Parution |
septembre 2011
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Label |
Virgin
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Genre | Auteur, folk |
A écouter |
The Muse, The Beast, NIght After NIght
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° | |
Qualités | Féminin, doux-amer, intimiste ,ambigu |
A Creature I Don’t Know explore ainsi de nouveaux territoires, tout en revisitant certains des endroits familiers à la jeune blondeur anglaise.
Son émancipation prend des tours symboliques lorsque Marling monte sur la scène du festival de Glastonbury devant 20 000 personnes au moment de la sortie de ce disque, à l’été 2011. Son parcours fut semé de pareilles surprises, d’actes de bravoure paraissant presque trop grands pour elle, comme le fait d’avoir été nominée Best Female Solo Artist quand elle fit paraître son deuxième album, le déjà remarqué I Speak Because I Can (2009). Avec l’impression de rêver, elle fit une chose nouvelle pour elle ; écouter le disque qu’il l’avait propulsée, par bouche-à-oreille, là où elle se trouvait alors, un peu en deçà de là où elle est aujourd’hui. Comptant Paul Weller ou Neil Young parmi ses admirateurs, et si elle rend la pareille à ce dernier en éprouvant – tout comme son ancien groupe, Mumford & Sons - un mini complexe vis-à-vis d’artistes folk américains forcément plus authentiques, elle est loin de se rattacher à un seul modèle. A la fois Joni Mitchell et Fiona Apple, Led Zeppelin (III) et Léonard Cohen ou Johnny Cash (imaginez seulement Night After Night chantée par l’homme en noir) elle est capable de s’investir dans des archétypes musicaux existants en leur rendant une belle richesse harmonique. C’est ce qui fait le succès d’un morceau tel que Sophia, choisi comme premier simple. Ce serait la rendre trop saisissable que de s’en tenir à ces quelques structures, car l’essence de Marling est plus complexe. « Aucun de mes héros ne sortent de singles. La façon dont les gens sont promus et vendus me rend malade ». Il peut s’avérer vain de chercher en Laura Marling une artiste qui a les pieds sur terre.
Le principal souvenir qu’elle garde de son lieu d’enfance est de n’avoir pas réellement trouvé sa place : « Tout ce que j’aimais était la musique, et écrire, et lire. Et je n’avais pas beaucoup de gens pour partager cela. » Elle a altéré la vérité de sa propre existence, lui a donné un aspect littéraire. Une vérité à la fois déconnectée et en prise avec des drames qui ont réellement eu lieu pour d’autres personnes et, dans un détour de langue, pour elle. Le nom d’une de ses chansons, Salinas, est une référence aux Raisins de la Colère, de John Steinbeck ; un roman qui confine au journalisme, et prompt à inspirer le genre de scénarios sociaux réalistes qui existent au sein des chansons de Marling. Il leur manque seulement d’être palpables.
Très jeune, la chanteuse était déjà fascinée par Joni Mitchell. Cela semble naturel qu’elle s’attèle, à défaut de véritable chaleur humaine, à rechercher sa force dans les évocations de romances sans âge. Peut-être s’interroge t-elle, après plusieurs déconvenues personnelles, de ses raisons, en particulier de ses raisons en tant qu’artiste, à chercher l’amour. The Muse, derrière son canevas de piano et de guitares enlevé, a cette ligne : « Don’t you be scared of me/I’m nothin but the beast/And i’ll call on you when i need to feast ». Elle reconnaît que c’est un genre de blague. Cette chanson en évoque une autre, The Beast, pièce centrale de l’album qui appelle elle-même une troisième chanson. « Calling Sophia goddess of power». Il y a un jeu de faux semblants, de miroirs à l’œuvre, un peu d’un monde fantastique à tiroirs – chose naturelle lorsqu’on se souvient que Marling a beaucoup lu.
Ce genre d’humour complexe, qui positionne Marling comme prédatrice, efface encore davantage la ligne entre ce ce qui la concerne directement et ce qu’elle formule à bonne distance à la manière d’un poème séduisant mais empoisonné. A Creature I Don’t Know est une exploration de désirs et de pertes, sublimement suggérées par Marling, avec une assurance qui la retient souvent d’établir une relation avec l’auditeur ; elle semble tout à la fois intime et distante. Le succès et la sincérité de A Creature I Don’t Know réside dans l’habileté de Marling à endosser un rôle qui n’est pas tout à fait elle, mais un prolongement de son être, une extension en forme d’ectoplasme de sa chair.
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