“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

mardi 8 février 2011

DESTROYER - Kaputt (2011)


OO
Synth pop, rock alternatif
soigné, original, sensuel

Ceux qui connaissent déjà Destroyer, le groupe de Vancouver surtout incarné par le songwriter et chanteur Dan Bejar, attendaient avec impatience l’album qui devait donner suite à l’EP Bay of Pigs (2009). Ils l’ont enfin posé fin janvier sur leur platine avec la confiance quasi-aveugle que ce groupe unique peut susciter. Même les auditeurs chevronnés constateront que Kaputt est différent ; du travail précédent de Bejar et de tout le reste. Au premier abord, s’il reflète quelque chose qui a existé, c’est éventuellement quelques expériences intello fondues dans un monde kitsch et qui auraient existé entre 1977 et 1984. Mais il se peut que tous ceux à qui Bejar s’amuse à faire allusion, dans ses interviews et au travers d’habiles clins d’oeil artistiques et boutades temporelles, musicales ou lyriques, n’aient été pour le plus gros qu’un fantasme, les restes d’une musique vidée de son sens, voire un simple fond sonore pour ébats amoureux, comme Miles Davis circa 1980. Qu’il ait produit d’excellentes choses ou pas à cette période n’est pas le point ; c’est ce que l’imaginaire collectif a pu en tirer, à une époque plus physique qu’intellectuelle, qui compte.

Kaputt nous laisse un moment dans le doute ; presque surpris d’être sollicité à ce point par ce qu’on entend, on se demande distraitement ce que l’on pourrait en faire. Laisser dériver un certain appétit de sensualité semble y être la réaction la plus naturelle. Les trompettes et saxophones réverbérés, qui frémissent à la fin de chaque phrase, donnent à Kaputt un côté charnel décisif. Ce qui devrait rapidement chasser toute sensation désagréable liée au souvenir de certaines pratiques de production qui ont ruiné les musiques « nobles », telles le jazz, dans les années 80. Kaputt contient ce genre de pratiques et demande dans un premier temps une confiance que les familiers de Bejar – pour certains, il s’agit d’un véritable génie – lui accordent depuis longtemps.

Kaputt commence à vous adoucir et à instiller son pouvoir de sagesse lorsque vous trouvez votre manière à vous de l’adresser. En réalité, le disque ne vous laisse que l’illusion d’avoir le champ libre ; car le plus grand atout de Destroyer, c’est de se donner un genre, une forme racée et séduisante sans marteler aucun gimmick. L’initiation prend sa source dans la voix de Bejar, plutôt narrateur que chanteur, relaxé et concentré sur un objectif qui se révèlera aussi primal qu’intellectuel ; susciter la fascination. Connu pour son humour kaléidoscopique, pour la profusion des références qu’il met en place au monde intérieur et extérieur à ses œuvres, il peut être concis et généreux à la fois, assemblant un patchwork élégant et parfois retords de réflexions d’ex-playboy style Brian Ferry. Il reconnaît que la vie ne manque pas d’allure, mais en laisse aussi saillir les futilités. Ce n’est pas un hasard si Chinatown, le premier titre du disque, s’ouvre sur ces lignes : "Wasting your days chasing some girls, alright/ Chasing cocaine through the backrooms of the world all night". Kaputt ne sent pas le stupre pour autant. Vous plongez dans les méandres d’un monde qui, s’il n’est hilarant que pour les anglophones capables de saisir lorsqu’elles se présentent toutes les blagues internes, laisse au moins admiratif. Du fond de sa plastique irréprochable faite de cuivres, de guitares, d’éléments électroniques perdus dans le temps et entrelacés, Kaputt finit par vous transformer en un genre de voyeur ; vous ne demandiez même pas d’en percevoir autant.

Si Kaputt est considéré après 16 ans de carrière du groupe Destroyer, comme leur chef-d’œuvre, et celui de Dan Bejar en particulier, c’est que les textes ont demandé encore davantage de travail qu’à leur habitude. Rien de commun ici avec la plupart des groupes de rock sur le marché. Destroyer continue d’explorer une psyché connue de lui seul, difficile à détailler, et qui doit ressembler au moment de Kaputt à une carte dont les ramifications finissent enfin par créer un dessin. Ce n’est par obligatoirement un motif complexe ; mais il symbolise énormément pour Bejar et il sait nous le faire comprendre tout en restant le plus cool du monde. Il suffit de savoir que, comme toute grande pièce d’art, Kaputt contient des moments consacrés à l’amour ; et d’autres dédiés à la mort. Suicide Demo For Kara Walker, une pièce de huit minutes évoluant entre jazz progressif et kitsch nostalgique sur basse fretless, est le fruit d’un échange avec, justement, Kara Walker, une artiste dont le travail interroge l’histoire ethnique des Etats Unis. De Chinatown à Song for America, les Etats Unis semblent  être le clou géographique de la carte psychique Destroyer, traduit au-delà de l'idolâtrie une simple passion des gens. Pour illuminer encore un peu plus le disque de passion, il y a la chanteuse canadienne Sibel Trasher. En duo sur Downtown, le résultat est charmant dans ses nappes d’anciens sons. Les harmonies et les ambiances magnifiques traversant l’ensemble ont tendance à nous réconcilier avec la malice de ce disque. Qu’il nous ait laissé projeter nos propres visions de l’esprit, rêver pour nous-mêmes – la présence du fameux Bay of Pigs et ses onze minutes d’apesanteur tragique en final - pour ensuite nous rappeler au bon souvenir d’un Dan Bejar presque caustique, on lui pardonne. On dirait avoir expérimenté deux niveaux de conscience. Un disque avec pour seul concept l’intelligence.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...