Parution : 1979
Label : Alligator Records
Genre : Boogie-Woogie, Calypso, Ragtime, Rythm & Blues
A écouter : Big Chief, You’re Driving me Crazy, Red Beans, Bald Head, Crawfish Fiesta
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Qualités : frais, groovy, dansant, humourBruce Iglauer, le président d’Alligator Records, évoque avec un attachement certain l’enregistrement de Crawfish Fiesta (1979), le l’ultime album du pianiste mythique de la Nouvelle-Orleans. « J’étais au téléphone avec le manager de Professor Longhair, et j’ai mentionné mon envie d’enregistrer ‘Fess pour Alligator. J’adorais son style de rhumba-blues New-Orleanais excentrique et sa voix sauvage, et il était un de mes musiciens favoris. Je me suis envolé pour la Nouvelle-Orléans et j’ai écouté les masters de ses vieux hits ainsi que de quelques standards R&B de la Crescent City. J’ai fait une offre, et, à mon grand étonnement, elle a été acceptée. Entouré d’amis et se retrouvant dans une situation où il était complètement responsable de ce qu’il faisait, sans doute pour la première fois de sa carrière, Professor Longhair s’est présenté chez Alligator avec, peut-être, le meilleur disque de sa carrière et l’un des meilleurs que le label ait jamais sorti. » La scène s’est déroulée en 1979. Il avait enregistré une flopée de titres mais Crawfish Fiesta était son seul disque complet. « Il n’avait jamais été autant satisfait avec quoi que ce soit d’autre qu’il ait enregistré », raconte Andy Kaslow, qui coproduisit les sessions. « Tout fut parfait. Il avait hâte que le disque sorte ». Malheureusement, avant cette date, Longhair, fragilisé, mourrait de problèmes cardiaques à l’âge de 62 ans.
Crawfish Fiesta se démarque des autres enregistrements par la qualité de ses arrangements de sa production digne. Mais plus encore, c’est la sensation que Longhair, guidé par l’esprit supérieur de l’euphorie et du jeu, n’a rien perdu de son mordant et peut encore rivaliser de génie et de personnalité avec tous ceux qui sont arrivés après lui, tout en interprétant ses propres titres. Crawfish Fiesta est encore un nouveau départ ; un processus non seulement lié à son retour en forme quelques mois auparavant, mais à la tradition musicale du cru qui veut que les chansons plébiscitées continuent d’évoluer au travers d’enregistrements ultérieurs, comme l’a fait Mac Rebennack (ici producteur associé et guitariste) avec Dr John’s Gumbo (1972) par exemple. S’il manque sur Crawfish Fiesta quelques-uns des ses grands succès, on y retrouve une version irrésistible de Bald Head, le premier morceau qu’il ait jamais enregistré en 1949 – et celui qui a le mieux marché - à la fin des années 40.
Un bon disque de Professor Longhair, c’est le piano qui prend vie sous son jeu d’alchimiste, dans un style rythmé et chaloupé. Sa voix oscille entre plainte fêlée couplée d’un ton de crooner séduisant, ou la meilleure imitation qu’il puisse en faire ; ambiance dansante ininterrompue de bout en bout dans des rythmes originaux (Her Mind is Gone). La place du piano est prépondérante ; c’est l’âme de la musique de Longhair, et sur Crawfish Fiesta le concept est poussé jusqu’au final – le morceau-titre est une véritable petit étude de fête, un joyau et l’épitaphe d’une carrière très personnelle. Longhair a toujours cette inclination à se mettre dans la peau du public qu’il va distraire. Les textes sont largement à la hauteur : « I remember when i got married/I tried to settle down/but the women that I took for my wife/she took me for a clown” sur Her Mind is Gone.
Il donne le maximum, et dans des conditions dignes d’un grand chef. Maître de cérémonie, clairement à l’honneur sur Crawfish Fiesta, il parvient en douze titres remarquablement reconstruits à couvrir l’ensemble de ce à quoi il a prétendu sans le chercher au cours de sa carrière. C’est un aboutissement, en toute simplicité. On commence avec l’excellente nouvelle version de Big Chief, l’un de ses morceaux favoris, sur lequel il est accompagné de Earl King (à l’origine du morceau) et de Dr John. En concert, c’est presque huit minutes de boogie à quatre mains. Longhair introduit seul une poignée de titres, dévoilant plus clairement ses intentions à ce que les titres prennent vie ; You’re Driving me Crazy, It’s the Wee Wee Hours ou Red Beans ont le coup d’envoi dans les cordes. A partir de là, vingt ans ont passé mais le boogie est toujours bondissant et frais de bout en bout, jusqu’à ce Whole Whotta Lovin’ dont la voix délirante nous ramène au début du parcours de Longhair.
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