Parution : octobre 2010
Label : Kill Rock Stars
Genre : Expérimental, Pop
A écouter : For Ash, Risky Biz, Cinco de Mayo
°
Qualités : feminin, groovy, audacieux
Pendant longtemps, la New-Yorkaise Marnie Stern ne faisait que s’entraîner à la guitare, cinq, dix heures par jour, perfectionnant son propre style expérimental en autodidacte. « C’est pour cette raison que mon jeu et mon son sont si étranges », remarque t-elle, interrogée par Emilie Denis pour New Noise Magazine. Elle reconnaît moins pratiquer aujourd’hui, se concentrant sur la composition de chansons. On pourrait dire qu’elle se repose sur ses acquis s’il s’agissait d’une autre personne ; mais entendre les arpèges incandescents qui naissent les deux mains sur le manche de sa Gibson, et réaliser soudain la richesse émotionnelle de ses chansons.
Stern fut journaliste, fit 400 petits boulots avant qu’elle ne décide de prendre la musique au sérieux. C’est à la force du poignet, après cinq démos envoyées tous les ans entre 26 et 30 ans, qu’elle intégra le label Kill Rock Stars (Deerhoof, Decemberists, The Gossip…) avant d’enregistrer son premier disque ; une affaire abrasive mais pleine de refrains mélodiques. Vocalement ce sera quelque part entre Debbie Harry, Karen O des Yeahs Yeahs Yeahs ou Joan Jett. In Advance of the Broken Arm (2006), sera remarqué par le New-York Times comme « l’album rock n’ roll le plus excitant de l’année ». C’est un titre de trente mots qui introduisit le deuxième, paru en 2007. This is it… confirmait la formule, ambitieuse, pleine d’humour et de changements de temps, de Stern. Puis elle fit semblant de recommencer ; présenter sous son propre nom, et rien de plus, son meilleur album à ce jour, incroyablement dense et mieux écrit encore. « Je pense que j’ai beaucoup progressé en termes de composition, je suis bien meilleure pour structurer mes chansons maintenant. »
Ses chansons sont des exercices cathartiques qui lui permettent de retrouver toujours avec la même passion le plaisir de jouer vite des mélodies percutantes et transformation incessante. C’est un mélange jouissif à la fois complexe et séducteur, tourmenté mais euphorisant - un tour de force difficile amené presque entièrement d’une seule main. « Ces contrastes sont en moi, c’est comme si j’avais deux personnes qui se battent pour prendre le dessus, l’une joyeuse et l’autre complètement déprimée, une confiante, l’autre mal à l’aise, une qui veut aller vite, l’autre qui veut ralentir, une qui veut du détail, l’autre du dépouillé. C’est une lutte constante. » Pour toute la frénésie mélodique et technique dont fait preuve l’album, c’est l’émotion qu’il contient qui rend Stern la plus fière, le fait que son disque reflète des aspects de sa personnalité. Certaines lignes en affichent la substance profonde : "...I got something in my soul/pushing me to hold on to the pain...." sur Risky Biz, For Ash qui évoque le suicide d’un ex. Si l’album est en effet sophistiqué, c’est par l’aspect de ses textes qu’il est le plus habile ; difficile d’afficher une vulnérabilité avec autant de succès alors même que Stern exulte presque à chaque instant de ces 34 minutes. Mais une chanson aussi puissante, compacte et intuitive que For Ash semble capable de transcender toutes les émotions.
Stern assume ne pas aimer revenir en arrière. Son album est projeté dans un univers des plus contemporains, et c’est comme si elle avait intégré cette équipe aux côtés de Hella, Lightning Bolt ou Deerhoof, certaines des formations les plus innovantes – et rythmiques - de ces dernières années. Au cœur de cette école, la formule semble éprouvée maintenant que Marnie Stern a fait paraître cet album. La prochaine étape ? Un vrai travail de groupe avec son batteur préféré, le sur-actif Zach Hill. C’est l’une des figures musicales importantes de la scène américaine actuelle, non seulement parce qu’il sait comment réinventer la pratique de son instrument, mais pour ses qualités de compositeur, et ses des idées sur la façon dont peut sonner un album en 2010, par opposition à la manière dont il doit sonner. C’est étonnant d’entendre à quel point la façon de composition de Stern – saccadée, changeante, intense – se retrouve dans les propres travaux de Hill, que ce soit avec Hella (The Devil Isn’t Red) ou plus encore en solo avec Face Tat (2010). « Je compose en amont, seule, mais je connais son jeu et je l’intègre dès les premiers stades, je sais anticiper et je sais comment son style s’imbriquera ensuite. De toute façon mon travail est très rythmique, tout repose sur les cassures, les changements. »
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