Voir aussi la chronique de Romance is Boring (2010)
Le premier disque de ce club des sept décidément vraiment plus excitants qu’ils en ont l’air. Ils ont vraiment l’air trop sages et propres sur eux pour être aussi passionnés, et investir autant de temps et d’argent dans un produit qui n’a vraisemblablement pas été vendu par caisses.
Ce sont avant tout de pétillants amateurs de musique, qui se sont trouvés une philosophie loin des clichés des classes moyennes – ce sont de vrais débrouillards. Des fannas de musique donc, des Ramones à Pavement en passant par Arcade Fire, et ils se laissaient produire par Dave Newfeld de Broken Social Scene (un genre de référence pour toute entité approchant au dépassant dix membres).
Ce qui est amusant avec Los Campesinos, c’est de voir comment ils fêtent en groupe un individualisme triomphant. Ils partagent dans des vignettes pleines d’humour leur obsession du regard des autres autant que leurs efforts pour s’en détacher. Statuant comme d’autres que l’important ce n’est pas ce qu’on est, mais ce qu’on aime, ils multiplient les preuves de leur dévotion à quantité de possessions anodines, et leurs aveux concernant des explorations interminables d’internet et ce qu’ils en tirent. Ils rendent une certaines superbe à la déambulation moderne de celui qui tue le temps, à tous les savoirs inutiles, à toutes ce heures passées à mouliner inutilement, tout en cherchant au fond de soi-même quelque grand projet auquel on voudrait donner une existence.
En fait, Gareth – le chanteur et parolier du groupe - et Aleksandra ont tellement de débit qu’il est difficile de ne pas mélanger ce qu’ils ont dit dans un morceau avec ce qu’ils racontent dans un autre – et parfois, des bribes de phrases sembleront même issues d’un fanzine que vous avez lu ou d’un film – penser High Fidelity par exemple, ici il est question du Breakfast Club. Les Campesinos ont des connections de partout, explosent le réseau social d’un manière agaçante – évoquant leur propre fan-club et faisant décidément bien dégouliner leur approche mixte de fin de soirée en créant cette foire de sons et de voix qui semblent s’interpeller d’un côté à l’autre de la table autour de laquelle ils inaugurent leur plan apéro. Tout ça pour se justifier de faire ce qu’ils font, de prendre les libertés qu’ils prennent ; bref d’être entendus par nous. Heureusement, le pathétique de leur situation ne leur échappe pas, et le simple fait d’étaler au grand jour leurs liaisons superficielles et leurs petites manigances pseudo-sociales, les fait péter les plombs, à un moment donné. Tout ce qu’il y a de pathétique dans nos comportements envers les autres rejaillit dans la musique des Campesinos, entre deux salves de guitares éméchées ou quelques notes de xylophone immature.
Leur action en bande leur donne le rôle de modérateurs auprès de qui trouver la confiance nécessaire à la réalisation de ses propres idées, quelles qu’elle soient et d’où qu’elles viennent. Ils ont véritablement le pouvoir de vous ouvrir l’esprit, de vous faire voir les choses sous un nouveau jour. Ils semblent occuper le créneau de ces jeunes assez aisés qui ont trop d’idées en tête pour choisir une voie plus tranquille – ils sortent de l’Université de Cardiff - et savent trouver la folie nécessaire pour faire fonctionner leurs petits fantasmes. Ils se poussent entre eux, se stimulent autour de Gareth. Et Gareth, très conscient de l’improbabilité de leur succès, semble chercher à se purifier de ces images et idées adolescentes, de ces références captées au gré de journées étranges pendant lesquelles tout ce avec quoi vous entrez en contact devient particulier. Vivre le groupe leur permet d’expérimenter ce qui est de l’ordre de la sphère personnelle, les confessions, et ce qui est dit pour les autres. Toute le problème est de ne pas se marcher sur les pieds… et tous s’avèrent de piètres danseurs sur You ! Me ! Dancing, un morceau très drôle où ils font preuve de timidité. Parler autant, pour Gareth, c’est aussi l’occasion de dire les choses de manière détournée mais concrète, ne brouillant pas les pistes mais leur donnant plutôt la saveur de petits instants vécus, d’entrechoquer les sentiments – on est dans un territoire où les sentiments, les perceptions priment.
La musique appuie cette approche presque spontanée. Tout part le plus souvent d’une idée musicale, quelques notes de guitare jouées rapidement par Tom et reprises par tout le monde d’un manière proche de ce style orchestral que l’on a découvert avec Arcade Fire. En privilégiant la dynamique et l'entêtement plutôt qu’une veine dramatique comme le groupe canadien, ils reproduisent la candeur et la naïveté qui nous interpelle dans leurs textes.
Label : Wichita
Producteur : David Newfield
Genre : Indie-rock, pop
A écouter : You!, Me! Dancing, Death to Los Campesinos, Don't Tell Me to Do The Maths
Note : 7.25/10
Qualités : intense, frais, communicatif
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