Parution : 2010
Label : Bicycle Records
Genre : Folk
Pochette : Sean Carson, Amy Thomas
A écouter : Our Friends, Tinnitus, Roll on Columbia (part2)
Qualités : sensible, lucide, poignant
"Cascadia is a dream. Before America, before the explorers came and renamed all of the mountains and the rivers. Borders were formed by communities, and histories were written in the heart."
En mai 2010, le groupe June Madrona, basé à Olympia dans l’état de Washington, étaient de passage à Toulouse. Invités par leur maison de disques Waterhouse records en association avec What a Mess records, ils ont fait quelques dates en France dans le cadre d’une tournée européenne. Ils devaient jouer à la médiathèque associative des Musicophages avant de partir pour une semaine de dates en Espagne. June Madrona est constitué de Sean Carson (banjo, ukele bariton, xylophone, chant), Danielle Chiero (Flute, chant, melodica, ukelele tenor), Ross Cowman (guitare, chant, tambourin), Molly McDermott (violoncelle, chant).
Cowman est à l’origine, sur Olympia, d’un petit label, Bicycle records, qui semble agir comme une grande famille. Et quand cette bande de copains partent sur la route pour présenter leur nouveau disque, Lions of Cascadia, c’est aussi à une famille qu’ils ressemblent.
Capables d’évoquer les plus fins détails d’existences ordinaires, faites de drames et de tabous à travers lesquels peuvent filtrer une joie fugitive. « All my friends keep moving away[…]” Et le refrain : “ Moving around to some other damn town » sur The Western Flight. La mélodie est caresse, et, tandis qu’une flûte ouvre le morceau et le disque, le banjo, qui semble être l’élément le plus distinctif du son de June Madrona, fait rapidement son apparition. The Western Flight questionne le fait de quitter sa terre d’adoption, et nous laisse aussitôt pantois devant tant d’immensité – pour nous autres français, il est bien difficile d’imaginer ce que c’est que de vivre dans un pays grand comme l’Europe. Il y a d’un côté Olympia, Seattle et l’état de Washington, berceau du grunge à la frontière du Canada. Depuis les villes bien reconnues par les quatre musiciens, les forêts et les paysages qui leur appartiennent, tout est un voyage, tout devient histoires de pertes et de retrouvailles. Les gens que l’on quitte se transforment, tandis que l’on tente tant bien que mal de préserver le noyau dur de notre affection. On empêcherait presque de partir ceux qui seront à jamais transformés, voire ne reviendront pas du tout. « one flew back home to L.A. /I just heard she died on the freeway. » “If you don’t listen to your heart, you will disappear.” Ainsi, les liens que l’on a avec ses origines doivent êtres brisés ; quand il n’y a pas de raison de rentrer chez soi, et que cela peut être un retour en arrière, voire une disparition. Il y a à la fois une nostalgie aux paroles de Cowman, et l’exortation à aller de l’avant, à laisser tomber les chez-soi si nous n’avons rien à y chercher.
« My uncle was a chain gun loader/teenage kid fighting over in Korea"…. L’écriture est très riche, pleine d’images vécues, d’observations vraies. Cela oblige parfois Cowman à parler, à édicter, et sa voix forte et claire se prête très bien à donner vie à son écriture. Les couplets sont denses et les refrains plutôt constitués d’une phrase, comme le manifeste d’un sentiment unique et amplifié.
Le jeu de Sean Carson, au banjo, permet de ponctuer les histoires, de leur donner cet aspect « out there » très attrayant. Ils nous que les musiciens sont là, tous prêts alors que nous écoutons Lions of Cascadia, comme le soir du concert. Tinitus a une joie immédiate, provoquée par le banjo, qui fait écho à la sentence « all these dark and smoke-filled nights we gave up to feel alive » ... Sur Roll on Columbia (part 2), le violoncelle nous emporte encore un peu plus loin. « They built the coolie dam in ’33, 81 men died for all that concrete ». June Madrona embrasse les histoires sans se limiter à celles d’aujourd’hui, mais en trouvant au contraire, quelque plaisir à revisiter les déboires d’autres générations que la sienne. Cela leur donne, à l’heure où les groupes se banalisent à garder une seule dimension dans le présent, plusieurs épaisseurs. A l’instar de la pochette (signée Sean Carson) énigmatique, ils veulent plutôt retrouver un signe, un schéma , et se donner vie en regardant à travers. Pouvoir, d’un seul mouvement, se donner foi et trouver un endroit bien à eux, tandis que leur jeu précis – ce banjo sur Our Friends ! - les transportent d’évocations sincères en drames volés, toujours sincères. C’est le pouvoir de tout vivre à travers la musique, les chansons.
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