Bernard Sumner et son groupe New Order se sont révélés, au cours des années, particulièrement attachants, car capables de créer et de répéter, sans l’emprise du temps, une musique dans laquelle on se sentait bien, avec une vision très focalisée et des résultats toujours honnêtes. Le dernier de leurs disques, Republic (1993), laissait entrevoir une certaine lassitude à être New Order. En 2001, cela fait plus de vingt ans qu’ils entretiennent un feu né à l’implosion de Joy Division (en 1980), le groupe de Ian Curtis, et entretenu par des vélléités qui les ont toujours plus rapprochés de la lumière. Les trois compagnons du mythe Curtis, Bernard Sumner, Stephan Morris et Peter Hook ont joué dans la lumière de leur gloire post-rock avec une discrétion toute à leur honneur, et la qualité de leur travail ne nous laissait seule deviner leur motivation sincère à continuer ensemble.
Aujourd’hui pop caressante et non plus post punk, aérienne et non plus souterraine, la musique du groupe a soutenu les métamorphoses en gardant la flamme – l’âme - qui fait de New Order un groupe plus intéressant et complexe que ce qu’une approche distraite peut suggérer. nombreux admirateurs de Bernard Sumner, le leader passionnant du groupe, le savent ; se passer la compilation de tous les singles qu’ils ont produits das les années 80 ne fait pas parler toute la poudre. C’est comme résumer Talk Talk à It’s My Life (1984). Pour les rejoindre, il faut sans doute commencer emprunter les sentiers électroniques profondément matures de Power, Corruption and Lies (1983), puis s’attarder sur Low Life, et enfin sur la fameuse collection des singles qui sont parus entre tous leurs disques et qui n’y figurent pas – qui en fait l’une des formations les plus productives de ce genre de first hits dont on dirait bien que la production anglaise s’est lassée aujourd’hui.
Get Ready est une fenêtre qui laisse deviner ce qu’est le son du groupe au XXI èeme siècle, après une décennie un peu creuse. Un disque qui annonce leur dernière transformation (New Order va cesser d’exister en 2009), vers plus de guitares. Un son plus rock alternatif et moins techno-pop comme il l’était à l’époque où l’admiration pour Kraftwerk les conduisaient à leur offrir de nombreux clins d’œil, sans jamais pourtant les plagier. Comme les pionniers de l’électro Allemande, il sera fréquent que l’on demande au groupe comment ils ont obtenu tel ou tel élément de percussion sur les disques qu’ils ont produits dans les années 80. L’époque des boites à rythmes et des batteries électroniques donc. Aujourd’hui, c’est un son plus organique, plus naturel, en témoigne l’utilisation systématique par le programmeur/batteur Stephen Morris d’un jeu live en plus des beats électroniques.
Plus chaud, il perd ce genre d’agressivité surnaturelle propre à un groupe qui savait sonner, en 1983, juste un peu différemment de ce qu’on s’attendait à percevoir – comme Kraftwerk qui, sur des albums tels que The Man Machine (1977) ont bien joué avec les appréhensions de l’auditeur.
Peter Hook est, on ne peut le laisser de côté, un excellent bassiste. Sur ce disque, les tempos rapides ( Crystal, 60 Miles an Hour, Primitive Notion), lui permettent de s’en donner à cœur joie, délivrant un rock plus enlevé que par le passé.
Get Ready sonne un peu comme l’album d’une légende qui refuse de s’esquiver, malgré sa faiblesse évidente à briller de nouveau. Empruntant des chemins de traverse, des voies qui rendent souvent le résultat sympathique et mélodieux sans secouer autant que par le passé, le disque joue beaucoup sur une touche distinctive, cette fameuse poudre d’étoile qui donne aux morceaux leur âme et les sauve de n’être que suite de bonnes chansons pop. Auprès des admirateurs du travail du groupe et de leur son si reconnaissable, le disque opère d’un fort pouvoir de mélancolie – temps qui n’est plus vraiemnt là, ais qui persiste tout de même à pointer son nez, au milieu de productions radio sans âme, sans vie. Parfois, Get ready est vraiment émouvant, et à mon avis, la mystique qu’il protège jalousement est plus grande que celle de formations comme Cure ou Depeche Mode – je ne compare pas la qualité du contenu. Il y a dans ce disque un genre de langueur qui fait de son tout une œuvre de qualité supérieure à la somme de ses parties.
S’il l’on tente de démystifier l’ensemble, Crystal, Primitive Notion, Rock the Shack ou Close Range en sont les sommets, malgré des longueurs – avec cette propension étrange à renâcler de terminer les titres. 60 Miles an Hour est fait pour la radio, tandis que Someone Like You démarre avec des accents inquiétants, avant de devenir un improbable galimatias mélodique ; tous deux semblent un peu datés.
Il y a aussi l’aspect volontairement enfantin de certaines paroles, et qui rappelle le rapport particulier de Sumner à sa condition de parolier, chose qui lui est tombée dessus, un jour, par hasard. Le point de remontrnces du disque s’il devait y en avoir… Mais la course est tellement belle que c’est comme de maudire des marathoniens de ne pas participer au cent mètres. Crystal va briller jusqu'à la fin de cette décennie, en en étant l’un des tous meilleurs morceaux.
- Parution : 27 Août 2001
- Label : London Records 90
- Producteur : New Order
- A écouter : Crystal, Primitive Notion, Close Range
- Appréciation : Méritant
- Note : 6/10
- Qualités : groovy, attachant, frais
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