Un clip qui invoque l'esthétique des années 70 et le Pink Floyd de Live at Pompéi (1972). Le résultat paraît plus viscéral que décalé, le groupe n'était pas là seulement pour nous amuser. Comment faire du psychédélisme 'maison' ou artisanal, sans un déluge d'effets visuels, quand on commençait en s'en lasser. King Gizzard joue d'un sens de l'authenticité pour un morceau violent ! La voix du chanteur guitariste Stu Mackenzie est de plus en plus incisive, capable d'accentuer certaines syllabes, comme pour encoder leur garage- rock dans notre cerveau. Le compte rendu de leur concert à la Flèche d'Or. Bandcamp : https://kinggizzard.bandcamp.com/album/nonagon-infinity-2
"As loose as they are, they still sound
incredibly tight, if that makes sense », peut-on lire en
commentaire d'une vidéo live du groupe-collectif australien
KingGizzard and the Wizard Lizard sur internet. Oui,pourrait t-on répondre, cela a un sens de dire qu'il sont incroyablement rigoureux, tout en abandonnant leur musique à des longueurs, allongée sur le stomp furieux de deux batteurs.
Mais ce n'est pas le seul paradoxe de ce groupe, qui est aussi fun
que sinistre, et sort en 2016 leur album le plus punitif, encore à
paraître au moment de ce concert. Prenez leur dernier album en date,
Papier Maché Dream Balloon, qui prenait le contre-pied du précédent (une habitude) en présentant des morceaux acoustiques, faisant ressortir les
influences bluesy du groupe.
Le meilleur morceau de cet album,
Trapdoor, est inquiétant, habité. On pense aux Black Lips. C'était
le seul morceau de cet album qui sera joué ce sort, son côté
répétitif et obsédant se prêtant à un concert fait pour marquer
le subconscient. Le groupe joue visiblement ce soir dans un élan qui
a commencé à 2015, lorsqu'il ont inclus à leurs sets à la fois Head
On/Pill,The River et toutes les pièces détachées d'I'm in Your Mind, issues
de l'album portant ce nom, celui qui semble les avoir vraiment révélés en 2015.
Ils ont donné leur propre sens à la
musique garage punk rock, ne se contentant pas de ressusciter les
années 60. Les années 60 n'existent que dans la tête des
nostalgiques dont King Gizzard n'a rien à faire. Ils ne sont pas là
pour signer des pochettes mais pour abattre en particulier les
morceaux punitifs de leur futur nouvel album, tels Robot Stop, Gamma
Knife et People-Vultures, qui portent l'intensité un cran au delà
de ce que propose les parangons du genre, les californiens Thee oh Sees, dont King
Gizzard s'affirme comme le pendant australien. Il n'y a pas vraiment
d'autre groupe dans le genre à se montrer aussi prolifique avec le même
succès dynamite.
Le concert à la Flèche d'Or a servi d'intense
séance de rattrapage pour quelqu'un étant resté sur Oddments (2014).
Leurs revendications se sont noyées dans la sueur, mais le
lendemain, en écoutant leur musique psychédélique et abrasive
l'esprit clair, on est émerveillé. Vraiment, on se demande ce qu'il font
en ce 5 mars, après avoir donné autant de concerts depuis plusieurs
semaines, et on le suppose, avec toujours la même intensité. On
imagine le chanteur/compositeur/multi-instrumentiste Stu Mackenzie
se mettant, tranquillement, à composer leur deuxième album de 2016.
Avec un sitar, il en est capable.
Mettons qu'on invente de toutes pièces un passionné de musique, installé à Paris, qui déciderait de partir mystérieusement pour l'Austraslie, Melbourne. Mettons que ce soit une fille (oui, ça évite qu'on me soupçonne de vouloir partir). Enfin, le groupe qu'elle (ou il) devrait rencontrer d'urgence, voir sur scène live, c'est celui-ci. Pour reprendre les gens de là bas : "These dudes are one of a kind, or seven of a kind, I don't know how many of them there are but regardless, fucking sweet." Oui, ils sont sept. Et 'doux' n'est pas vraiment l'adjectif qui leur irait le mieux. Il sont piquants. Du psychédélisme cru, strident, qui déborde, mais se paie le luxe de ressembler à Pavement, le temps de Stressin'. Pour le reste, on pense du vent de liberté garage des Thee Oh Sees, dont King Gizzard partage la créativité prolifique. De sorciers, ceux-là n'ont pas que le bâton de pluie (il est bien là, sur Homeless Man in Adidas, avec un incursion aussi des oiseaux locaux), mais tout l'attirail mélodique très particulier. Ils utilisent l'électricité comme Captain Beefheart, pour le plaisir de la télékinésie, pour mentir aux sens, produire des formes et des couleurs forcément hallucinées. Work This Time est un morceau incroyable. Ah oui, j'oubliais : le son est volontairement pourri. Heureusement que le son mp3 ne ressemble pas toujours à ça.