Parution : février 2011
Label : Ian Recordings
Genre : Psychédélique, Dream folk, Rock alternatif
A écouter : Staircase, Grave Blanket, Find You Out
°
Qualités : envoutant, intimiste, pénétrant
A l’origine de ce disque de rock psychédélique soigné, un groupe de quatre jeunes résidents de Philadelphie, une femme et trois hommes, se présentant comme DIY (‘Do It Yourself’) et très soudés. Leur nom est un peu sordide : Creepoid (To creep, c’est ramper, et un ‘creep’ est l’équivalent du cafard de la Métamorphose de Kafka appliqué à l’univers du rock indé' depuis que Thom Yorke écrivit une chanson portant ce nom en 1992). Leur aventure commença avec un EP, Yellow Life Giver (2010).
« En décembre 2009, il y a eu une tempête de neige majeure en Philadelphie. Je vis à Manayunk, et nous nous sommes tous fait coincer chez nous par la neige. Un de mes bons amis, Sean Miller [le chanteur et guitariste du groupe] est resté bloqué chez moi tout le week-end. Nous avons écrit et enregistré des morceaux durant ces deux jours, sur un 4-pistes. Nous les avons joués à quelques amis, et ils étaient genre 'Vous devez absolument diffuser ça !' Nous avons fait ce disque sans même penser à former un groupe. Mais après que le simple soit sorti en avril, nous avons tourné, et vers le mois d’Août nous avons pris la décision de nous poser et de commencer à écrire et à enregistrer un nouvel album avec l’intention de tout faire par nous-mêmes. » racontera Pat Troxell, la batteur du groupe interrogé par le Webzine local The Key. Malgré leur volonté d’indépendance totale, il finirent par s’en remettre à Kile ‘Slick’ Johnson pour la production, connu pour son travail avec Wavves ou Modest Mouse entre autres.
A Philadelphie, dans une scène musicale qui semble s’améliorer de manière exponentielle, Creepoid propose avec Horse Heaven une exhalation puissante et originale, capable d’imprimer sa marque loin des barrières de la ville. Il est facile de ressentir en Horse Heaven l’aspect pluvieux et froid tel que Pat Troxell l’évoque lorsqu’il décrit la nature du climat à Philadelphie. Le mauvais temps affecte selon lui l’humeur d’une scène réputée pour ses groupes extrêmes. Le tempérament des musiciens de Creepoid est loin de répondre à cet aspect local. Ils dégagent une tranquillité certes assez pesante, sur laquelle se jouent les ambigüités placées au cœur de leur musique. Comme celle-ci, les musiciens semblent à la fois retirés et chaleureux.
Et le calme parfois troublant qui caractérise le plus souvent leurs chansons se transforme parfois en déflagration sonore inattendue. Tout dans Horse Heaven semble obéir au même fil de création, jouant sur la fragilité de leur interprétation étirée distendue, prise de torpeur parfois. Le travail sur les textures, subaquatiques et métalliques, est remarquable. En ouverture, Wishing Well pose le ton pour le reste de l’album, créant une atmosphère étouffée, aux tonalités indus, qui demeurera intacte jusqu’au remarquable couple de chansons final. Enabler fait venir à l’esprit le terme épique, démarrant dans une atmosphère effacée, nébuleuse, avant de laisser culminer les sombres humeurs de l’œuvre, à parts égales de sauvagerie que de complaisance. Cette chanson devait normalement terminer l’album en apothéose, mais a été échangée à la dernière minute avec le morceau-titre. Il glorifie quant à lui la tristesse, teintée d’une belle lumière, dont le groupe nous envahit aussi au détour de méditations telles que Hollow Doubt ou Grave Blanket. On pense aux plus grandes dépressions de Radiohead, Exit Music par exemple. Comme eux, et avec un sens des réalités qui évite tout mélodrame, Creepoid recherche la justesse plutôt que la perfection.
Les paroles, difficilement intelligibles, du duo chantant Sean Miller – Anna Troxell, n’enlève rien au pouvoir d’évocation de l’album. Le groupe affiche ici autant de détachement que de verve. Troxell fait penser à Patti Smith sur un titre qui évoque la poétesse du rock libre jusque dans son titre : Spirit Birds. On songe aussi à Elisa Ambrogio, et au morceau qui clôturait Balf Quarry en 2009, l’hypnotique Shells. Miller semble aussi décontracté qu’étrangement affligé, fonctionnant comme le reste dans un dynamique de demi-teinte, entre mélancolie et dynamiques vitales.
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