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samedi 21 mai 2011

Smog - Wild Love (1995)


Parution : mars 1995
Label : Drag City
Genre : Lo-fi
A écouter : Bathysphere, It's Rough, Prince Alone in the Studio, Chosen One

8/10
Qualités : sombre, fait main, inquiétant, vibrant

Julius Caesar (1993) et Wild Love (1995) laissent penser que le Smog des débuts a été apprécié pour des raisons différentes de celles qui ont porté Callahan de plus en plus à jour, dans le monde entier, jusqu’à aujourd’hui. Même s’il reste relativement peu connu, il l’est par un public raffiné, le profil typique observé en concert étant cette espèce de trentenaires épanouis et à la culture musicale peaufinée. 1993 était une époque où le gros de sa clientèle se constituait d’adolescents américains marginaux. Rien d’étonnant pour un jeune Callahan dont les collages chaotiques et sales étaient inspirés de Jandek, expérimentateur sud-américain typique aux quarante albums et à peu près autant d’auditeurs. La défiance originelle de Smog était en ligne directe avec les frustrations d'une génération locale, friande de ces travaux à la maison faits de trois fois rien qui se mettaient depuis quelque temps à susciter l’espoir et le rêve par procuration de sensations vertigineuses. Cependant, Callahan démontra tout de suite qu’il pensait en termes abstraits et qu’il ne tenait pas les rêves de gloire, fut-telle modeste et alternative au modèle dominant, en très haute estime. Il n’avait pas vraiment vocation à devenir un artiste générationnel, probablement pas la vocation à être entendu au-delà d’un cercle très réduit.
Avec Sewn to the Sky et les fameuses cassettes (ce support fabuleux de gamins solitaires et tourmentés dans les années 90) encore antérieures qui sont plus ou moins tombées dans l’oubli, Forgotten Foundation, voire Macrame Gunplay, on avait l’impression non pas d’assister aux bases d’un certain art d’écriture qui pourrait éclore, mais à une sorte de préhistoire artificielle, un état antérieur à toute forme de complaisance et à tout univers où les guitares seraient accordées et les morceaux pourvus de structures distinctes, et destiné à rester antérieur pour toujours. D’autres faisaient tant bien que mal de la musique ; Callahan bricolait des sons pour accompagner ses histoires hantées, à tel point qu’il paraissait difficile alors de lui attribuer des influences cohérences et de deviner dans quelles directions il irait par la suite. Julius Caesar contient, pour la première fois, quelques vraies chansons ; on peut par moments partager l’intuition qui a créé ce disque. Le petit piège, c’est que lorsque Smog gagne en évidence c’est pour donner dans le minimalisme insensé, entre « I am Star Wars today/I’m no longer english grey », ou pour révéler son penchant pessimiste. Dans ce dernier sillon, Chosen One brille, inexplicablement baignée d’un halo rassurant. La chanson sera reprise par les Flaming Lips.  

En 1993, le manque de rapport au monde de Smog ne le desservit pas ; c’est même ce qui conduisait les premiers découvreurs à l’écouter en boucle, à en faire, bien plus que nous aujourd’hui, une obsession. C’est invraisemblable que l’on soit encore autant marqués par son insistance malsaine sur Your Wedding : « I’m gonna be drunk/so drunk at your wedding », une chanson qui fit couler de l’encre. Callahan fascinait parce qu’il était un garçon étrange, empli d’une énorme quantité de défiance, d’individualisme. En l’appréciant, on se sentait plus sérieux en musique que ceux qui ne juraient que par Lou Barlow ou Stephen Malkmus, tous deux commençant à s’user au milieu des années 1990. Mais qui pourtant, sur la foi de ces deux premiers véritables albums, aurait pu prévoir la belle carrière promise à Bill Callahan ? Ses auditeurs s’en moquaient : ils y venaient pour l’entendre s’infliger des douleurs inédites, descendant un à un les échelons d’une morbidité sincère. Les choses prirent mieux forme avec Wild Love, et on se rendit compte que le Callahan possédait un vrai talent d’auteur. Bathysphere reste l’une de ces chansons les plus autobiographiques, et toujours interprétée en concert aujourd’hui. Elle a de façon évidente une signification singulière à ses yeux. Elle indique le moment ou il s’est émancipé, d’un artisanat visant à transgresser les codes à une verve capable de donner un véritable sens à sa musique, de sublimer ses qualités limitées de musicien, de marquer un point de départ pour les années à venir.

La bathysphère, c’est cet ancêtre du sous marin, une cellule non autonome destinée à s’aventurer dans les profondeurs, ne laissant la place que pour une seule personne, et commandée depuis la surface par un câble. « Quand j’avais sept ans », raconte Callahan dans la chanson, « je voulais vivre dans une bathysphère ». Le plus fort de cette chanson n’est pas la fascination pour cette isolation immergée, qui participe à une esthétique assez conventionnelle de la part de Smog – de ces évocations qui instillent une sensation de désolation romantique – mais la façon subtile qu’il a de faire allusion au rôle destructeur et constructif à la fois, de ses parents. « Quand j’avais sept ans/mon père m’a dit que je ne pouvais pas nager/et je n’ai jamais plus pensé à la mer ». Est racontée en trois vers toute l’histoire de nos concessions à autrui ; malgré notre défiance, nous savons que leur injonctions, toujours plus réalistes que nos envies, nous épargneront les travers de la solitude, et qu’elles auront globalement une influence positive sur notre vie.  

Wild Love, produit pour la première fois avec Jim o’Rourke, montrait l’habileté de l’auteur de chansons à placer ces messages lyriques dans des vignettes éclectiques sans qu’ils paraissent déplacés ; les arrangements, genre de noblesse issue des collages des débuts et encore en gestation, sont la clef du disque. La délicatesse frêle de The Candle est rendue par une guitare en picking et des cordes féériques. « Je rassemble ces esquilles pour faire un radeau un jour » chante Callahan. Juste après, sur Be Hit, l’instrumentation grossière reflète un texte fielleux : « Toutes les filles que j’ai jamais aimées voulaient être frappées/Et toutes ces filles m’ont quitté parce que je ne l’ai pas fait. »  It’s Rough est l’un des morceaux qui ont défini toute l’œuvre de Callahan, qui ont indiqué la voie à suivre, le capturant à son plus mélancolique. Trois guitares entrelacées, des cordes qui ronronnent et une boîte à rythmes emportent l’auditeur dans un voyage de cinq minutes, aussi enivrant qu’il est glauque, culminant avec l’assertion « It’s hard/baby to survive », mais aussi  « Mon meilleur ami/Prit une balle dans l’œil/Maintenant il a un œil de verre/il dit qu’il aimerait parfois/que ses deux yeux soient en verre. » Plus loin, Sleepy Joe est de cette espèce de rockabillies étranges que Callahan utilisera avec parcimonie dans ses albums suivants. Ici, il décrit un personnage en état d’hibernation.

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