Sinéad O'Connor dans un Trianon pas tout à fait plein : on voit bien que la carrière de la chanteuse originaire de Dublin est en berne en ce qui concerne la France. Si Sinéad O'Connor n'avait sorti que des albums comme I do Not Want What i Haven't Got (1990), son second disque, elle serait un autre genre d'artiste et n'aurait sans doute pas été aussi injustement oubliée de son public français. Sinéad O'Connor, c'est tout de même 25 millions d'albums vendus - dont plus de 10 millions pour ce seul deuxième opus.
Les jalons de son existence – revendications culturelles et historiques, relations aux religions, aux spiritualités, à l'universalité, à la maladie, et à la joie de l'enfantement - sont des thèmes parfois présents simultanément dans le cours d'une même chanson. Son œuvre n'est pas toujours aussi frappante que sur I do Not Want..., mais ses meilleures chansons, éparpillées jusque dans les disques les moins admirés, tels que Faith and Courage (2000) ou Universal Mother (1994), sont d'une consistance, d'une densité hors du commun. Elles profitent de textes braves, singuliers et en recherche de sentiment universels, capables de transcender le carcan de musique pop qui les rend pourtant si chatoyantes. « I have a universe inside me/Where i can go and spirit guides me » introduit t-elle, sur The Healing Room, juste après son apparition sur scène.
En 2012, ses chansons ont été rénovées, dynamisées, Sinéad O'Connor elle-même y étant pour beaucoup, tant le plaisir et l'aisance qu'elle a a piocher dans les divers épisodes de sa carrière est palpable. Elle est accompagnée d'un groupe puissant ; deux guitaristes, un claviériste/flûtiste, une bassiste, un batteur et une choriste. Les 20 morceaux qu'elle a choisis d'interpréter, depuis quelques concerts déjà, ne sont pas choisis au hasard ; ce sont les vingt chansons auxquelles va son affection – même si on la suspecte de vouloir traiter ses auditeurs en bon princes au vu de la quantité d'extraits d'I Do Not Want What i Haven't Got. Le tube Nothing Compares 2U sera présenté comme « une chanson que mon fils aime beaucoup, et qu'il a baptisée The Backyard Song. ». La chanson semble complètement neuve, et le couplet : « All the flowers that you planted mama/in the back yard/all died went you went away » résonne d'une véritable tendresse. Du même album, elle réinterprétera également les inoubliables Three Babies, The Last Day of Our Acquaintance – dernier hourra avant le rappel – et surtout une version a cappela, bouleversante, de I Am Stretched on Your Grave, chanson qui lie deux amants à la terre et dans laquelle leur amour prend la forme d'un pommier. « My apple tree my brightness/it's time we were together/for i smell of the earth/.and am worn by the weather. » Avec son tribut religieux, la chanson est plus proche du gospel vivace que de la litanie romantique ; la vie réelle s'y débat. La chanson est d'ailleurs dédiée à un ami disparu récemment.
Chaque chanson possède son identité propre, son couplet marquant, et non pas seulement un bon refrain ; et c'est encore vrai avec celles du nouvel album, How About I be Me ( and you be you) (2012). If i Had a Baby, The Wolf is Getting Married, Old Lady ou 4th and Wine sont rendues dans des versions puissantes, et même assourdissantes en ce qui concerne l'excellent Take off Your Shoes ou la reprise de John Grant, Queen of Denmark pendant le rappel. O'Connor parvient à introduire Reason With Me, la chanson la plus glaçante de son nouvel opus, avec humour. Elle s'excuse de n'avoir trouvé mieux que 'monkies' – ici relatifs à ses enfants – pour rimer avec junkie. « Hello, you don't know me/but i stole your laptop and i took your TV/i sold your granny's rosary for 50 p. » chante t-elle par la suite sur une musique plutôt macabre. Elle interrète une autre ballade célèbre, Jealous, ainsi que The Lamb Book of Life, véritable choc de cultures, entre dub Jamaïcain et musique Irlandaise traditionnelle. Sans oublier l très rock Jackie, tiré de son tout premier disque.
Elle est aussi ici pour défendre un album paru en 2007, et largement ignoré : Theology, qui est son disque préféré. The Glory of Jah et 33, qu'elle présentera comme sa chanson favorite parmi toutes celles qu'elle a écrites, portent dans la joie, sa ferveur de se connecter aux puissances divines. C'est là qu'elle atteint le meilleur compromis entre ses pensées personnelles, la résolution de ses doutes et ses désir pour le monde qui l'entoure. Before we End the Day termine le concert sur une note tout aussi holistique, et avec un grande élégance.
Malgré le parcours semé d'embuches de sa carrière, il n'y a qu'une seule Sinéad O'Connor, et elle le prouve par une leçon d'intégrité jusqu'à extrême. Elle apparaît ainsi toujours, et pour toujours, rasée, car «je ne me sens moi-même qu'avec la tête rasée. Et même quand je serai une vieille dame, je serai comme ça. » Et elle n'oublie pas la petite provocation, de celles qui l'ont rendus si impopulaires du côté le plus anglais de l'Irlande : « C'est difficile d'être dans un pays dont on ne parle pas la langue », s'excuse t-elle ainsi auprès de son public français. « Mais en Irlande on ne parle même pas notre propre langue ». Est-ce à dire le gaélique Irlandais ?
Set list (l'ordre des morceaux est approximatif) :
The Healing Room
I had a Baby
The Emperors New Clothes
The wolf is getting married
Never Get Old
Old Lady
Reason With me
I am Stretched on Your Grave (A cappela)
The Lamb Book of Life
4th and Wine
Jealous
Three Babies
The Glory of Jah
Nothin Compares 2 U
The Last Day of our Acquaintance
Take off your Shoes
Jackie
Queen of Denmark
33
Before we end Our Day
Dommage que la photo d'illustration soit celle d'un autre concert
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