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mardi 23 novembre 2010

John Grant : artiste de l'année 2009 (1)

Voir aussi la deuxième partie de l'article non corrigé
Voir aussi la chronique de Queen of Denmark
Voir aussi l'interview de John Grant

 Article paru dans Trip Tips n°9




“Les premières vingt années de ma vie m’ont tellement marquées que j’ai mis les prochaines vingt années à m’en remettre ». Il n’y a pas que l’histoire fumeuse de sa vie pour faire de John Grant un cas à part dans le monde de la musique. A 41 ans, il ressemble au doyen d’une génération qui a fait ses armes à la fin des années 1990 ou au début de la première decennie des années 2000. Ses goûts musicaux vont donc naturellement à ses fameuses vingt premières années d’existence, les années 70 et 80. Par une sorte de miracle, il est resté admiratif très jeune devant Breakfast in America de Supertramp, le premier greatest Hits d’Abba (« Quand j’ai entendu pour la première fois la chanson SOS, j’ai perdu les pédales ») ou Horizon des Carpenters. Un paysage musical sucré, voire acidulé, avec lequel il ne renouera jamais aussi subtilement qu’avec Queen of Denmark. Un disque étrange et hors d’âge dont la franchise et l’humour sont déjà inespérés venant de Grant.

« Le disque prend superbement son envol, avec la chanson intense TC and the Honeybear. C’est tellement épique que je me retrouve souvent à accompagner sa voix riche et sensuelle et que je sens mon cœur me lâcher quelque peu à la fin du morceau. C’est le genre de pouvoir émotionnel qui me donne envie de l’écouter encore et encore ». Un témoignage presque banal, écrit par un bloggeur américain ; la chanson qu’il évoque l’est beaucoup moins. On y croise, déjà, des personnages entre peluches ridicules et figures phantasmagoriques, dans une étrange ambiance de coming-out romanesque. Ce n’est plus un secret pour ceux qui sont tombés amoureux de Queen of Denmark que John Grant aime les hommes. Pourtant s’il y a une métaphore à saisir ici, elle concerne plutôt la force d’un premier amour contée avec les éléments d’un dessin animé. A la fin du morceau, la voix de Grant s’envole littéralement, change peu à peu de ton jusquà rencontrer celle de l’adolescent au cœur tendre qu’il a été. « He said please don't take him/'Cause I love him/He's my joy and my life”.

I Wanna Go to Marz ressemble au menu vintage d’un gosse en arrêt devant le magasin de bonbons (le fameuse boutique Marz existe bel et bien) du coin, une liste de douceurs et de cocktails. « 
Bittersweet strawberry marshmallow butterscotch/Polarbear cashew dixieland phosphate chocolate”, énumère John Grant d’une voix tout à fait reposée sur une jolie mélodie au piano qu’il compara une fois à la bande originale de l’Exorciste. Pas besoin d’aller plus loin pour tirer des conclusions de ce disque lumineux et décalé autant qu’il est douloureux, une douleur à peine grimée par le plaisir gourmand du souvenir. Cette douleur se révèlera sous des dehors ironiques ou plaintifs sur d’autres titres, mais en évitant toujours le cynisme que ce personnage digne de Hubert Selby JR – Queen of Denmark est un peu la tragéde du Démon revisitée au pays des jouets.

Les boutiques de friandises sont un lointain souvenir, dans une vie traversée de moments de flottement et d’égarement ; et ce cynisme, il l’a usé jusqu’à la corde comme réponse au mépris obtus qui l’a élevé. Grant est devenu roi dans un monde où l’art ne se rapporterait qu’à soi, ne serait qu’une manière de dealer avec des situations embarrassantes et d’autres dont le seul souvenir peut miner la santé. Et tous les sentiments collent aussi à la peau. Grant s’en débarrasse avec autant de dérision que le reste, par petits morceaux, dans chaque titre de Queen of Denmark. A ce moment là de l’écoute – second titre -, la qualité d’écriture hors du commun du disque est établie. On se dit qu’il est temps d’ouvrir une bouteille ; comme il s’avèrera plus tard, les protagonistes à qui porter le toast sont nombreux ; certains sont diffus, d’autres ont des noms. Ce sont Sigourney Weaver, Winona Ryder ou Jesus Christ.

Malmené dans sa relation avec ses parents, Grant grille longtemps ses forces au combat intérieur entre sa moralité et ses désirs, désirs qu’il n’assumera que bien plus tard. En séjour en Allemagne, il envisage de devenir professeur d’anglais, avant de réaliser que sa maîtrise de la langue maternelle n’est pas à la hauteur de ses ambitions.  Ses doutes et son manque d’estime de soi vont peu à peu le conduire dans des situations étrangères à son entendement. Ses expériences plus tardives avec la drogue sont un moyen de se plonger en lui-même, mais sans rien en retirer. “ll y avait des gens qui n’acceptaient de relations sexuelles avec moi que si je prenais de la cocaïne avec eux. » raconte-t-il. « Ensuite je m suis mis au crack. Je me réveillais le matin avec des cuillères noircies sur la table de chevet, et quelqu’un à mes côtés, c’était terrifiant. Je m’en suis sorti juste à temps. » C’est à partir de cette situation au plus bas que Grant va lentement se reconstruire, se réparer notamment grâce à la musique. Son ancien groupe, les Czars, formé en 1994, n’est alors plus qu’un souvenir. Queens of Denmark lui fera relever la tête. « C’est ce dont cet album parle. Je suis en colère parce que j’ai eu peur toutes ces années, juste d’être ce que je suis ». Grant est très exigeant avec lui – même, il ne voit en ce nouvel album maniaque et possessif qu’une libération. Et avance que si Queen of Denmark avait finalement échoué à se concrétiser après la bataille interne qu’il a suscitée, il aurait probablement mis fin à ses jours.

Retour en 1994. Les Czars se forment ; Grant est au piano et au chant, il y a deux guitaristes, un bassiste, un batteur. L’atout du groupe, ce qui les démarquera du lot, c’est la voix de Grant. Bien qu’au premier abord, elle n’ait rien de particulier – pas de verve très rock, ni de tranchant – elle sait toucher un point sensible en profondeur. Sans effort ni la moindre grandiloquence. Au moment des deux premiers disques autoproduits, cependant, tout n’est pas encore en place ; Grant trouvera même, avec une sévérité en passe de devenir légendaire, les chansons nulles et son chant faux.  Parmi les bons souvenirs du groupe, une tournée avec les Flaming Lips en Espagne.

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