Sensible, soigné
Folk rock, americana
Le dépouillement singulier de la guitare sur Gas Station Rose, en ouverture de cet album, est le fruit d'un choix artistique important et continuel chez Sean Rowe. « Je retourne toujours au désir de débarrasser ce que je crée de tout artifice. Dans la lignée de ce que j'écoutais à 18 ans et ce à quoi je reviens encore. Je ne suis pas impressionné par grand-chose dans la musique de maintenant. Le plus gros de ce que j'entends, c'est du pareil au même, pour moi. » Ainsi, il se lance pour défi d'aménager une intensité, une sincérité habitée de doutes et d'humour, à la manière de Tom Waits dont il partage le label, Anti-. Dans son ambition, et dans son approche spirituelle de la vie, où les rencontres provoquées entrent en collision avec un environnement fantasmatique, il fait penser au maître des bas fonds modernistes, visionnaire, la fibre politique en berne, pourtant, dans le cas de Sean Rowe. Il se 'contente' d'un matériau intime, comme issu d'une contemplation apaisée de la nature humaine plutôt que d'une envie de catharsis.
Sa poésie du dénuement le pousse à s'épanouir dans des mélodies entêtantes et des refrains éclairant les couplets construits autour d'eux. Le timbre rare de Rowe fait oublier peu à peu le classicisme de sa musique, et le positionne dans la lignée de poignants expérimentateurs comme Blake Mills et de son album Heigh Ho (2014). Le New Yorkais, jouant l'aller retour tendu entre ce classicisme en enregistrant à Memphis dans le studio mythique de Sam Philipps. Entraîné par sa guitare percussive, s'emploie à isoler un ton spécial, cela s'illustre à chaque seconde sur New Lore : les chœurs opulents sur The Salmon, soutenus par un refrain exalté, où il surprend un fois de plus en quittant sa voix de baryton pour une inflexion plus aiguë.
New Lore l'inscrit pour de bon dans la durée, il parvient à donner une façon finalement touchante à des moments quand Madman (2013) le voyait se confronter à des épreuves formelles au détriment du fond. Il sait se faire dans le sentimental hautement calibré comme Hayes Carll (It's Not Hard To Say Goodbye), John Murry (I Can't Make a Living By Holding You) ou Josh T. Pearson (Leave Something Behind), c'est dire qu'il sait s’inscrire dans ce qu'on appelle l'americana.
Il sait revenir dans un temps ou la ballade au piano pouvait couper le souffler d'une assistance de buveurs, et le hisser au dessus de ceux dont il semblait auparavant partager le goût de la boisson. Son ivresse n'est que mélancolique. Promise of You est aussi proche de Satellite of Love (Lou Reed) qu'elle est d'une sérénade de Waits jouée après minuit dans un diner. En voulant forger un album cohérent, il fait preuve d'un esprit de synthèse où Newton's Craddle joue le rôle du sursaut funky, le genre de ressort narratif insolite dont Tom Waits s'est fait une spécialité en changeant d'accent d'une chanson à l'autre.
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