Voir aussi la chronique de You and Me (2008)
Voir aussi la chronique de Lisbon (2010)
Le quintet formé par les Walkmen paraît très conservateur, trop classique à côté de tout ce que la scène indépendante – et la ville de New York à elle seule – compte d’hybrides, de formules et de sonorités nouvelles. Leur patronyme à lui seul ressemble au titre d’un film des années 40. Leur chanteur élégant et guindé reconnaît s’inspirer de Elvis Presley, et leur son emprunte aux Sun Records ou de la country tout ce qu’il faut de piano droit et de guitares sorties d’amplis vintage… Sauf que ce groupe devrait logiquement être en passe de devenir un objet de culte, un modèle du rock indépendant qui le reste après dix ans d’existence, cinq excellents albums et quelques-uns des morceaux les plus classieux de la période. Un statut qui tient de leur longévité et de leur intégrité, au moment où beaucoup de groupes remarqués ne sortent qu’un seul bon disque.
Vendant aujourd’hui leurs disques 2 dollars sur internet, et encore pour reverser l’argent à des causes honorables – la lutte contre le cancer – ils ont été guidés depuis le début par quelques principes musicaux et beaucoup de simplicité. Issus de la même ville, Washington , et de deux groupes distincts dont, pour trois d’entre eux, le presque tendance Jonathan Fire Eater,Walkmen en 2000. Ils débutent leurs répétition dans une ancienne usine de Harlem et enregistrent en analogique, peut-être sans ordinateur comme le préconise Jack White. Sur scène, lors de leur premier concert dans un pub de l’East Village, ils réussissent à caser un piano droit, un ampli basse énorme trois guitares et une batterie. Le succès qu’ils rencontrent les pousse à poursuivre l’aventure. Premier souhait : enterrer les sonorités rock banales de leurs anciens groupes, et, symboliquement les années 1990. ils forment les
C’est chose faite avec le premier album, Everyone Who Pretended to Like Me is GoneWalkmen vont pouvoir construire tranquillement ce qui va devenir Bows and Arrows (2004). Le single The Rat est une grosse surprise, personne ne croyait le groupe capable d’un morceau aussi nerveux et intense. Tout le disque est à l’avenant, encore plus cohérent et soigné que ne l’était leur premier jet. C’est le moment de la reconnaissance internationale – mais en Europe, il n’y a guerre que l’Angleterre pour s’y intéresser. (2002), dont la pochette était illustrée de cette fameuse photo de Robert Franck représentant un trio de gamins américains en train de se la jouer comme dans les films policiers. En plus de sonner de manière nouvelle, épurée, suspendue, nerveuse, ils révèlent un grand talent d’écriture et un esprit d’équipe sans faille, qui continue aujourd’hui malgré le fait qu’ils n’aient jamais vraiment pris de repos. Sur ce premier disque apprécié mais discret, le
En densifiant leur son, ils parviennent à changer tout en restant les mêmes, et A Hundred Miles Off (2006) est l’occasion de ralentir les tempos pour signifier que The Rat n’était qu’une diversion. Même s’il reste aujourd’hui le morceau qu’on leur demande le plus en concert, ils se sont rapidement montés un répertoire invraisemblable, dans lequel le son importe plus que les personnalités des membres du groupes. Même Hamilton Leithauser, le prodigieux vocaliste, semble tout donner à sa voix haute et fière. Qu’on leur demande leurs influences, elles sont éclectiques et ne reflètent pas l’unité presque conceptuelle qui fait la brillance de leur musique. Ce sont les Pogues, Roy Orbison, les Smiths, le Modern Lovers, The Cure ou Bruce Springsteen… Une diaspora mondiale qui opère comme un souvenir nostalgique lorsqu’il est temps pour eux de reprendre le chemin du studio.
You and Me (2008) est une belle preuve de leur générosité. Quinze morceaux impeccables, ce qui paraît tellement rare que le disque passionne dès la première écoute. On retrouve les sonorités délicieuses propres au groupe, et on revit l’exigence méthodique et chaque fois renouvelée du quintet. Les paroles sont plus personnelles, et plutôt que d’illustrer une tendance générale comme c’était le cas auparavant, elles sont le reflet d’un état méditatif. Si l’humeur bascule de la félicité à la blessure languissante, Leithauser rayonne d’une confiance qui donne à des baisses de tension un pouvoir régénérant. La batterie est parfois étouffée, comme un cœur paisible. La musique des Walkmen semble atteindre des sommets quand ils en font le moins, dans de précieux moments de flottement. Avec You and Me, le groupe peut prétendre avoir fait à sa manière le tour des sphères publiques et privées, avoir passé en revue les choses qui les touchaient plus ou moins intimement. Ils donnent alors déjà l’impression que l’ensemble de leurs disques a la même cohérence que les différents morceaux à l’intérieur de chacun de ces disques.
Il paraissait peu probable qu’ils ne mettraient, comme à leur habitude, que deux ans pour donner une suite à You and Me, étant donné le niveau de perfection lyrique qu’ils avaient atteint et la nécessité de renouveler leur inspiration. Pourtant, Lisbon, aussi bon que ce qu’ils ont produit jusque là, paraît en septembre 2010. Il a été écrit en partie lors de deux séjours passés dans la capitale portugaise. Un endroit où les New Yorkais n’auraient jamais pensé arrêter leur route. La nouveauté du lieu les a confortés à enregistrer un disque plus dépouillé, léger et vaporeux que ne l’était You and Me. En écoutant l’un, puis l’autre, on se dit que c’est Lisbon qui répond le mieux à l’image que l’on se fait du groupe – à travers Victory, As i Shovel the Snow ou encore le poignant final en forme d’hommage à une nation si différente de la leur.
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