“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

mardi 19 octobre 2010

Gonjasufi - A Sufi and a Killer



La voix de Sumach Ecks provient du plus profond de lui-même. C’est parce qu’il est, outre musicien professionnel et complètement dévoué à sa musique, également capable de donner des cours de yoga – sentant que sa voix était trop peu audible sans micro, explique t-il, il a adopté un ton guttural qui venait de son ventre. C’est ainsi qu’il a fait de sa faiblesse une force ; un précepte qui se multiplie à tous les niveaux sur A Suffi and a Killer, disque en forme de lutte pour la survie, en provenance d’un animal trop humain pour supporter sans broncher la loi de la jungle – chez lui, à Las Vegas, Ecks est l’objet de toutes les méfiances.  Sa tête le fait passer dans les meilleurs jours pour un junkie illuminé, et les autres pour un terroriste.

Ce premier disque sous le nom de Gonjasufi est le fruit d’un long cheminement depuis la violence exacerbée jusqu’à l’immobilité – si vous lui giflez une joue, Sumach Ecks tendra aujourd’hui l’autre joue, là où autrefois il vous aurait jeté une pierre dans le pare-brise avant de revenir s’occuper de vous avec sa batte de base-ball. Il a effectivement subi le coup de la pierre, et à ses dires il a simplement constaté les faits sans sortir de ses gonds : « Ah, Ok. ». C’est un peu l’histoire d’un type que les brimades et la haine raciale ont déséquilibré et qui décide de sauver son âme à travers la méditation, parce qu’il ne veut pas montrer le mauvais exemple à ses enfants. En fait, c’est exactement cela, car Ecks est effectivement devenu père de famille dans l’intervalle. Et il est devenu plus fort, sans quitter son siège, que tous ces américains mécréants, et premier rang desquels ces flics solitaires qui écoutent toute la journée une radio sans âme et traquent les petits délinquants au volant plein de graisse de leur véhicule. « J’ai appris la capacité à rester immobile. La chose la plus difficile à faire pour les gens est de rester immobile. Et dans l’immobilité vous créez le mouvement ».

Le sufi a décidé de se créer sa radio du désert à lui, en quelque sorte. Un habitué des régions Mojaves, un passionné de l’océan, c’est dans les grands espaces qu’il a écrit bon nombre des titres de son disque. A Sufi and a Killer en compte dix-neuf – souvent courts, nerveux, denses (sa musique a été qualifiée de stoner !) et fébriles, ils se révèlent comme une frise de figures antiques aux tons ocres, à peines dépoussiérée. Des forces peut-être occasionnellement maladroites, mais qui ont une grande qualité ; elles  laissent toutes cette impression d’avoir été extraites de la psyché du sufi lui-même, de pensées directes et raides auxquelles il insuffle un peu de vie.

C’est en concentrant des bribes d’impressions que Ecks parvient à donner le sentiment d’un disque complet et complexe – différentes dimensions, correspondant à différents états de conscience, s’empilent avec la simplicité que leur démarche gauche leur permet. Ce premier disque signé sur le label Warp, le plus grands des labels électroniques (Aphex Twin, Battles…) a eu beau bénéficier d’un bel appareil de promotion, il ne séduit pas immédiatement. Rêche, il parvient pourtant rapidement à ses fins grâce à des titres comme Ancestors, Dednd ou Holidays, et on finit par l’aimer pour sa qualité les plus importante ; son humanité, le fait qu’il soit les tripes et le cœur de son créateur. A Sufi and a Killer est produit au cordeau – de l’aveu de son auteur, le mixage (en compagnie de ses amis The Gaslamp Killer, Mainframe et Flying Lotus) a pris plus de temps que l’enregistrement – et pourtant, peut-être plus importante que le son général est cette voix aux intonations multiples, la façon dont elle sonne, s’éteint dans un souffle et revit dans la répétition d’une phrase, et ce qu’elle raconte, parce que ce premier album n’est pas qu’un travail d’esthète mais abrite aussi de vraies chansons. Quant au travail d’esthète, l’osmose entre voix et rythmes est remarquable, sur Holidays par exemple.

Certaines des chansons racontent des histoires – Suzie Q – mais elles se réfèrent souvent au sufi lui-même – c’est le cas de Sheep. C’est comme si Ecks avait voulu protéger les morceaux qui constituent A Sufi... en leur donnant un aspect esthétique insondable – astuce qui l’a finalement rattrapé, puisqu’elles ont servi de réceptacle à sa propre démarche protectrice. Malgré les beats urbains, c’est une musique qui appelle à la prudence, à l’humilité et au recueillement (Ancestors). Et – le plus important peut-être pour le sufi – son travail demande le respect (qu’il a obtenu sans difficultés depuis la parution du disque). Prudence, respect… des sentiments que Ecks est décidé à obtenir de nous, et sans lesquels il ne peut lui-même devenir ce « mouton, plutôt que d’être un lion », comme le raconte Sheep. La peur que sa mauvaise ombre ne reprenne le dessus en cas de provocation : « My shadow/It keep swallowing me » prévient t-il par le biais de Suzie Q. Il y a dans la métaphore de ce titre un message social et politique, preuve que les requêtes les plus spontanées sont capables de mettre en résonance toute personne dans les parages, quel que soit son passe-temps. A Sufi and a Killer contient peut-être la clef de l’autogestion – se maîtriser, ne jamais déborder… Comment ne pas y voir un sommet d’art populaire ? Doublé d’une plastique exigeante destinée à satisfaire une maison de disques à la pointe de ce qui se fait de mieux. Derrière un tel résultat, certaines structures peuvent tituber, ce n’est plus que du charme.   


  • Parution : mars 2010
  • Label : Warp
  • Production : The Gaslamp Killer, Gonjasuffi, Mainframe, Flying lotus
  • Genre : Psyché, Tribal, Hip-Hop, Stoner
  • A écouter : Ancestors, Holidays, Dednd



  • Note : 7.50/10
  • Qualités : original, lucide, groovy

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...