“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

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samedi 20 mai 2017

{archive} THE AFGHAN WHIGS - Black Love (1996)


OO
Rock
nocturne, intense, lyrique


Greg Dulli a été désigné de bien des façons tout au long de sa carrière. Il a été qualifié de misanthrope, de misogyne, d’arrogant. Ses obsessions charnelles, bien documentées dans son œuvre, et son attitude extravagante en concert ont certainement cimenté la perception de Dulli comme de la star de rock caricaturale - froid, insensible, et complètement égocentrique. Toutes ces allégations pouvaient être vraies à d’autres époques, tandis que le groupe fonçait, dévoyé par sa fascination pour les sentiments extrêmes.

En 1996, dans l'indifférence de la critique et surtout accablé de comparaisons défavorables avec son prédécesseur toxique, Gentlemen (1995), paraît Black Love, une tentative d'album grunge romantique. Greg Dulli, Rick McCollum, John Curley, Paul Buchigani, et une cohorte de participants incluant Doug Falsetti aux percussions et aux chœurs et Harold Chichester au piano rhodes ou à l'orgue, arrondissent le son des Afghan Whigs, le rendent plus mouvant et existentiel, laissent s'insinuer les doutes et les hésitations, ne laissant comme provocation qu'un sens de la mise scène audacieux. En témoigne l'un des refrains les plus excitants du disque, sur Going Into Town : « Go to town, burnt it down, turn around/and get your stroll on babe/I'll get the car/you get the match and gasoline. »

L'égocentrisme supposé de Dulli réside dans sa façon de dramatiser les brèches les plus condamnables de sa psyché. Évidement un tel don n'est pas évident à contrôler, et on pourrait énumérer les débordements des premières années. Mais le chanteur a depuis montré un profond respect pour ses amis, pour les gens qui gravitent autour de lui, et toutes les accusations portées ne sont devenues que jalousie stérile. Il ne reste de cette période le souvenir que d'une seule confrontation, assez banale : celle contre le label accusé de négligence, pas de quoi salir la réputation d'un homme.

Reste que Black Love est un album hybride, qui brille mieux à travers la subtilité de sa production que ne l'ont fait les précédents chapitres du groupe. C'est notamment vrai pour les ballades, même si elles offrent, tout comme les moments plus rock, des raisons de se méprendre sur la teneur des propos du chanteur. "The drug of your smile has gone and left me alone … I need it, sweet baby, please. Won't you answer the phone ? ... I have to ask. I need to know. Was it ever love?" C'est à toi de me le dire, connard, pourrait t-on lui répondre. On trouve sur dans ces moments de vulnérabilité inhabituelle des allusions aux mensonges et aux infidélités supposés de Dulli, certains diraient énoncés avec une maladresse volontaire exprès pour susciter l’indulgence de son entourage et de son public. Mais comment se débarrasser de ce dont on l'accable, si enregistrer un tel album ne suffit plus ?

Peut-être Black Love répond t-il d'un 'concept' volontaire , plus profond que tout ce qui a été exprimé par le groupe jusque là : un homme perpétuellement infidèle ne peut jamais connaître l’amour – ne jamais connaître la sincérité de la douleur à la perte de celle qu’il a continuellement bafouée. Et si c'était vraiment le cœur noir de l'album, l'album serait t-il mauvais pour autant ?

Malgré des chanson intransigeantes, comme Double Day et Blame, Etc, le sentiment n'est jamais à la haine, l'injustice révèle un aspect subjectif assumé, comme avec le même panache que les Afghan Whigs assument reprendre le flambeau du rock tel qu'il s'est toujours exprimé : matamore et sensible. S'ils jouent de leur renommée, c'est en jouant sur le lyrisme idéaliste de leur combat.

Night by Candlelight met Greg Dulli au pied du mur, tandis qu'il nous prend à parti à propos de sa sincérité. « Repeat these words/After Me/In all honesty/If you dare to believe this/Yourself. » Il trouve les termes justes pour désamorcer le présumé vernis prétentieux. Comme si c'était l'arrogance qui faisait rutiler les chansons ! Au contraire, Gentlemen avait éconduit Greg Dulli, mal à l'aise à l'idée d'interpréter ses propres chansons en concert pendant des années, jusqu'à ce qu'il se décide à les prendre au second degré.

Musicalement, l'album profite de la participation de Harold Chichester dans les atermoiements, même s'il rend parfois la trame un peu brouillonne. La guitare brûlante de McCollum prend les devants sonores pour éviter que Black Love ne sacrifie son immédiateté, même lorsque Dulli se traîne lui-même sur la braise. John Curley et Paul Buchignani préservent le mordant rythmique qui avait retenu l'attention auparavant.

L'album devient peu à peu plus limpide, tandis que les paroles cherchent à retrouver le contact de la vérité. La discorde émotionnelle de Dulli n’est pas entièrement résolue à la fin - bien que la seconde moitié de l’album soit nettement moins ambivalente. Il y a peu à peu une sorte de percée, comme si le chanteur mettait de côté la colère, le regret et la luxure: "Love I can't hide / But it's been easier since I said it now." sur Bulletproof, a chanson qui ouvre sur un véritable revirement vers un groupe momentanément plus apaisé et un chanteur plus confiant. Summer's Kiss poursuit dans cette voie. « Come lay down in the cool grass/with me, baby let's wtach taht/summer fade. » Et si les pulsions morbides vont toujours de pair avec l'extase que montre le chanteur, leur rock devient pourtant bien plus conciliant.

« Better get your ass up in the mountain, baby, i'll take you up tonight. » Femme ou homme, rien ne contre-indique qu'on puisse chanter cela sans être accusé d'un crime. Le crime serait de se défiler. Black Love, un album démarrant avec l'évocation d'un suicide, la perte injuste d'une amie, en sait quelque chose. « Me remettre en selle avec cette chanson, ouvrir les concerts avec Crime Scene était super. J'avais oublié combien j'aimais cette chanson, qui est un message très sensible adressé à une amie ayant choisi de partir de sa propre main. Tandis que c'était une chanson douloureuse au moment de l'enregistrer, le temps a passé, et j'ai été heureux de la ressentir désormais plutôt comme un hommage que comme un exorcisme. » confie Dulli lors de son interview à music OMH à l'occasion de la sortie de Do To the Beast, en 2014.

mardi 10 mai 2011

Smog - The Doctor Came at Dawn (1996)


Parution : septembre 1996
Label : Drag City
Genre : Lo-fi, Folk
A écouter : You Moved In, Lize, All Your Women Things

7.75/10
Qualités : lucide, sombre, envoûtant, pénétrant


The Doctor Came At Dawn est un disque à part dans la carrière de Callahan, et mérite d’être écouté en tant qu’« expérience » sentimentale et intuitive définitive. Complètement épanoui, le sentiment est presque palpable ; il est sensation, l’impression de se trouver plongé dans les eaux au large d’une île – cette île favorite où Smog voudrait que personne ne le suive - où l’on aperçoit Callahan apparaître, parfois, sur la plage, nous jauger gravement, prononcer lentement des mots, d’une voix qui se perd dans les bruits du ressac et sans que l’on sache réellement quel rôle il a joué dans la façon dont nous sommes plongés là. Il semble plus subtilement qu’auparavant possédé par son alter égo. La torpeur de sa musique soigne autant qu’elle consume. On observe Callahan-Smog qui plonge,  sonde la mer tandis que l’on flotte, transis. Cette superbe caravelle sur la pochette, c’est le cortège de l’amour qui défile au loin, si ralenti qu’il s’expose à toute contemplation. Il continue sa route sans nous voir, attendant simplement d’être regardé à distance par tous ceux qui percent hors de l’eau et ne savent pas où ils se trouvent.


Julius Caesar et Wild Love étaient l’occasion de faire preuve d’une inventivité sonore fracassante, avec le manque de moyens et la volonté de dérouter l’auditeur sans arrêt comme leviers. The Doctor Came at Dawn est d’un seul tenant (ou presque) ; la lenteur qu’il décrit est à la fois tristesse et agonie de jeunes couples et félicité dans la découverte d’un nouveau romantisme dont Callahan tire des forces décuplées, et qui culminera sur Red Apple Falls, l’album à suivre. Callahan y déplace sa volonté de manœuvre vers plus de subtilité. « You go with the other men/ I beat myself to sleep » (« Va avec l’autre homme/je m’oblige à dormir »)  explorant un stade des relations amoureuses où tous les tours  semble déjà usés, nous projetant dans l’après ; et, malgré toute la sombre aura de Doctor Came at Dawn, cet état post-amoureux (post-coïtal ?) est proche de la béatitude, c’est un grand frisson. Même dans ces moments les plus terribles : « You don't make lies/Like you used to/ In the old days/You took pride in your lies/You used to pay more attention/To détails » (« Tu ne fais plus de mensonges/comme tu en avais l’habitude/dans les vieux jours/Tu tirais de la fierté de tes mensonges/Tu faisais plus attention/aux détails. » Ces paroles sont tirées de Lize, une chanson hypnotique interprétée en duo avec sa compagne et muse d’un temps, Cynthia Dall, elle-même talentueuse musicienne. Leur unisson produit une réalité de vie dont le disque s’est par ailleurs éloigné au profit de méditations vertigineuses.



Au centre du disque, c’est ce regard doux-amer sur le passé, une nostalgie des vicissitudes de relations juvéniles.  Callahan, emporté par Smog, dominé par une seconde nature, est capable d’une lucidité sans limites.


Malgré l’avancement de la dégradation de tous rapports humains, Smog n’oublie pas l’époque où tout était différent, où les relations se multipliaient, et n’exclut pas de retourner à tout moment à cet état antérieur de sa progression. « It’s been seven years and the though of you name still makes me weak at the knees » (« Ca fait sept ans et la seule pensée de ton nom me dérobe de mes jambes »). La thématique récurrente n’est pas seulement celle de l’eau, comme dans la poésie de Spread Your Blooby Wings : « Briney waters singe their skins/Icy waves drive them back again/Helmets oars and Swords/Are washed upon the shore » mais c’est la fascination pour les limites, ou l’absence de limites, d’un océan entier, avec la ligne d’horizon, et sa légère courbe, comme seul signe de faire encore partie d’une civilisation, d’un monde ou tant d’être humains, tant de relations, tant de femmes peuvent susciter une envie de lucidité. La musique étirée, étrange, cinématique dans les meilleures chansons – All Your Women Things, Lize, Spread Your Bloody Wings, baigne les personnages, s’immisce en eux comme un fluide, souligne leur enveloppe sensuelle, nous donne la sensation qu’ils partagent notre air, ou notre eau, lorsqu’ils apparaissent. « You just danced to the symphony/Of the musical sound of/Your ever expanding sea ». 

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