Le groupe de punk néerlandais The Ex, après trente ans d’existence et environ 1300 concerts en Europe, continue d’appliquer la même formule, une bonne idée puisque leur nouvelle tournée a rencontré un succès sans précédent. Des pièces structurées et organisées que l’on pourrait bien avoir quelque difficulté à assimiler à la culture anarchiste des squats d’Amsterdam, nés pour la rébellion contre les dictateurs et la droite.
Leur histoire, racontée dans un documentaire, Beautiful Frenzy, montre que l’acharnement et la passion sont choses payantes – et aussi que s’autoproduire en marge de l’industrie musicale peut s’avérer lucratif. C’est aussi l’histoire d’un groupe qui construit des ponts, mine de rien, entre différents continents et cultures. A l’entrée de la Dynamo, à Toulouse, des personnes qui n’avaient pas leurs billets pour le concert, le soir du vingt novembre, sont redirigées vers le Petit London, un bar à concerts quelques rues plus loin, pour cause de concert complet.
A peine montés sur scène, ils partagent, grâce à une énergie presque inespérées et forcément communicative, leur longue et complexe expérience. C’est un nouveau chanteur et guitariste, Arnold de Bauer, ami de longue date du groupe, qui assure aujourd’hui à la proue au sein d’une formation resserrée autour de quatre membres, dont trois guitares. Sa conviction ne fait aucun doute. Pendant le concert, son buste dominera à peine le public dansant en remous devant lui. Le visage pâle les traits tirés, couvert de sueur, on croirait qu’il essaie de garder la tête hors de la cohue comme un nageur happé par les grands fonds.
Mais le plus marquant est la vision du fond de scène – Katherina Bornefeld, ou Kat, bat ses futs avec une régularité de métronome, une puissance énorme, et en 13/8 s’il vous plaît – tout en intercalant à l’envi quelques sons « tribaux ». The Ex n’a d’ailleurs que peu de comptes à rendre au rock en 4/4. Sa dynamique est dans un mélange de musiques africaines – ils ont des connections avec la scène Ethiopienne, Malienne…-, de dubstep, de post punk, de blues, de free jazz. Dans le public on prend ces différents rythmes comme ils viennent – la fosse se mettra à faire des bonds dès le premier morceau et jusqu’à la fin du deuxième rappel.
La part belle est faite au nouveau disque. Maybe I was the Pilot et Eoleyo, avec Katrin au chant, on tune originalité fervente. Mais c’est 24 Problems, avec sa répétition de « Watch my shoe, watch my shoe, catch my shoe, catch my shoe…” qui se détache le mieux du tumulte. Longs, les morceaux vont toujours de l’avant, se construisant souvent en crescendo – quelques notes éparses de guitare acérée peuvent en constituer l’introduction, avant que de renâcler sur la rythmique immuable ne les transforme en grooves hypnotiques. Le son est compact et aussi direct que les textes. Pour le public, s’accaparer des rythmes aussi peu communs est un vrai plaisir, d’autant plus que la musique parle toujours davantage au corps qu’à la tête.
Sur disque, c’est un peu différent. The Ex semble s’être aperçu qu’il était inutile d’essayer de restituer l’énergie du live, préférant enrichir le son d’éléments annexes. Sur Maybe i Was the Pilot, ce sont les cuivres, les scratchs... La musique, produite par Steve Albini, a aussi ce cachet particulier qui signale l’absence de basse ; un son sec, sur le cordeau, qui ne souligne pas toujours la qualité du groove produit par l’interaction des musiciens. L’esprit revanchard du groupe, vaguement amusé d’être encore aussi habile à manipuler les pensées radicales, est bien vif. La répétition des riffs de guitare et le martèlement de la batterie nous font entrer dans état de rébellion joyeuse. L’anarchie d’un soir pourrait bien se prolonger, un de ces jours, s’il nous venait à l’idée de nous plonger plus avant dans ce que ce genre de formation cruciale.
- Parution : octobre 2010
- Producteur : Steve Albini
- Genre : Punk, Dub, Musique du monde
- A écouter : 24 Problems
- Note : 6.25/10
- Qualités : engagé, groovy
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