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James Vincent MCMORROW

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mardi 18 janvier 2011

Swans - My Father Will Guide my up a Rope to the Sky (2010)



Parution : novembre 2010
Label : Young God Records
Genre : Noise rock, folk alternatif, Rock progressif
A écouter : You Fucking People make me Sick, Inside Madeleine

°°
Qualités : intense, puissant, onirique

Ce qui fait de My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky une expérience rare, c’est la qualité et la radicalité des choix musicaux qui sont pris. « No Words/No Toughts », avertit le titre de la première pièce de ce premier album des Swans depuis 14 ans. Pas de mots, pas de pensées ; ce que l’on trouve ici est la substantielle moelle constituée de ce qui donne à Michael Gira, l’incarnation des Swans, l’envie de continuer ; l’instinct. Eternel étranger à la complaisance, à la musique faite pour être vendue, il parvient à réconcilier comme personne l’émotion crue, mise à nu et à la portée de chacun, et une démarche  artistique totale – il ne s’agit pas d’une relecture de tel ou tel genre musical, encore moins d’une reformation jouant sur la nostalgie pour ses Swans, mais d’une invention parfois radicale, et extraordinairement intense, que la vie pourra désormais imiter. Le peu de ce qui reste attaché à quelque chose, sur cet album hors normes, ne manque pas de charme ; on retrouve ce bruitisme cher à ce groupe apparu en 1983 et cousin de Sonic Youth. Une nonchalance malsaine, voire létale, une monotonie farouche comme le signe le plus naturel qui soit de la rébellion. A propos de Jim, le troisième morceau du disque : “je vois ce groove comme contenant la graine de quelque chose qui va continuer sur le prochain disque des Swans. Pour l’instant, je vois le prochain album comme ayant très peu de paroles et basé sur des grooves qui se transforment et le genre de sons qui vous demandent de souffrir pour les générer. » Son expérience au sein des Angels of Light, groupe plutôt folk, ces dernières années, sert également.   

My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky est le disque d’un homme persévérant. Il a raison, puisque les idées qu’il réutilise – ces guitares glauques et bruyantes – sont transformées en messages d’intention sans équivalent. Il y a toujours une part de rêve, une émotion grondante, une histoire secrète prête à surgir, parfois au bout de plusieurs minutes. Quand ce morceau de bravoure arrive, dont tout le reste ne semble être que la traînée, le scintillement superficiel mais indispensable, ce n’est jamais comme on l’imaginait. A ce titre, Inside Madeleine est un petit chef d’œuvre, ne prenant qu’au bout de cinq minutes tout son sens, mystique. Les crescendos qui amènent la révélation, la clef de chaque morceau, sont laborieux. La narration est décousue, les paroles portées sur des éléments forcément spirituels, voire religieux, quand Gira ne s’attache pas même, dans ses dévouement et sincérité, à faire le portrait d’un de ses modèles. Un agrégat de poussières cosmiques, un amalgame d’éléments auparavant sans vie, si bien réchauffés qu’ils parviennent à nous parler d’expériences humaines.

Le pivot du disque est You Fucking People Make me Sick – cette chanson à elle seule justifie que le Michael Gira ait réactivé les Swans alors que le groupe était en sommeil depuis 1996. Envisagé comme une suite de sons, un peu comme les éléments de bande sonore cinématographique condensés – et dont le caractère étrange, hors de leur contexte, se trouverait sublimé. Mais Gira va par la suite décider d’y jouer de la guitare, et y inviter Devendra Banhart, avec qui il partage le label Young God Records, à venir y chanter les paroles.

Il faut aussi dire que Gira a un problème avec sa propre voix. Il excelle pourtant dans un registre difficile, grave et minimaliste, ailleurs sur le disque. Pour No Words/NoToughts, il aurait souhaité chanter des harmonies élégiaques comme Pink Floyd sur Echoes. On ne se refait pas.

Sur You fucking People, il est allé plus loin ; sa fille de trois ans et demi chante aussi. Une drôle de démarche qui montre combien il eut être facile et naturel de faire une musique différente, en envisageant des possibilités inédites. Et c’est sans compter, à la fin de ce morceau, le piano martelé dans le notes les plus graves, et les trompettes à l’agonie et les mandolines qui lui donnent une tournure définitive. Le processus a pris énormément de temps.

Malgré l’impression que My Father… est une sorte de monolithe ardu taillé pour l’éternité, Gira lui-même a déjà des choses à reprocher à son travail. Mais les reproches en question sont davantage ceux d’un esprit jusqu’au-boutiste forcené – faire une version de vingt minutes de No Words/No Toughts, avec quinze minutes d’introduction, comme c’est le cas en concert n’est finalement pas une si bonne idée. La démarche a beau être sincère et l’énergie mise en jeu considérable, la lassitude de l’auditeur aurait eu raison des sons de cloche à outrance. « La section centrale va être allongée à 20 minutes jusqu’à ce que la dernière goutte de sang soit chassée hors de la chanson », dit Gira (s’adressant à New Noise Magazine, n°1) à propos de Eden Prison. Cette application, cette volonté d’épuiser les corps et les morceaux, est le trait de caractère des Swans et celui qui leur a valu d’êtres imités par des musiciens de la scène métal de la trempe de Neurosis. En s’éclipsant en 1996, les Swans avaient laissé à la musique lourde de beaux jours devant elle ; en revenant en 2010, ils reprennent les choses là où ils les avaient laissées, avec une force qu’ont diluée leurs suiveurs. « La plupart des groupes qui se disent influencés par les Swans ne m’intéressent pas », déclare Gira. Dans sa bouche, ça ne sonne pas comme de la prétention mais comme le professionnalisme le plus banalisé. 

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