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lundi 7 juin 2010

Pavement - The Pavement Tapes

Par Alex Ross. Traduction.

Au moins un long et sinueux chemin vers l'enfer est pavé de l'interprétation de paroles de rock. Écrire sur le sujet a tendance à tomber à plat parce que les paroles font moins de sens lorsqu’on les décortique. Les mots sont flous et courbés par la musique qui tourbillonne autour d'eux. "Une chanson n'existe pas pour amener le sens de ses paroles", a écrit le critique Simon Frith. «C’est plutôt les mots qui existent pour amener le sens de la chanson."

Un psychologue de Cambridge a constaté que si un chanteur change délibérément les paroles ordinaires de sa chanson en syllabes sans signification, seules quelques personnes entendent la différence. Tout chanteur qui a subi un trou de mémoire peut confirmer cette observation. Lorsque les chanteurs écrivent les chansons eux-mêmes, une proportion de paroles obscures apparait naturellement ; les mêmes syllabes insensées qui sauvent des trous de mémoires peuvent se retrouver écrites pour une chanson. Dans tous les cas, le rock aime le non-sens, et il a évolué sur de nouveaux dialectes, au-delà de ceux du langage quotidien.

Il y un non-sens joyeux, vacant («doo-wah-diddy", " Gabba Gabba Hey"), erratique et obscur ("I Am the Walrus", "Here Comes the Jarm Jets»), et l'absurdité qui déclare la guerre à la réalité ( «Le soleil n'est pas jaune, c'est du poulet").

Le non-sens crée plusieurs significations possibles. Parfois, il n'y a vraiment rien : des syllabes aléatoires sont choisies parce qu’elles bondissent en rythme, et les mots sont utilisés comme un son. Par exemple, le mystérieux refrain entendu dans « Sad-Eyed Lady of the Lowlands »-« My warehouse eyes, my Arabian drums »-semble être une excuse pour une cascade de voyelles longues, inséparable du glissement superbe de la mélodie.

Les chansons de rock ont tendance à être écrites à l’envers, avec les règles des anciennes productions Tde Tin Pan Alley ; un riff de guitare dicte la forme des mots à venir. Et comme la voix rivalise avec les guitares, les paroles peuvent n’être que quelques phrases fortes envoyées comme repère au public à travers le flou.

Michael Stipe, de REM, dont les paroles ont posé des problèmes aux fans qui les écoutaient de trop près, collent des mots dans des structures qui sont déjà à moitié faites par Peter Buck et le reste du groupe : souvent il relie entre elles des phrases sonores qu'il a recueilli ici et là.

Le syndrome des interprétations de paroles rock commence sur les disques. En écoutant le disque, les fans cherchent des détails qui disparaissent en live, ils ajoutent aussi des mots de leur propre invention. (En 1965, l’avertissement obscur de Bob Dylan quant à un clochard "mystery tramp…not selling alibis " a été entendu comme « mystery trend», et un groupe de San Francisco s’est baptisé de ce nom. Les artistes rock ont perfectionné un dosage savant ; une chanson dégage un message parfaitement clair d’amour et de perte ; une autre fait des méandres.

Les énigmes du meilleur rock font écho à des traces sinistres de ce que le critique Greil Marcus appelle «The old, weird america" Dans son livre Invisible Republic : Bob Dylan’s Basement Tapes, l’enquête de Marcus sur les origines des chansons étranges que Dylan a enregistré avec The Band en 1967. L’un de ses exemples sont ces paroles chantées par Clarence Ashley : « Gonna build me a log cabin on a mountain so high/So i can see Willie when he goes on by.” . C'est un de ces paroles familières en apparence quoi deviennent étranges la deuxième fois. Pourquoi une cabane en rondins? Qui est Willie? Vous voyez une scène diabolique se profiler sans savoir quand ça a commencé.

Aucun groupe n’est devenu consistant sans faire quelque chose d’exceptionnel avec les paroles de ses chansons. Et la plupart des groupes qui parviennent à la renommée jouent autour de non-dits. Mais le non-sens est un jeu délicat auprès du public ; on risque l’incompréhension, et aussi la compréhension. Après un million de tours du disque sur la platine, les fans peuvent décider que les mystères ont en réalité des dénouements bien ternes. Lorsque la machine commerciale musicale est si mortellement rapide à étiquetter et à emballer n’importe quelle chgose spontanée étrange ou inexplicable, il n'est pas surprenant qu'un groupe très doué des années 90 soit allé plus loin sur la montagne du non-sens que tous l’avaient fait avant lui. Quel genre de rock stars pouvaient aller chanter sur MTV: «Je suis une île d'une si grande complexité"?

Des enregistrements vinyle mystérieux marqués Pavement commencèrent à se montrer dans quelques magasins marginaux, stations de radio et magazines à la fin des années quatre-vingt. Pavement était à l’évidence le nom d’un groupe de Stockton, en Californie ; rien d'autre n’était connu. Les fanatiques de musique collégiaux et post-collégiaux ont été fascinés par tous les attributs de la promotion de fortune du groupe : le nom dur et énigmatique, les pochettes de disques à la Anselm Kiefer, le son…

La musique empruntait aux textures denses et dissonnantes qui étaient à la mode dans le rock underground des années 80, avant de prendre son envol en mélodies majestueuses de la banlieue chauffée au soleil et en redéfinition de la musique populaire.

Une voix monocorde chantait des paroles qui évoquaient parfois le mécontentement des marges mais dérivait le plus souvent vers l'abstraction inanalysable. "Life is a forklift. Now my mouth is a forklift. This i ask, that you serve as a forklift too. » . Qu'est-ce que cela signifie? Personne n’en avait la moindre idée. C'était la beauté de la chose. Pavement était crédité à «SM, Spiral Stairs, et G. Young" ; cela ressemblait à une sorte de culte dadaïste dangereux.

Quand le groupe fait sa première tournée de la côte Est américaine, en 1991, je suis allé, accompagné d’une foule d'obscurantistes indie-rock, découvrir qui SM, Spiral Stairs, et G. Young pouvaient être. Un de mes amis avait entendu dire que Gary Young était un génie solitaire qui avait engagé des adolescents pour jouer ses compositions rock. Nous avons bien cherché ce génie, mais seulement vu un batteur hippie ivre qui jetait des choux dans le public et tappait de tous les côtés. Les gars Californiens avec les patronymes ce sont avérés êtres les véritables agents de Pavement. Ils étaient évidemment très heureux du brouhaha qu'ils avaient créé, mais refusèrent de jouer quoi que ce soit comme sur les disques. Grâce notamment à Gary, ils ont essentiellement assassiné leurs chansons. L'effet était amusant mais aussi plein de défiance ; le groupe semblait vouloir faire fuir son audience.

Pavement est entré en scène au cours de la hype "grunge" qui a suivi le succès de Nirvana; de grands labels ont signé n’importe quel groupe à guitare. Pavement a décliné les offres où il aurait pu gagner beaucoup d'argent et est resté fidèle au label indépendant Matador. De là où ils étaient, ils ont commencé à railler les groupes plus gros qu’eux, et à alimenter la presse en gibier. Plusieurs magazines imprimèrent une histoire à propos d’auditions de Pavement pour apparaître dans Beverly Hills 90210 et se bagarrer avec l’idole des jeunes, Jason Priestley ce qui était un canular.

Scott Kannberg, le guitariste rythmique du groupe et manager, continua à se fair appeler Spiral Stairs. Stephen Malkmus, le chanteur et lead guitariste, fut invité à expliquer les paroles de ses chansons et les rendit deux fois plus obscures. (Pavement eu un petit hit en 1994 avec la chanson Cut Your Hair, qui semblait moquer le rock business en mettant l'accent sur "career , career" Malkmus insistait et disait à un critique qu’il chantait en réalité « Korea, Korea », et qu’il prévoyait un conflit nucléaire avec ce pays.)

Au cours de ses dernières années, Pavement relâcha l’effort sur ses provocations. Gary s’en alla, Steve West le remplaça, avec Bob Nastanovich qui commutait entre percussions et fonds sonores. Mark Ibold jouait des lignes de basse athlétiques. Les trois guitares s’en allaientdans trois directions puis s’entrecroisaient en ballet. Sur quatre albums, le son de Pavement est devenu plus mélodieux et ludique, c’est une croisière à travers trente années de l'histoire du rock en errant dans la country et le jazz.

Son dernier album, Brighten the Corners, a été produit par Bryce Goggin et Mitch Easter, et le son est inhabituellement croustillant. Les performances lives sont devenues plus cohérentes et plus extraverties. Les critiques rock les adorent ; les romanciers indisciplinés comme Dennis Cooper et Bret Easton Ellis les admirent ; les cultistes les cataloguent sur Internet. Pourtant, Pavement a encore un profil relativement bas commercialement parlant. La question toujours suspendue au-dessus de ce groupe est de savoir si il devrait être «plus gros», et, et ce n’est pas un hasard, si les paroles devraient être plus simples.

Malkmus écrit la plupart des non-sens sublimes qui donnent son aura de génies fainéants Pavement. Il a environ trente ans et ressemble un peu à Kyle MacLachlan dans Blue Velvet. Je ne le connais pas, mais je connais des gens qui lui ressemblent, des personnes qui sont remarquablement intelligentes, mais se font un point d’honneur à éviter les cheminements de carrière qui récompensent l’intelligence de manière formelle. Malkmus a choisi une ligne de conduite dans laquelle l'intelligence peut devenir un handicap. Les chanteurs sont censés être nébuleux et vides, comme Liam Gallagher d’Oasis. Malkmus écrit des chansons rock de renfermant histoire et poésie en elles. Il a un don pour faire des phrases qui sonnent commeles vers oubliés d’un manifeste manquants ou des slogans destinés à un mouvement qui n’existe pas encore «The South gets what the North delivers», « Between here and the is better than either here or there ». "Praise the grammar police » Mais aucune phrase ne se connecte vraiment avec une autre, et les petits discours de Malkmus sont tour à tour cryptiques ou comiques. Tandis que Beck ou Michael Stipe, enter autres, jouent aussi le jeu de l’association libre, Malkmus est à part du fait de son choix particulier pour des mots irréguliers et pour la cohérence folle de sa méthode. Comme d’autres auteurs compositeurs travaillent à des concept albums, lui rechigne même à écrire une chanson avec un thème.

Malkmus a trouvé sa voix comme un auteur-compositeur dans Summer Babe, la première piste de l'album Slanted and Enchanted en 1992. Cette chanson a exactement le son classique et fanfarron que le titre vous fait attendre: la guitare de Kannberg en avant, la voix de Malkmus en cadence qui accélère et ralentit, tout le monde s’amuse. C'est tellement remué que les mots se remarquent à peine: c’est à propos de l’attente d’une Summer Babe. Écoutez à nouveau, vous trouverez que les clichés que vous pensez avoir entendu ne sont pas là. "She waits there in the levee wash, mixing cocktails with a plastic-typed cigar », chante Malkmus. "Minerals, ice deposits daily drop off your first shiny robe… You’re vmy Summer Babe.” Votre chanson de rock classique a été détournée par les surréalistes.

Malkmus la chante avec tant de passion fraîche que les paroles irrationelles s’écoulent quelque part avec la même nostalgie que les paroles conventionelles qu’elle ont remplacé.

Malgré sa beauté de surface, Brighten the Corners est encore plus maniaque dans ses jeux d'esprit. La voix Malkmus est enregistrée de près, et dans plusieurs chansons, il chante et parle à parts égales, dans un style qui se situe quelque part entre rap jazzy et blues parlé.

Sur Brighten the Corners, vous ne pouvez pas négliger le fait que la première piste, Stereo, commence par les mots incompréhensibles « Pigs they tend to wiggle when then walk, the infrastructure rotsand the owner hate the jocks, with their agents and theirs dates. » Quelques instants plus tard, le sujet, pour ainsi dire, est passé falsetto du chanteur de Rush:« What about the voice of Geddy lee ? How did it get so high ? I wonder if he speaks like an ordinary guy ? Un autre membre du groupe s’exclame : « Je le connais, et il le fait ! » Malkmus répond :« bien, tu es mon vérificateur" L'idée qu'une telle chanson pourrait avoir son propre service de vérification est la meilleure blague de Pavement depuis le canular Jason Priestley. Stereo culmine dans le refrain délirant : « Listen to Me ! I’m on Stereo ! Stereo ! » Entendue à la radio, la chanson semble célébrer son arrivée inattendue à cet endroit, sur les ailes de non-sens.


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