Parution : Juin 2007
Label : Ministry of Sound
Genre : Pop, Folk-Rock
A écouter : I Don't Know How to Love, 33 (acoustique), If You Had a Vineyard
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Qualités : lucide, poignant
“J'ai rencontré une dame très agréable, la soixantaine, et je lui ai demandé : “Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire de moi ?” Elle m'a répété de 'continuer à tricoter'. Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Et j'ai fini par conprendre que c'était une manière vieu jeu de dire qu'il fallait que je retourne à ce qui m'avait fait entrer en musique en premier lieu, pour continuer à partir de là.”
Après avoir déchiré la photo du pape sur un plateau de télévision en 1992, Sinéad O'Connor a passé plusieurs années à se sentir en porte à faux avec son public ; sa vie privée – elle est la mère de quatre enfants, nés de quatre pères différents - a été largement commentée au point qu'elle décide de se retirer de la scène en 2003. Il lui semblait alors qu'elle avait tout dit, qu'elle s'était vidée de toute son essence. Faith and Devotion (2000), en particulier, apparaît comme le disque d'une femme qui se raccroche aux dernières parcelles de son intimité. L'album donne l'impression qu'elle s'est trop révèlée. La chanteuse pop s'y est mise en danger – inutilement. Dans sa trop grande sincérité, Faith and Courage est aussi punitif que vain. Avec Theology, Sinéad O'Connor reprend le chemin inverse ; elle retrouve dans la spiritualité les idées qu'elle a toujours cherché à défendre.
Sinéad O'Connor a muri. “Je ne ressens pas le besoin d'être trop pointilleuse, quand j'écris une chanson sur un sujet sensible. Mais je ne suis cependant pas stupide. Je vais être respectueuse, mais je vais être honnête avec moi-même.” Décrit par la chanteuse comme un album sans message, cela ne signifie pas que la chanteuse n'ait pas eut de fortes convictions pour le mener à bien. “Il y a beaucoup de raisons pour ce disque. Peut être que la meilleure, qui n'a pas jamais quitté mon esprit pendant l'enregistrement des morceaux, c'était qu'il s'agissait d'une réponse à ce que nous avons vu se produire dans le monde depuis le 11 septembre. Beaucoup de ce qui se produit, c'est à cause de la manière dont certaines personnes interprètent différentes théologies. Je suppose, que ce soit du côté de la Chrétienté ou de l'Islam, que c'est une mauvaise représentation de leurs theologies respectives – et de suggérer que Dieu encourage la violence comme manière de régler les conflits. Mon but avec ce disque est de représenter ce qui selon moi reflète le caractère le plus proche de Dieu, qui est sa volonté de paix et sa compassion.”
En décrivant Theology comme un album de chansons religieuses, O'Connor rapelle la situation de Bob Dylan en 1975. Peu de gens comprennent alors pourquoi celui-ci semble sous le coup d'une superstition soudaine. O'Connor, comme Dylan, cherche à apaiser sa vie à travers la pratique d'une croyance plus autonome qu'il n'y paraît. Cela reste une relation individuelle, une retranscription profondément personnelle du sentiment spirituel, une vision éloignée d'un monothéisme opposant des religions. Tous les dieux sont susceptibles d'exister, tant qu'ils provoquent la paix et non l'affrontement, tant qu'il n'empêche pas les hommes de se définir d'abord comme des hommes plutôt que comme les serviteurs d'un Dieu. O'Connor touche à un problème qui concerne tous les hommes s'ils ne font pas le choix de la tolérance. Une lourde menace à côté de laquelle la crise du disque (qui a particulièrement sévi entre 2000 et 2007), et, concrètement, le peu d'exemplaires de Theology vendus, paraissent bien dérisoires. D'ailleurs, O'Connor est presque soulagée de passer inaperçue, et fait valoir une nouvelle fois son humilité. Avec cet album plein de retenue, contenant (trop) peu d'affront, elle charme les journalistes autrefois en guerre avec elle. Elle les avait déjà endormis avec Sean Nos Nua (2003) puis Throw Down Your Arms (2005).
Theology est un double album dont la création s'est divisée entre Londres et Dublin. Les morceaux ont été enregistrés d'abord dans la capitale Irlandaise, seulement guitare acoustique et voix, puis à nouveau en Angleterre avec un large ensemble de musiciens et un producteur pop de renom, Ron Tom. Considérant chaque chanson comme une tentative de se reconnecter avec ses origines émotionelles, la chanteuse a recherché de nouveau le sentiment qui lui était venu une fois, tandis qu'elle chantait dans la chorale de son église, étant enfant. “C'est une sensation très douce. Comme si l'air vous enserrait chaleureusement. Le rock n'roll c'est génial, mais c'est une énergie que vous relâchez. Quand vous chantez [comme je l'ai fait sur Theology], vous avez l'impression d'une énergie qui vous gagne, vous nourrit.” C'est un album cohérent par la pureté de son émotion. A la colère, positive pour les faire progresser les autres, mais mauvaise pour soi-même, O'Connor a préféré se montrer enthousiaste et est parvenue à chasser la confusion. “J'ai délibérément écarté tout sentiment agressif”, commente O'Connor sur l'album. The Glory of Jah en est le meilleur exemple. “There is no holy one like U/U install kings and tak them down/Truly is no one beside U/U made all creation with wisdom”, chante t-elle. Outre la version acoustique de 33, la préférence de O'Connor va à Something Beautiful et If You Had a Vineyard. Cette dernière est, de toutes ses chansons, l'une des plus généreuses, pleine du soleil d'Israël, et de sa paix – on veut croire qu'un jour la paix, à cet endroit du monde, puisse devenir réalité.
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