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mercredi 19 janvier 2011

Tony Joe White - The Shine (2010)


Parution : septembre 2010
Label : Swamp Records
Genre : Swamp blues, rock
A écouter : Tell Me Why, Roll Train Roll, Strange Night

°°
Qualités : habité, poignant, nocturne

Pour certains, Tony Joe White, soixante sept ans, est une icône de la trempe Bob Dylan. Pour ceux qui le connaissent le mieux, il est l’héritier par excellence de la tradition musicale de Louisiane couplée à la tradition honky-tonk du Texas. Un songwriter à l’ombre des bayous, dans la traînée moite de ses propres projections, inspiré du blues de Lightning Hopkins et dont The Shine est le vingt-neuvième album.
White entame sa carrière en 1968 avec astucieusement nommé Black and White, disque sur lequel figure déjà un classique, Polk Salad Annie et son clip lugubre. Pour présenter ce premier album, il passe en France avec Creedence Clearwater Revival et Steppenwolf. Il produira Tina Turner, mais de manière générale il restera si discret qu’il faudrait encore le réhabiliter de ce côté de l’atlantique, comme l’ont fait à travers les Etats-Unis les artistes qui ont repris ses chansons, comme par exemple Rainy Night in Georgia qui a fait l’objet de plus de cent interprétations ; Elvis Presley, Ray Charles, Roy Orbison, Dusty Springfield, Etta James, et aussi Eric Clapton, Mark Knopfler, Michael McDonald, Waylon Jennings, Emmylou Harris, Lucinda Williams ou Shelby Lynne. Tous savent la différence ça fait que d’incarner quelque chose, que d’être conforté dans l’espoir que ce qu’on fait est culturellement viable à l’échelle de son pays. Ce panel de musiciens hors du commun ont largement donné à Tony Joe White des raisons de garder espoir ; ce qu’il fait, en 2010, avec une superbe simplicité qui transcende son image de vieux renard des marais de Louisiane et donne un beau contrepoint aux disques bourrés d’invités qu’étaient The Heroïnes (2004) et Uncovered (2006). C’est l’art de ne prendre aucun repos tout en paraissant immobile.
“[les chansons] questionnent toutes la vérité et la vie et des évènements diurnes ou nocturnes. », explique White des morceaux sur The Shine. “Elles sont toutes venues à moi, la guitare et les paroles, peut-être autour d’un feu de camp au bord d’une rivière avec quelques bières fraîches. Je vais m’assoir là, jouer un petit peu, et soudain il va se passer quelque chose – sauf pour celles que j’ai écrites avec Leann (White, sa femme]. C’est une personne de mots, et elle va me dire « qu’est ce que tu penses de ça », et soudain une petite lumière s’installe dans ma tête, un accord de guitare va s’imposer et allons-y. » La majeure partie des chansons semblent hésiter dans les limbes entre passé et présent, pétries d’images élémentaires – pluie, vents sifflants et animaux sauvages. D’autres chansons, telles Painting on a Mountain, se rapportent à un souvenir précis. « Nous avons une maison à Taos, Nouveau-Mexique. Notre maison est construite au dessus d’un village indien. C’est un endroit magique. A la fin de l’après-midi, le soleil suscite des peintures sur le flanc de la montagne ; elles changent quand le soleil se couche. »
Le tempo lent provoque un balancement, un abandon quasi lascif des corps qui donne aux motifs simples des compostions de Tony Joe White l’aura des meilleures réussites rock. Le magnétisme provoqué par ses chansons lentes et austères a bien sûr été assimilé au fantasme d’un certain « renard des marais » comme Dr John a été le « voyageur nocturne » - chacun incarne à sa manière la Nouvelle Orléans et ses atours ésotériques. La fascination éprouvée pour White peut être suscitée par la nature de sa musique aux différents niveaux de conscience, de l’immatériel au bien vivant – ce qu’ont compris les publics qui abandonnent leur corps aux pulsations régulières de la guitare et à la douce régularité de la batterie. La voix baryton de White, douce et effrayée, souvent à peine plus d’un murmure pour lequel il faudrait tendre l’oreille, fait sonner ses chansons d’une manière unique, honnête, naturelle, et vivante, mais une vie qui aurait pris coup sur coup (ici on pense à Johnny Cash), et qui n’en serait que plus digne de célébrations.
Plus on avance dans The Shine et plus il apparaît comme un puits miroitant une forme propre de désolation, le genre de celles qui suscitent la nostalgie – l’image même d’un vieux magasin de son enfance que l’on retrouverait fermé et vide. La musique de Tony Joe White est réduite à sa plus simple impression, habitée simplement de sa voix, de ses mots, de son harmonica. Le reste de la musique joue le rôle de murs, de sol et de plafond. « Parfois je disais ‘simplifiez’ mais c’est tout », se souvient White des sessions d’enregistrement avec ses quatre musiciens – basse, batterie, claviers, violoncelle. « J’étais presque comme un spectateur. J’avais cette sensation étrange de regarder tout le monde tandis que l’on jouait, assistant à la chanson sans faire de gros efforts pour qu’elle se mette en place. » La plupart des chansons ont été enregistrées en une seule prise, tout se passant comme si les accords qui amènent White de plus en plus profond n’étaient pas complètement de son fait. « Nous étions tous conscients que quelque chose se produisait dans l’air entre nous. Peut-être y avait-t-il des esprits autour de nous”.
Le résultat est une collection de dix chansons qui laissent libre cours à la rêverie en s’étirant souvent sur plus de cinq minutes. Tell Me Why, la plus belle de l’album, dépasse six minutes de litanie délicatement soulignée par l’orgue électrique. C’est dans ces moments entre deux eaux que la voix de White est la plus belle, et le disque ne se joue presque qu’à cette vitesse. « It takes courage to dust off your dreams.”, commente White dans ce titre. L’acte d’écriture prouve qu’il a ce courage. Et les rêves dont il est question sont effectivement dépoussiérés dans la clarté des atmosphères de The Shine. Deux chansons se démarquent aux extrémités du spectre que constitue The Shine : Strange Night capture ce que lui doivent Mark Knopfler (Dire Straits) ou Chris Rea. Roll Train Roll est, quand à elle, interprétée par White seul, dans un style de blues old-school. « Je pense que celle-ci était une façon d’être rappelé dans le passé. C’est pourquoi elle sonne comme si j’étais retourné à l’époque où j’écoutais Lightning Hopkins, quand je vivais au bord de la Bœuf River à Goodwill, en Louisiane, débutant la guitare. C’est le genre de choses que je jouais sous le porche la nuit. » Difficile de trouver plus authentique en 2011.






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