'où elles émanent, aussi irréel que le sentiment que ce n'est pas un aboutissement, mais les signaux d'une présence intemporelle qui s'offre à nous. Les éléments vocaux et instrumentaux se combinent avec une grâce jamais attente auparavant sur un album de Slowdive, jusqu'aux chœurs finaux de Falling Ashes.

vendredi 17 mars 2017

WALDORF & CANNON - Old Dogs New Tricks (2017)



OO
intense, ludique, fait main
Rock, blues rock

Old Dogs News Tricks, un titre évident pour cet album blues rock enregistré par un duo irlandais déjà au milieu de leur carrière, hors de leur zone de confort, ce qui leur permet d'échapper à l'ennui et, fatalement, d'enregistrer un disque hyper communicatif. « Tout ce que je fais semble t'ennuyer » démarrent t-ils justement sur la crâneuse Bore You, l'un des deux singles primitifs servant d'étalon à l’œuvre. "Je ne peux pas m'empêcher/d'être complètement désorganisé/complètement libre. » Leur chant choral gonfle le son, nous précipite au cœur d'un album rebelle. La désorganisation, le temps d'un revers de baguette, devient révolution.

Philip Wallace et Oisin Cannon traversent ce disque avec un talent de débusqueur, un flair ultra performant et une spontanéité que seule leurs propres méthodes pouvaient aussi bien préserver. Wallace a enregistré et mixé l'album, tandis que même la pochette a été réalisée sans aide extérieure. Cela a pris un certain temps, mais le contrôle artistique est total.

Les « nouveaux tours » dont il est question dans la chanson titre, redonnent un sens au processus d'enregistrement. Sur un jeu ultra rythmique guitare/batterie, ils ont monté une psychédélisme funky, du punk rock au hard rock, arrachant avec les dents leur slogan à la Rage Against the Machine : Omit the Logic. Une petite phrase récurrente trahissant le manque de principes de l'expérience. L'enregistrement, chose épineuse démantelée en trouvant de nouvelles voies pour jouer et cerner la musique. Le bonheur audible laisse soupçonner qu'un secret fût percé au cours du processus, expliquant leur provocante facilité.

Les contraintes – jouer d'instruments inhabituels pour eux, chanter pour la première fois – sont balayées dans la production finale, elles n'ont pas eu le temps de poser problème que les voilà surmontées et enhardies. On pense à Buke and Gaze, un autre duo astreint à jouer sur le ressort le plus physique de leur musique par défi technique. La batterie conçue pour être entièrement jouée à l'aide de pédales, cymbales comprises, est l'exemple d'un instrument qui n'a pas seulement vocation à apporter un son, mais à produire un challenge.

La production variée – violoncelle, chœurs, saxophone fou, renvoie au rock décomplexé de certains performers dans les années 70. C'est David Bowie, époque Hunky Dory, sur la ballade Bring You Down. Le duo a le goût sûr, ils pensent à ce qu'ils peuvent restituer sur scène, tout en nous surprenant en contournant la formule minimaliste. Le blues hypnotique et poisseux du Mississippi, ils y combinent des refrains mélodiques sur Echoes of the Sacred. L'harmonica y ajoute un supplément de malice. End of The Line évoque les Stooges. 

https://waldorfandcannon.bandcamp.com/album/old-dogs-new-tricks-2

mardi 14 mars 2017

MARTIN WORSTER - You (2017)




O
fait main, contemplatif, vintage

Pop rock

You est de ces albums, qui, même imparfaits, nous affectent par leur beauté inattendue, la passion qu'ils véhiculent, s'attardant, explorant des temps ralentis, des époques de façon tellement passionnée. Le britannique Martin Worster a bien fait de combiner ses chansons les plus personnelles, les plus anciennes, à des productions années 80. La gravité dans sa voix comble le temps écoulé.

Du point de vue technique, You aurait pu sortir au alentours de 2003. L'informatique qui y est utilisée s'arrête à peut près là : ensuite, commencent les fantômes, le vague à l'âme, traînent les passions pour des groupes des années 80, mieux réutilisées que prenant la poussière. L'album n'est pas un simulacre des tentations d'aujourd’hui, mais émule des souvenirs de triomphes pop introspectifs. Faire revivre des sons qui nous ont fait vibrer, une mélancolie, un certain romantisme définitivement arrêté quand Radiohead sortit Ok Computer. On entend des sons, des productions nous évoquant des souvenirs que nous ne sommes pas sûrs d'avoir réellement : des rêveries spatiales. 

Words Unsaid nous affecte comme Ed Askew dans son dénuement, la façon dont sa voix recherche un timbre, une mélodie, quelque part, aussi, dans la lignée synthétique de New Order. Les sonorités froides ne l'empêche pas de produire des morceaux chaleureux. Des tonnes de sentiments à partager, depuis son studio, et il y parvient, parachevant les meilleures compositions de soli de guitare rétrospectifs. 

Comment tirer des frissons du temps passé devant votre PC ? Même là, vous pouvez avoir du fun, même s'il faut de la patience et deux-trois écoutes. Ne pas rater Helping Hands et Old à la fin, où Worster semble imaginer une suite à The Division Bell.

https://martinworster.bandcamp.com/album/you

samedi 25 février 2017

NOVELLA - Change of State (2017)



O
soigné, vintage, pénétrant
pop rock

Enregistré avec une économie de moyens, Novella se démarque de nombre de prétendants. Le quatuor londonien se joue des apparences de banalité et trace une voie de plus en plus évidente au fil des écoutes. On apprécie la production aérienne, capable d'introduire les éléments progressivement et des idées intéressantes jusqu'à la fin. On croirait entendre se développer une conversation, d'abord anecdotique, mais qui bien rapidement évoque des sentiments forts, gagne en intensité (la chanson titre), nous incite à vraiment écouter. Le choix de la méthode d'enregistrement, du producteur et du studio démontrent que Novella savent exactement où ils veulent aller avec leur son. Tout se combine pour rendre Change of State stimulant, autant qu'il est poli et étudié. Les époques musicales s'y entrechoquent candidement, surnagent, tel ce clavier analogique sur Four Colors.

On se retrouve propulsé par la suite dans les sentiments en formation, on pense à Slowdive, ou l'aspect juvénile et la fraîcheur active est balancée par des zones d'ombre mélancoliques. La batterie, détachée, les guitares envoûtantes et mélodiques évoquent les expérimentation de Rain parade (Elements). Mais les voix chorales de Holie Warren, la guitariste Sophie Hollington et la bassiste Suki Sou les démarque sur le plan de l'originalité pop. La voix de Warren et s'impose définitivement sur A Thousand Feet, avancée par le jeu resserré du duo basse/batterie. Les guitares percent pour un effet shoegaze dans la deuxième moitié du morceau. avant que l'album ne redémarre avec encore plus de pulpe mélodique. Dès lors, c'est une inertie faisant que, même lorsque l'album perd de son énergie, c'est pour mieux flotter et se rendre agréable.

MICHAEL CHAPMAN - 50 (2017)






OOO
poignant, envoûtant, apaisé

Folk rock

La musique de Michael Chapman peut vous arrimer solidement au sol, comme si vous plongiez des racines dans la terre. Comme il était plus utile de compter l'expérience en termes d'année de carrière qu'en matière d'albums, difficiles à dénombrer, celui-ci, paru en 2017, s'intitulera simplement 50. Cinquante ans de musique, au fils d'albums homogènes en termes de qualité mais divers de point de vue des productions. A l'apogée du folk rock british orné (Fully Qualified Survivor, 1970), dénuée d'artifices (Deal Gone Down, 1974) avec boites à rythmes mais au charme pourtant tenace (Life on the Ceiling, 1979), puis, de plus en plus, valorisant les temps et les silences suscités par la guitare de plus en quête des grands espaces. Enfin, rendue limpide grâce à une production atmosphérique.

Dans sa musique, beaucoup d'histoires s'entrecroisent : celles des fans de la première heure qui continuent d'affirmer son importance, celles des musiciens d’aujourd’hui qui reprennent avec un certain succès sa formule libre et audacieuse, celles de Chapman concernant Mick Ronson, David Bowie, Nick Drake, puis les rée inventeurs de la guitare acoustique depuis les années 70. Chapman a cependant beaucoup de particularités qui le rendent précieux. Il n'a jamais été à Londres pour faire carrière. Son intérêt pour le bûcheronnage dépasse celui pour le music business. Et il a vite nuancé les mélodies d'inspiration celtique pour laisser son cœur se gagner à l'ouest américain. Sa voix abat les accents distingués, ne laisse aucune affectation, rocailleuse.

Michael Chapman, c'est cette voix, et le talent d'un photographe. Il joue de la guitare avec l'humilité de l'un d'entre eux, conscient de ne faire qu'emprunter un paysage, parfois. Il a toujours vécu dans un cadre pittoresque, étrangement photogénique, dont la ruralité est en décalage étrange avec celle qu'on attend d'un homme fêtant cinquante ans d'une vie musicale essentielle. Ce décalage a permis à Steve Gunn, artiste de l'année dans le fanzine Trip Tips 29, de produire 50 un peu différemment.

Il s'est autorisé un duo céleste avec le maître, sur Rosh Pina. Son propre album sublimait les contrastes des sonorités de guitares, étouffées, éventées, saturées, résonnantes, il reproduit cette alchimie poétique ici. Cette précieuse liberté, respiration palpable de la musique, qui nous y fait revenir toujours.

Chapman construit des albums sans se soucier de passer à la radio. Il le fait en retravaillant certaines compositions qu'il joue automatiquement en concert : The Mallard, poignant parallèle entre les vestiges d'une femme et ceux d'une locomotive légendaire reliant le nord et le sud du pays, Memphis in Winter, une chanson dévastatrice en termes de mélodie et de texte, avec cette tendresse fracassée par la colère. Les versions sur cet album vont droit au but. The Prospector est retravaillée à son avantage, bien plus ample désormais. Il faut être attentif, pour entrer dans un passionnant jeu d'incarnations. Lorsqu'il chante « my friend », on peut se demander si c'est le prospecteur qui s'adresse à lui avec condescendance, ou si Chapman lui même s'en réfère à nous qui l'écoutons. Enfin il y a That Time of Night, où Chapman se fait crooner émouvant dans la veine de Richard Hawley. L'origine en demeure la guitare, un accord sublime.

Parmi les nouvelles, on trouve A Spanish Incident (Ramon and Durango) et Sometimes You Just Drive, dont les narrations s’imbriquent et s'arrêtent sur ce refrain à double sens : «J'attends toujours ma récompense ». Elles font dire à la maison de disques, Paradise of Bachelors, que le songwriter enregistre là son album américain. La première est une vaste cavalcade avec banjo et piano de bar, et avec une mélodie vocale accrocheuse. A l'opposé du spectre, Falling From Grace sublime l'intimité de Chapman, remue des sentiments plus spécifiques, évoque un dénuement mélancolique très anglais. « I'm beginning to feel like that man in the park/who can make the kids cry and the dogs start to bark. » Il suffit d'imaginer ce que le Chapman de 1971, période Wrecked Again, aurait dit de celui de 2017, pour se persuader de la portée émotionnelle de cet album. Hors dans le folk, comme l'isolement, cette affection est un moyen de lutte.

mardi 17 janvier 2017

IRMA VEP - No Handshake Blues (2017)





O
hypnotique, intense, inquiétant

Rock lo-fi, indie rock

Un solitaire qui sait s'entourer, un illusionniste de la guitare qui semble préférer le défi des espaces confinés, le gallois Edwin Stevens a trouvé dans Irma Vep, son projet en solo, une façon de renvoyer au rock le plus expérimental, tout en faisant de chaque morceau une performance en soi, un moment unique. A Woman Work is Never Done provoque, dès l'émergence de la guitare, à travers un rideau de pluie, une tension qui ira crescendo durant 11 minutes.

Les légendes locales de Manchester DBH apportent entre autres un violon qui branche tout de suite Irma Vep sur des vibrations Velvet Underground, et cela ne fait que se confirmer tandis que les strates bruitistes se superposent. La voix, captée dans un appareillage étriqué, prendre des intonations évoquant Smog, le projet de Bill Callahan, dans la première moitié des années 1990. A Woman Work is Never Done dégage, dans une spirale de guitares ululant comme cent succubes, puis hurlant telles mille banshees, dans la répétition de la phrase qui lui donne son titre, une claustrophobie familière. La batterie, jouée également par Stevens, émet des sons métalliques, pour canaliser le timbre effrayant des grands pionniers du rock punitif.

Les chansons sont plutôt des tentatives, à l'image de la chanson titre, sorte d'ébauche n’existant que pour le plaisir d'un certain son, à la fois spectral, volatile et si intime, qui colle à la peau. La plus courte, Hey You, n'étant pas la moins fascinante, de par sa mélodie. Elle redimensionne ce qu'est une performance live : un grand moment de solitude dans un espace restreint. Le blues dont il est question renvoie à l'austérité de Scout Niblett, par exemple, dans les moments les plus directs, par exemple Armadillo Man. La guitare comme instrument de sidérurgie. Still Sorry est exploratoire dans les sons, glutineux dans sa production, avec juste assez de candeur pour rester suspendu, à la façon d'une chanson de Deerhunter. C'est un rock lo-fi intérieur, confiné.

https://irmavepirmavep.bandcamp.com/album/no-handshake-blues
 

dimanche 4 décembre 2016

TREMBLING BELLS - Wilde Majestic Aire (2016)





O
hypnotique, élégant
folk-rock 


Les héritiers du folk rock psychédélique, de Judy Collins jusqu'à Comus, The Trembling Bells sont la quintessence de la musique britannique. Ce court album prolonge The Sovereign Self (2015). Leur art est tellement culturel dans tous ses aspects mais réussit à nous le faire oublier grâce à la voix de Lavinia Blackwell. Elle remonte comme Sandy Denny aux odes chaleureuses, aux sources des territoires qui ont marqué la vie d'Alex Neilson, le batteur et leader du groupe. Swallows of Carbeth, en particulier, est fascinante, dans l'entrecroisement de la l'évocation si puissante de Blackwell et des mélodies d'un autre temps, provoquant un frisson que seul un très bon groupe, capable d’embrasser le sentiment, l'élégance et l'énergie, et un harmonium en embuscade, sont capables de susciter.


Neilson, est aussi un journaliste responsable d'articles importants pour The Wire. «Ça développe mon esprit d'analyse mêmes si mes connaissances en musicologie sont mauvaises. Je pense que ça m'a encouragé à être plus conceptuel et sensuel dans la musique. », révèle t-il en 2015 à Mark Corcoran pour le site Narc Magazine. Son univers en expansion perpétuelle est plutôt une affaire de sentiments, comme lorsqu'il s'intéresse aux héros des tragédies de la Grèce antique. «Vous rendre le sujet d'immensités vertigineuses, d'immaturités vampiriques, et leur permettre de tenter de contrôler votre système nerveux. Je suppose que je suis intéressé par le désespoir héroïque. Mais aussi par le sexe, les hallucinations, sublimer des lieux qui sont riches de significations personnelles, la rédemption d'une personnalité troublée à travers l'art. » Toutes choses qu'on peut retrouver chez les Trembling Bells, dont le revêtement traditionnel révèle une densité et une âpreté qui a toujours défini le rock anglais le plus imaginatif.

jeudi 23 juin 2016

HAWKWIND - The Machine Stops (2016)





OO
épique, groovy, audacieux
post punk, psych rock

Autant dans ses excellents concerts que sur disque, en 2016 Hawkwind sonne comme un groupe qui sait exactement où il va. Son versant punk n'a jamais paru aussi bienvenu et salvateur qu’aujourd’hui, surtout quand on sait que c'est sous le joug de Dave Brock, le seul membre original du groupe anglais connu pour avoir dressé Lemmy Killmister à la baston instrumentale. Quelque part vers la fin de Lost in Science (c'est à dire après presque une heure), quand une voix ombrageuse reprend un poème entamé au début de l'album, on se dit que The Machine Stops est un album épique qui a réussi à raviver ce qui faisait d'Hawkwind un groupe excitant jusqu'à Quark, Strangeness and Charm (1977), et plus épisodiquement au-delà. Brock, en patriarche du rock psychédélique, veille ostensiblement à ce que tout se déroule pour le mieux, il sait encapsuler chaque instant de cet album, et ses backing vocals produisent les moments qui laissent croire qu'Hawkwind est immortel. 

C'est un mélange de sons issus de l'esprit hanté de littérature, des capacités de musiciens hyper précis de ces six êtres humains, marchant au devant de toutes les turpitudes qu'a traversé ce vaisseau au cours des années. C'est aussi le son d'une sorte de machine qui émet sa critique d'une autre machine, l’avènement d'un monde où ce qui différencie l'être humain lambda – s'il n'a pas le bon réflexe de s'emparer d'une guitare et de devenir – est en train de sacrifier sa personnalité au profit de la machine. C'est album iconoclaste sur la standardisation des pensées et des sentiments, avec la solitude (un thème cher à ces explorateurs de l'espace-temps) comme conséquence inévitable – à moins, toujours, de s'emparer dès aujourd’hui de tout instrument valide à portée de main pour former un groupe.

Les paroles sont clairement focalisées. The Machine Stops, album concept qui épouse les thèmes visionnaires du roman de EM Forster, enchaîne les situations anxiogènes et exaltantes, avec une densité dont il faut se faire d'urgence le complice. Car au lieu d'être juste un nouvel d'Hawkwind, c'est l'un des meilleurs depuis ce Quark, Strangeness and Charm, et sans doute meilleur que celui-ci. Les ambiances changent, passant de la charge enfiévrée à la dépression avec un omnipotence de maniaco-dépressif. Dans le creux de la vague, on croirait Hexagone chanté par R. Stevie Moore, un champion de la pop auto parodique. Mais c'est encadré par Synchronised Blue et Living on Earth, qui, par leur mélange idée de fantaisie et de groove hypnotique. Un banjo se lance dans une valse cajun au milieu de cette dernière. C'est irrésistiblement anglais, avec ce sens du collage d'où jaillit parfois ce qui pourrait être Pump and Circumstance, au milieu de sons de synthés étrangement impossibles à voir comme 'datés'.

jeudi 10 mars 2016

MATT ELLIOTT - The Calm Before... (2016)





OO
Onirique, intimiste, envoûtant
Electronica, folk


Dans la caresse éternelle que nous prodigue Matt Elliott, de sa voix grave et de sa guitare arabisante jouée avec la spiritualité d'un oud égyptien, sur des trames de piano sépulcral, de violoncelle guttural, de choeurs et de courants d'air, on n'attendait pas tant de lumière. Chez Elliott, qui combine Chopin, Leonard Cohen et Albeniz, c'est plutôt l'inverse de la joie qui est habituellement exprimé. Mais sa musique devient, de plus en plus, le résultat d'un large faisceau de réflexions allant toujours bien au-delà de ce qui est annoncé : ainsi The Broken Man, n'était pas seulement le portrait d'un homme brisé, mais une déconstruction émotionnelle évoquant la nécessité d'affronter ses démons, et The Calm Before... se déploie comme un rêve exigeant et enivrant, ou le motif de la tempête sourd mais n'éclate pas, au terme duquel, comme dans chaque album, il aura équilibré les pertes et les gains.



Sur The Feast of St Stephen, sa voix et sa guitare atteignent des profondeurs abyssales, et paradoxalement, capturent la lumière avec poésie. I Only Wanted t Give You Everything, dont le titre seul est un morceau de poésie comme Matt Elliott sait les fabriquer (Le meilleur, sur The Broken Man : If anyone tells me 'it's better to have love and lost than to never have loved at all' i will stab them in the face') culmine sur un mouvement qui va crescendo en intensité, décrivant le tourment d'un homme appelé à un sommeil paradoxal agité, dont on ne sait ce que, des sentiments givrés ou de la caresse d'une femme glacée, il peut préférer garder à son éveil. Sa musique, par la répétition, a un pouvoir révélateur que peu de musiques acoustiques ont la patience d’atteindre. The Allegory of the Cave et son électronique douce, est d'une pureté qui rappelle Cass McCombs sur Wit's End (2011). Le froid et le calme originels se rétablit à la fin... Comme celle de McCombs, la musique de Matt Elliott semble bâtie sur un émerveillement constant. Allégories, évocations de pouvoir et d'amour, sous son calme éthéré, The Calm Before est la quête d'une vérité et d'une réalité inédites. Du grand art !


lundi 29 février 2016

EMMA POLLOCK - In Search of Harperfield (2016)








O
soigné, lyrique

Rock alternatif, folk 

Malgré certains défauts, la voix un peu trop « blanche » d'Emma Pollock et des paroles qui manquent de tranchant pour se distinguer de leur écrin musical, ce troisième album de la songwriter écossaise a de quoi ravir !

La pochette représente le père d'Emma, Guy Pollock, travaillant la terre, et Harperfield, dont le titre évoque la recherche, est la maison où ses parents vécurent quand il étaient un jeune couple. Sa mère et sa grand-mère sont décédées en février 2015, à 7 heures d'intervalle.

Pollock a une approche biaisée, l'inspiration familiale ne suffisant pas sa volonté artistique. Elle semble tantôt adresser son propre passé et son héritage – Cannot Keep a Secret, Parks and Recreation – et ailleurs décrire plutôt des états émotionnels génériques, pas forcément reliés à sa propre expérience. Le plus souvent, la frontière n'est pas clairement définie, ce qui donne une sens de l'énigme à ses chansons. Dans In Search of Harperfield, chaque chanson se départit de la précédente, changeant de direction et de ton dans une construction ingénieuse, qui réserve pour la fin les moments plus introspectifs (Dark Skies, Monster in the Pack, Old Ghost) où Emma Pollock se met véritablement dans la peau d'une chanteuse de folk, agile et plus affirmée que jamais. Le violoncelle lui sied bien. Old Ghost semble résumer l'album sur un note réflexive.


Ce sont les arrangements qui hissent cet album et lui assure de produire un impact. Réalisés en partie par Paul Savage, son mari et ancien des Delgados, groupe dont elle fut membre, ils insufflent par exemple à Intermission l'austérité nécessaire pour ancrer l'album dans nos mémoires, et offrent toutes les nuances en regard des paroles exaspérées et parfois transies de Pollock. Parfois étouffés et frêles, souvent plus enveloppants et capables de la porter nerveusement au-delà de ce qu'elle était en droit de projeter.

dimanche 7 février 2016

BETH ORTON - Daybreaker (2002)








OO
hypnotique, lyrique, doux-amer
Folk, indie folk


La timidité de Beth Orton, britannique du Norfolk, est marquante en concert. Mais la façon dont elle la dissimule sur ses albums, et en particulier dans celui-ci, n'est pas anodine non plus. L'écouter, c'est comme exhumer un chapitre déjà lointain de la carrière d'une artiste alors parvenue à sa pleine maturité, et qui n'a, malgré la vie, pas tant changé depuis lors. Elle a alors déjà écrit trois albums, et Daybreaker est accueilli sans excitation par la critique. Il est facile de voir pourquoi. La contribution des Chemical Brothers (Daybreaker, Mount Washington) donne un aspect électronique malvenu quand la fraîcheur acoustique sied tellement mieux, à une chanteuse immortalisée par sa façon terriblement émotive de s'accompagner à la guitare, les doigts ancrés, rigides. Les participations de Ryan Adams ou Emmilou Harris ne sont pas impressionnantes, même si elles débordent de professionnalisme.  Daybreaker se veut, peut-être trop, un album adulte.

Pourtant, l'album prend sa dimension 'Ortonesque' sur Carmela, un morceau que l'on aimerait dire 'à l'ancienne' même si on sait qu'il préfigura son chef d'oeuvre paru 10 ans plus tard, Sugaring Season. Elle y  capacité à basculer dans un versant bucolique enchanteur. La chose est vraie aussi sur This One's Gonna Bruise, délicatement soulignée par le picking appris de Bert Jansh, dans la plus pure tradition folk. Matiné de violoncelle, c'est le contrepoint le plus attendu de l'album. On est revenu là en premier lieu pour le timbre particulier de Beth Orton, l'intensité de cette voix à l'élasticité magique. 

Mieux, Daybreaker est un album sombre comme il faut, Ted Waltz, si fluide et limpide, pour maudire le soleil et le ciel 'vicieux'. Traditionnellement, ce n'est pas avant le dernier morceau, et sans s'éloigner de la rythmique bossa nova qui parcourt tout l'album, l'optimisme remplacer l'appréhension. Beth Orton suscite une sensation physique chez l'auditeur attentif, celle d’éclaircir le ciel, de repousser les nuages. Elle est pilote et la musique est son jet. Daybreaker, n'est-ce pas cette sensation de percer à travers les nuages? Le terme anglais, tant qu'on ne le traduit pas est plein de possibilités. Beth Orton nous embarquait et nous promettait d'y croire. Sugaring Season a été l’atterrissage, évoquant les choses de la terre. Pendant l'intervalle, elle nous a fait rêver comme des enfants, et continuera encore, on l'espère. 

D'ailleurs, son album suivant s'emparera de cette image en faisant figurer un arc-en-ciel sur la pochette de Comfort Of Strangers. Les grooves, les cordes, la basse électrique gonflée tracent des lignes qui propulsent Beth Orton hors de son orbite, pour nous donner de beaux refrains tels que sur Anywhere, chanson bossa-nova que l'on croirait produite à Chicago, avec un big band en bordure. Rien ne parvient à terrasser cette voix au moment où elle cherche le plus à s'affirmer. Paris Train est une autre réussite, avec ce piano porteur de mouvement, quelques notes entêtantes. L'orchestration, avec cornet lointain et voix pleine d'écho, est enivrante comme un premier voyage. 

Il est certain qu'elle a voulu en faire un album plus gros, capitalisant sur les promesses distillées par les deux premiers, quitte à développer un art de la dissimulation, qui scintille de mille feux à la fin de Mount Washington. Cette chanson de plus de six minutes a beaucoup fait finalement, pour présenter l'humeur sombre de l'album. 

vendredi 8 janvier 2016

DAUGHTER - Not To Disappear (2016)






OO
sensible, pénétrant
indie-rock

La nature nous entourant est lumineuse, bien plus que nous. Il suffit d'imaginer que nos morts sont réincarnés dans n'importe quel détail, végétal ou animal, de cet écrin à l'imagination infinie, pour ne plus éprouver de chagrin. C'est en écoutant le trio britannique indie rock Daughter qu'on peut avoir une telle sensation. Elena Tonra sait comment insuffler mille grâces à ses chansons, façonner des cycles qui imitent la nature, dépeindre la disparition comme décadence des esprits, des corps, des sentiments. La vidéo pour Doing the Right Thing nous présente ainsi Harry et Bella, un couple âgé confronté à l'oubli. Mais dans les dernières secondes, on réalise que la chanson, plutôt que d'évoquer une situation qui existerait, recrée, de façon magistrale, ce qui provoque notre empathie, notre compréhension des personnages, et les happe dans son propre système. Tonra a toujours une longueur d'avance sur n'importe qui d'autre en termes d'acuité mordante rendue à l'état de musique, elle sait impliquer l'auditeur, le guider et surprendre. C'est un peu le cinéma de Michael Haneke à l'état de chanson.

jeudi 29 octobre 2015

KONTIKI SUITE - The Greatest Show on Earth (2015)



O
lyrique, hypnotique
indie rock, psychédélique

Cette musique venue de Carlisle, dans l’Angleterre les méandres de l'Eden river, conjure toute la substance des Byrds, de Buffalo Springfield et de ces groupes des années 70, bien sûr, mais sérieusement revue à travers le pop-rock plus nette d'un groupe plus récent, le Teenage Fanclub. Derrière leurs qualités d'impeccables multi-instrumentistes, ces six garçons savent rester mystérieux aux entournures - une pochette pleine de fantaisie onirique et un titre, 'le plus grand spectacle du monde', qui laisse dans l'expectative. Pas vraient de surprise, au fond ; ils continuent dans la lignée du très séduisant On Sunset Lake

Ils se placent entre la libération charnelle des premières années psychédéliques et le romantisme anglais des Smiths. La voix du chanteur, quant à elle, évoque sérieusement celle de Jeremy Earl, de Woods, groupe qui officie dans la même chapelle de psychédélisme doux mais lancinant et chargé d'amour. On aime les guitares s'élevant dans la brume diaphane quand elles sont matinées d'harmonica, de mellotron (Years Roll On), et les pedal steel qui renvoie à la country anglaise de Richard Hawley. Evidemment, avec la petite voix de Benjamin Singh, ils privilégient la substance sur le style, courent la distance avec ce qu'ils ont et nous y font revenir à chaque fois plus désirants.

http://kontikisuite.bandcamp.com/album/the-greatest-show-on-earth

dimanche 27 septembre 2015

RICHARD HAWLEY - Hollow Meadows (2015)







OO
vintage, romantique, lucide
Country anglaise, crooner



On a presque peur, avec Hawley, que la formule change. Au moment de sortir son huitième album, pourtant, il semble retourner, au contraire, aux vibrations les plus dépouillées et nourricières. On craint toujours qu'il veuille expérimenter et s'éloigner des sons si rétrospectifs qui habitent sa musique. Depuis l'utilisation d'un armonica de verre (sans 'h') sur As The Dawn Breaks, on recherche dans sa musique le pouvoir révélateur de cet oxyde de silicium, éclaté et éclairé de mille teintes comme ici. Hawley comme la libellule noire d'un livre qui sublime les couleurs de l'étang.


On veut le retrouver sans franchement être surpris, admirer sa collection de guitares (il en utilise une vingtaine sur cet album). Truelove's Gutter (2009) était son meilleur album. Sur Hollow Meadows, on croirait entendre parfois un Willie Nelson anglais, tant le crooner emprunte à une country posée à plat (la guitare slide de Martin Simpson sur Long Time Down...), tranquillisante et pourtant sombre.


Outre un beau cycle de ballades romantiques et nocturnes, le clou de l'album ce sont les arrangements, forts en torpeur omnisciente. ils illustrent exactement l'idée d'une traversée du territoire de Hollow Meadows - ou Auley Meadows, une terre aux environs de Sheffield à laquelle la famille Hawley est liée corps et âme, et a peut-être donné le nom - par ce parangon du crépuscule. Nothing Like a Friend et Welcome the Sun nous emportent loin. L'ampleur de la première est dosée par la basse Rhem Kee de Jarvis Cocker. L'mour pour les instruments de musique est parfaitement audible, encore une fois, et c'est pour cette raison que l'album fait bien de rester simple. Heart of Oak, la chanson la plus entêtante (et la mieux chantée ? ) placée en avant dernière position, permet de rester avec cet air protecteur dans la tête. "Can't be bough or sold this heart of oak"...

mardi 1 septembre 2015

La semaine psychédélique (4) - TREMBLING BELLS - The Sovereign Self (2015)








OO
envoûtant, lyrique
Psychédélique, folk-rock

Des roulements de tomes, des mélodies circulaires de guitare et de synthétiseurs fiévreux et chamaniques, des inventions sonores dans le magma électrique des guitares et la stridence du saxophone, des références à Lou Reed et aux tragédies grecques (c'est ce que promettait la pochette). Des chansons architecturées et envoûtantes comme une plongée baroque dans mille et une nuits britanniques. 

Ils évoquent parfois Yes et The Incredible Sring Band sans jamais approcher le stéréotype, gardant un panache décoiffant même dans leur numéro le plus pittoresque, The Singing Blood, quand même amené par une mélodie au piano immédiate et et parfaitement percutante. Mais c'est surtout la voix de Lavinia Blackwell qui donne sa valeur au groupe. Il faut écouter les sept minutes de Bells of Burford pour s'en convaincre. Elle a des capacités d'envoûtement qui ont amené des comparaisons avec Siouxie & the Banshees. Leur psychédélisme n'est pas enfermé dans une époque, mais reflète les modernités plus froides et ramassées de la new wave. Les duels de guitare sont puissants, pour se maintenir en ligne avec cette voix qui demande tant de force d'évocation en compensation de sa noirceur. 

lundi 3 août 2015

IDLEWILD - Everything Ever Written (2015)





O
élégant, ludique
Rock alternatif


Michael Stipe (R.E.M.) a eu l’image d’un prêcheur d’un nouveau genre, préférant les jeux de mots, et juste la façon dont les mots sonnent et s’enchaînent plutôt que de délivrer un sermon issu de concepts trop profonds. Pareil pour Roddy Woomble, l’écossais qui chante depuis 1995 chez Idlewild - septième disque avec celui-ci. 1995, quand R.E.M, devenait plus rock. 

Idlewild sonne plutôt américain qu’anglais, on dirait. Un croisement de R.E.M. avec les Foo Fighters. Les riffs se sont assagis par rapport aux rodomontades punk des débuts, et les structures sont devenues telles que l’album est assez difficile à écouter d’une traite. Mais les refrains et certains couplets ont un pouvoir entêtant, il n’y a rien que vous puissiez faire pour vous débarrasser de Nothing i Can Do About It une fois que vous l’avez écoutée. C’est un peu old school si c’est vrai, mais Collect Yourself, la première chanson, est peut-être la meilleure de l’album – elle a un côté dansant, dans ces couplets coincés entre des nappes de guitare saturée, idéales pour une intro spectaculaire. Like a Clown promet dans son titre déjà un grand moment apitoiement, le reflet pop ironique d’un groupe ramolli d’écouter Everybody Hurts au point de jouer acoustique. Ce n’est pas pour la pop de Radium Girl qu’on se souviendra de cet album, mais plutôt pour la folie entretenue dans les parties instrumentales abrasives et épiques, incorporant parfois des cuivres et laissant une forte impression dans un album qui se construit et se déconstruit simultanément. 

C’est possible grâce au talent de Woomble pour ressortir de ces improbables chansons triomphant, aillant arrachés à mains nues quelques phrases bien senties. Utopia arrête le défilement des images fabriquées et dispensées à l’emporte-pièce, c’est une ballade parfaite, qui pourrait vendre un film si elle était chantée par une chanteuse à la mode. Woomble y sonne presque comme Bernard Sumner essayant de rendre hommage à Ian Curtis dans un hypothétique biopic déchirant.

lundi 20 juillet 2015

JACK BROADBENT - Along the Trail of Tears (2015)










O
Intimiste, fait main
Blues, acoustique, folk 


Si vous écoutez Jack Broadbent sur You Tube, il a fort à parier que vous tomberez sur un vidéo (sa reprise rutilante à la guitare slide de On the Road Gain, par exemple) où il est musicien de rue, vagabond, et ou son blues si précis et entêtant est rythmé par le bruit des pièces que les gens laissent tomber dans son étui à guitare, de plus en plus enthousiastes au fil des minutes. On the Road Again est clairement l'un des morceaux qu'il a le plus joués, jusqu'à l'extase et jusqu'au délire, et musicalement ça s'entend, dans une version pourtant bien plus courte sur le disque. 

La voix de Broadbent, un hobo britannique, n'a pas la puissance qui conviendrait, mais au fil de cet album il porte sans trop en faire la chanson blues à un certain paroxysme, son propre nirvana. Au milieu de l'album, l'endurante Don't Be Lonesome, la fragile Without You et l'austère People Live in Hell démontrent sa force d'évocation au delà de la révérence. 

Toutes les chansons sont de lui à l'exception de la reprise citée en premier lieu. C'est un blues souvent acoustique, délié mais pas égaré. Un blues qui a l'intelligence existentielle et la foi profonde qui convainc de plus en plus au fil de l'album, quand la pochette pouvait sembler composée. Avec Making my Way, on entre dans la dernière partie de l'album, où plus rien n'est à prouver, où les schémas auraient pu devenir répétitifs, mais ce n'est pas le cas. Parce que Making my Way est chantée avec une résolution irrésistible et qu'on apprécie une bonne fois pour toutes la façon qu'a Broadbent d'utiliser sa guitare aussi comme percussion. Puis vient The Plane Overhead, qui parle de son expérience intérieure avec une musique pleine de souffle, jouée dehors. Quelques harmonies inattendues viennent couronner cette performance enregistrée avec trois fois rien et pourtant hantée. Lorsqu'il l'enregistra, dans un bel été 2014 au coeur du Lincolnshire en Angleterre, il décrivit l'expérience comme un 'heureux accident'. "Ce qui a commencé comme une pièce improvisée a 'décollé' pour ainsi dire, quand un avion est passé au dessus de nous pendant l'enregistrement, donnant à la chanson son identité." Cet aspect improvisé n'est pas sans rappeler Riley Walker, dans un genre plus dépouillé. 
Une artiste très prometteur ! 

mardi 14 juillet 2015

THE BOOM BAND - S./T. (2015)





O
groovy, communicatif
Rock, rythm and blues, soul


Le groupe de blues rock de l'été, avec une dose de soul. Le premier album de ce combo intergénérationnel démarre et se referme avec un hymne chanté à l'unisson, des harmonies que l'on retrouve sur le single Sweet Alberta, tandis que Under the Skin ou Monty's Theme alignent des riffs faits pour ressusciter le triomphe du rock des années 70. We Can Work Together, en ouverture, avait déjà tout donné, il n'y a pas une chanson qui n'approfondisse l'entrechat électrique, avec une mention spéciale pour Paddy Milner, aux claviers. On est bringuebalé entre le sud et l'ouest américain... sauf que nous sommes en Angleterre, et que The Boom band perpétue une tradition de 'supergroupes' tels que Cream. Moonshine puis Waste My Time, mais c'est le travail sur les parties de guitare, successivement jouées par quatre guitaristes distincts, qui est vraiment libérateur et nous transporte jusqu'au bout de l'album. On pense à la façon dont le sudiste Warren Haynes et surtout le californien Robben Ford ont détourné le Rythm and Blues, gonflant la prod' et bodybuildant la joie de jouer au point de la rendre palpable à chaque seconde. 
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