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James Vincent MCMORROW

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mercredi 28 janvier 2015

CHUCK PROPHET - 2ème partie (Temple Beautiful)






OOO

apaisé, groovy
Rock

Temple Beautiful paraît sous des auspices calmes et sereins en 2012. Un nouvel album de rock and roll lumineux à la ceinture de Prophet, un album fièrement présenté comme « enregistré à San Francisco par des gens de San Francisco, à propos de San Francisco.’ Même sans message particulier, à chaque album Prophet nous fait de toute façon retrouver une verve qui laisse penser que la Musique (américaine) est une chose métaphysique qui englobe les réussites, les actes manqués, les artistes encore présents et ceux trop tôt disparus, les hommages et les inquiétudes, la vie quotidienne et la mémoire, qui fleurit ses propres haies d’honneur. L’art suprême, rien de moins. C’est si tentant d’écouter nonchalamment, des jours durant, sans rigueur. On peut faire un parallèle entre écouter sans effort et rester chez soi plutôt que de se confronter aux autres. « Je suis rentré insatisfait, je suis rentré pour sauver ma fierté » chante t-il sur une vieille chanson, Ooh Wee (1997). Vaut t-il mieux se cacher du regard des autres que de se ridiculiser ? Ou alors, autant nous faire croire que les petites gens peuvent susciter le respect de la société (New Year’s Day, 1997). Le rock est là pour fuir la solitude, la banalité, rompre avec l’hypocrisie, pour réduire les relations à leur plus simple expression : l’amitié. C’est si tentant d’écouter sans peine. Après tout, qu’est-ce que Chuck Prophet a-t-il de plus que Springsteen, dont l’album Darkness at the Edge of Town (1978) l’a enchanté ? « Il m’a vraiment rendu fou. Il garde toujours un œil sur le monde en général. Qu’est ce que font ses personnages ? Vers quoi courent t-ils ? » Il a au moins compris, comme eux, que la libération était dans les rencontres, la vie sociale, sur laquelle la musique rock porte habituellement ses réflexions à travers l’évocation de palliatifs et de frustrations. Qu’a-t-il de plus ? De se contenter de ça, de ne pas devenir un porte-parole, plus proche de Tom Petty que de Sringsteen. 

Mais cette fois, quelque chose se débloque : soudain, Prophet semble entrer dans la danse médiatique pour de bon, son inexistence sur Pitchfork n’y changera rien. Deux choses au moins expliquent ce succès : le fait d’être revenu à une formation à quatre, en dehors de quelques arrangements, et à un rock sec mâtiné de blues, parcouru de riffs originaux et de super soli de Telecaster. Ça donne un album recentré sur l'âme de la rue, que Prophet, avec sa voix parlée-chantée, canalise très bien. Plus du tout de hip-hop comme c’était le cas depuis les années 90, et malgré les résultats positifs sur The Hurting Business (2000) et No Other Love (2002). La deuxième raison, c'est sa nouvelle amitié créative avec l’obscur Kurt Lipschutz, qui relève le niveau de détails sur cet album. L’égo de Chuck Prophet a déjà pris une nouvelle dimension, peu de temps auparavant, quand il a collaboré avec Alejandro Escovedo, l’un de ses aînés songwriters les plus proches, musicalement, de lui. De douze ans plus âgé, Escovedo est un de ceux-là dont les disques vous imbibent de leurs accents émouvants dissimulés sous une couche d’arrangements soignés. Les cordes sur la chanson Sister Lost Soul, par exemple, ne font pas oublier la verdeur de celui qui se réincarne dans les émotions, avec une voix poignante comme le David Bowie le plus senior. Le fruit de leur collaboration, Real Animal, paraît en 2006.

Il y a l'atmosphère d’un pulp dans cette évocation nonchalante d’une ville à travers des anecdotes grinçantes. « La parie la plus fun, c’est de faire le casting des morceaux et construire l’album [...]. Le sens, l’attitude, ce n’est pas seulement contenu dans les paroles. » Le rock and roll véhicule d’abord des humeurs capables de nous imprégner. Ainsi, de la majorité des chansons de l’album émane des évocations assez sombres, et des personnages aux destins funestes, avec un côté film noir qui rappelle la passion de Prophet et de Green on Red pour les polars de Jim Thompson (il avaient nommé un de leurs albums d’après un de ses livres, The Killer inside Me). La chanson titre cible un de ces lieux emblématiques, une salle de concert dans les années 70, juste à côté du temple du pasteur Jim Jones, le fondateur d’une secte connu pour le suicide collectif de sa communauté du Temple du Peuple, en 1978, faisant 908 morts. « The future is here/but it feels like the past. », chante Prophet, dans une chanson très entraînante, évoquant les Rolling Stones , dont il adore Beggars Banquet (1968, l'album rageur et provocateur dans lequel les influences ont toutes trouvé leur place, en poussant les murs). Les Modern Lovers ou The Clash sont à ajouter au pot des inspirations, ces derniers un des groupes fétiches de Prophet, qui ont montré qu’en restant punk on pouvait tout jouer. Personnellement, j’ajouterais Iggy Pop. Leur voix se ressemble, sur Who Shot John par exemple. « Theys say i shot my babe/Say i shot her down. » Comme Iggy pop peut-être, et en particulier avec l’ambitieux Homemade Blood (1997), Prophet s’inscrivait dans la tradition des musiciens rock/country qui jouent des codes des personnages de cinéma, jouant un jeu de va et vient entre auto-humiliation et classe crâneuse, enrichissant ainsi son image de performer. Pour un chanteur a priori sentimental, il fallait déjouer le piège de se laisser définir par la futilité relative des relations d'amour. C’est l’ampleur de sa discographie et la façon dont il joue avec les codes qui amènent le génial John Murry à incendier positivement Prophet. 

Pour quelqu’un qui s’inscrit si bien dans la lignée de tous les grands de rock, Temple Beautiful garde son feu à l’intérieur. Il contrebalance la parade chaloupée de White Night, Big City par l’une des plus belles ballades de Prophet, Museum of Broken Hearts, qui évoque à demi-mots le Sida. On pense évidemment à tous les chanteuses et chanteurs côté rue, Lou Reed, les Ramones, et le doo-wop punk de Blondie. Temple Beautiful est aussi l’album d’un homme qui admire les tendances à la science-fiction (voir son hommage à Willie Mays) et la mise en scène d’un autre héros, David Bowie, mais semble préférer se mettre en retrait, même lorsqu’il est gouailleur, derrière sa passion de la collaboration. C’est pour lui un exercice sacré, et le facteur humain qui lui permet de maintenir le même niveau d’excellence depuis ses débuts. John Murry commentera : « Si vous trouvez les bonnes personnes, cela vous rend meilleur. Chuck m'a appris que ce qui comptait, c’était l’effort de collaboration et comme il est rendu par le disque, puis à l’autre bout, l’expérience des gens qui l’écoutent. » Temple Beautiful a ainsi été joué pour un documentaire, avec huit musiciens d’instruments à cordes. Comme un chef d’orchestre au service des sentiments et des évocations de la musique. 

Ces partenaires vont de pair avec une longue histoire d’excès, qui semblent désormais faire partie du passé. L’énorme quantité de travail – enregistrement d’un album tous les deux ans, tournées – ont t-elles eu raison de l'endurance d’un autre Chuck Prophet, qui continue d’exister dans sa musique souvent humoristique ? John Murry : « Sa femme et partenaire musicienne Stephanie Finch a si longtemps souffert de sa personnalité, elle peut assurer quiconque que les histoires d’excès concernant Chuck sont sans fin. » Une analogie vient en tête : s’il est Gram Parsons, musicien folk rock des seventies connu pour ses frasques et son laisser-vivre, elle est son Emmilou Harris, la muse a en apparence sévère et inaliénable. Une anecdote a particulièrement marqué Murry. « Il a sauté depuis le toit d’un immeuble de San Francisco dans celui d’un autre, et a chuté de trois étages à travers un dôme, sur le sol en ciment d’un garage auto ; c’était une tentative d’impressionner une fille et d’entrer dans son appartement, car il s’était enfermé dehors. Il était shooté. » Sur Temple Beautiful, la mélancolie de Museum of Broken Hearts est elle-même balancée sur Little Girl, Little Boy, qui profite de la participation de Stephanie Finch, toujours investie depuis ses débuts en solo avec Brother Aldo (1990). Enfin, l'hommage à la ville est complété par l'apparition vocale de Roy Loney, des Flamin' Groovies.

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