Le pianiste/chanteur/guitariste de soul/funk/jazz/R&B des marais Mac Rebennack est de cette noblesse américaine originaire de ce qui est peut-être le seul état américain ayant sa propre culture, le Louisiane, et d’une ville aux résonnances mythiques, la Nouvelle-Orléans. A le voir déambuler dans les rues avec cape et haut de forme – il a un côté Bootsy Collins - et marcher en grand gourou au-dessus des gens avec un petit sourire satisfait, on a l’impression d’assister à la résurrection de l’âme vieille et fière de cette ville, un dandy un poil prétentieux à la Captain Beefheart, mais dont la culture est bien différente. Pourtant Dr John n’est jamais mort, et c’est édifiant de se dire qu’il a passé tout ce temps à se remuer là bas, s’attirant l’admiration en jouant d’un charisme qui allait directement nourrir une musique, et son personnage – le « Night Tripper » dans les années 60. Cette musique ne changera jamais dans l’approche, des bouts de psyché plein de groove et d’ambitieuses errances entre tradition et folklore de son propre imaginaire.
Habitué des festivals, devenu une légende vivante, Rebennack aurait pu cesser d’investir son énergie dans des disques que de moins en moins de gens écoutent, et pourtant il continue de s’affirmer par ce biais. Remis en valeur par son Grammy Award en 2008 (pour The City that Care Forgot, autour du cataclysme Katrina) le travail de Dr John repose aujourd’hui beaucoup sur l’excellence de ses musiciens – le groupe baptisé The Lower 911. Le noir américain Herman Ernest III (batterie et coproduction) et David Barard (basse) en premier lieu, une section rythmique fusionelle sur laquelle peut se reposer en toute tranquillité la guitare de John Fohl. Les percussions de Ken Williams et le piano de Dr John viennent agrémenter ce disque généreux – Tribal dure 56 minutes et comprend 16 morceaux. Tribal pour les influences africaines, voodoo, Cajun de sa musique, pour une certaine fascination des rythmes primitifs les plus efficaces – le genre d’influences parfaitement adaptées à la musique funk, appréciée parce qu’elle est irrésistible et hypnotique. Le morceau titre, lent et imposant, alterne un blues/jazz poisseux et des chants rituels sur lesquels le tempo accélère.
Le disque est plutôt détendu, avec des pièces à la nonchalance trompeuse (Change of Heart, Potnah), mais aussi passionné, notamment grâce à la présence de chœurs sur plusieurs titres (Lissen at ou Prayer, Music Came), ce qui lui confère une authenticité que le Dr John n’aura pas volée. C’est seulement qu’en termes de funk, si l’on pense à Parliament, la notion d’authenticité peut aller très loin. C’est une musique qui entretient des connections subjectives à la réalité. Ainsi, When i’m Right (I’m Wrong) – qui évoque une de sa vieille chanson Right Place, Wrong Time - est construit autour du chorus insistant : « When i’m Right i’m wrong, when i’m wrong i’m wrong ». Presque un concept. Et qu’est-ce que le Jinky Jinx sur le morceau qui porte ce nom (un titre qui semble tout droit sorti des années 60) ? Les paroles sont souvent imagées, parfois surprenantes – ce sont pour la plupart des chansons d’humeur, même. Dr John saute d’un style musical à un autre selon ses dispositions. Music Came est jazzy, Potnah r&b... Dans un registre différent, même si ce n’est pas nouveau pour le bonhomme, Only in Amerika fait de la critique sociale.
Mac Rebennack n’a évidemment plus rien à prouver. Pourtant, il parvient sans vraiment y toucher à garder le feeling originel, et à produire un disque captivant grâce au secret d’une formule qui va au delà d’une question de conduite. Dr John a la bonne attitude, mais il a aussi les mots, et ni la ferveur de son engagement, ni la flamme de sa passion ne disparaîtront au profit de son amour-propre manifeste.
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