“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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vendredi 18 novembre 2011

The Fall - Ersatz G.B. (2011)




Parution : Novembre 2011
Label : Cherry Red
Genre : Post-punk
A écouter : Taking Off, Nate Will Not Return, Mask Search

°
Qualités : groovy, intense, rugueux, ludique

C’est peut-être le 29 ème album de The Fall, mais les raisons de les apprécier sont toujours bien présentes, et chaque fois légèrement différentes. Le groupe est réputé depuis longtemps pour la raideur salutaire de son leader, Mark E. Smith. Le plus rude des anglais, et l’un des plus généreux si l’on considère le nombre de formations qu’il a inspirées de sa seule personne. The Fall est encore inamovible dans sa cinquième décennie d’activité. Imperial Wax Solvent (2008) a ouvert une nouvelle ère pour une nouvelle incarnation du groupe. Alors que Smith était réputé pour ne pas garder ses musiciens plus d’un album, la mouture 2011 est peut-être le mieux représentée par la présence de Elena Poulou, la femme de Smith depuis 10 ans. Claviériste et chanteuse, elle tient un rôle important sur Ersatz GB, où, comme sur l’album précédent les claviers gras ont pour les grooves cycliques, chargés en entêtants la même importante que les guitares. Elle est aussi au micro sur Happi Song, une pièce surprenante au milieu du paysage d’Angleterre désintégrée que constitue le reste : The Fall incompris. « if i can see and you can see/why cant they see » Mais l’habitude du groupe à tirer à demi-mots sur tout ce que Smith trouve ringard surnage même là, lorsque Poulou évoque la nouvelle génération folk anglaise type Mumford & Sons. Pas de quoi faire oublier combien l’album est jouissif par ailleurs.

Ersatz GB est intense, martial parfois. La voix de Smith y est le plus souvent étranglée, autant pour de cigarettes que d’expérimentations personnelles sur son énonciation. Sa voix est l’élément central chez The Fall. Et si les paroles sont la moelle épineuse de chacun de leurs disques, et qu’elles sont décryptées par les admirateurs anglo-saxons du groupe (on les voit sur des forums échanger quant à ce que Smith a réellement dit dans telle ou telle chanson) elle sont portant problématiques.

Autant dire d’entrée que l’admiration que l’on peut porter au travail de Smith sur ses textes est une relation à sens unique. Premièrement car l’utilisation de forums ne suscitait récemment que le dédain de Smith, qui s’attaquait aux réseaux sociaux en stigmatisant l’obsession du ‘tout partage’ comme la nouvelle perversion de la classe moyenne (Certains se demanderont s’il s’agit d’une attitude archaïque, ou tellement démodée qu’elle en devient de l’avant-garde). Smith laisse le dénigrement, des relations personnelles sordides et l’auto-promotion (Smith évoque Hot Cake, un morceau de leur précédent album, sur Nate Will Not Return) à la disposition de son public, comme des lambeaux de chair sur des os pour le chien. Le plus gros de ces textes n’est qu’incohérences qui rappellent à quel point Beefheart était poète. Mais si l’on avance avec pressentiment – une démarche naturelle lorsqu’on est confronté à un phénomène tel que The Fall – on comprend que le groupe dresse à dessin un rempart d’incohérence, tournant l’incompréhension de l’auditeur (particulièrement attentif à l’égard de ce groupe, malgré ou grâce à l’effort que met Smith pour rendre sa prononciation ambivalente) en un autre de ces artifices, qui font qu’on mange dans leur main.

La voix de Smith y est le plus souvent étranglée, autant pour de cigarettes que d’expérimentations personnelles sur son énonciation.

Mark E. Smith et le groupe durcissent le ton peu à peu, grinçant des mécaniques et dénonçant le déclin de leur nation. Le son est infectieux, un groove gangrené amenant son propre combat et n’en ressortant que plus triomphant. On passera vite sur les soupçons d’auto-complaisance évoqués plus haut en appréciant combien Smith sait s’adresser à une nation tout entière, comme il le fait depuis toujours, avec ce biais ravageur, cette colère, cette angulosité qu’il est difficile de prendre à revers sans se retourner sur soi-même. Il fait souvent le punk soutenu par la dynamique d’un groove poussé jusqu’à sa limite, et c’est pour cela que les formats métronomiques du krautrock (particulièrement Monocard), la sévérité allemande et l’aspect progressif de la musique du groupe lui conviennent aussi merveilleusement. Qui dit groove dit basse, et elle est excellente sur Taking Off ou Mask Search. Quelque pièces, plus concises enlevées, ressemblent à un rockabilly bourbeux – Cosmos 7, Mask Search et sa ligne déjà fameuse : « I’m so sick of Snow Patrol / and where to find Esso lubricant and mobile number.” Greenway est presque heavy metal, comme une version amateur de Metallica avec un Lou Reed affamé au chant. Comme souvent, Smith changera de registre au cours du morceau, récitant à sa manière puissante et beuglant en vieil agitateur, tour à tour. Ersatz GB ne stoppe jamais pour un regard en arrière, mais construit et démonte successivement à grands coups de théâtre. Smith est plus divertissant, voire comique par moments, qu’il ne voudra jamais se l’avouer. C’est tout le malheur et le génie d’être un gentleman anglais de sa trempe à faire ce qu'il fait.





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