OO
lucide, engagé, entraînant
rock, punk rock
Un album très concret, capable de restaurer cette idée écornée comme quoi le rock serait le son de la rébellion. Et d'autant plus remarquable qu'en 17 chansons, Youth Detention devient une œuvre kaléidoscopique, empruntant à tout ce qu'il y a de plus littéral, de la pop punk des années 90 aux Mountain Goats, au moins vingt cinq ans à trente ans de sensibilités exacerbées à l'usage des ados américains. Quoi de mieux que d'exhorter les jeune génération avec un son rock rénové, et des samples choisis pour leur penchant subversif (les black panthers...).
L'album démarre carrément échevelé avant de s'installer peut à peu avec les chansons les plus détaillées, décrivant les zones suburbaines, où l'expérimentation sociale bat son plein, où il faut concilier les besoins et les craintes, les espoirs et les illusions. Les jeunes Noirs ont envie d'être blancs, les Blancs ne se sentent pas fiers, ils rêvent de reconnaissance, de distinction, dans un pays qui leur offre de n'être que la norme. « I don't want to be a whitewash. I don't want to be an absence. I don't want to be the great silence. I don't want to be nobody. I don't want to be from noplace. Don't want to we out memory. Don't want to fortify a colony. » Pour l'ampleur de la palette émotionnelle, on pense à Titus Andronicus. Pour le retour éternel des mélodies, à REM. Voilà ce qu'il en est de faire partie de l' « ethnie dominante » dans un pays qui refuse parfois de faire une fête de sa diversité, obnubilé par un certain travail à abattre.
Lorsque Lee Bains avoue son désir de vraie liberté, de ne servir les desseins de personne, l'album prend une autre épaisseur. Il ne se contente pas de refuser la passivité en chantant du rock, il fait œuvre minutieuse, plus contrastée qu'un simple manifeste. Underneath the Sheets of White Noise signe l'apogée de ces chansons écrites à la première personne, en réaction au refus d'être instrumentalisé, et la volonté de se réapproprier le territoire, de présenter ses alliés et leurs moyens d'action. Les trois principaux alliés de Bains, ce sont les frères Adam et Blake Williamson à la section rythmique, ainsi que Eric Wallace à la guitare. L'album a été enregistré à Nashville, Tennessee, et mixé en Georgie et dans l'Alabama.
Pièce centrale, Crooked Letters est fameusement traversée du chant d'une classe d'élèves. Ils répètent le mot Mississippi, avec un jeu sur la lettre « S ». La dimension sociale est encore plus forte ici, la chanson offre certaines des pensées les plus abouties de Lee Bains, qui semble avoir trouvé sa place et compris, à ce point de l'album, ce qui changera et ce qui restera, et pourquoi il devra toujours se demander s'il est plutôt noir ou blanc, ce que ça signifie, puis si telle possession, telle fabrication, telle invention est plutôt noire ou blanche, que cette question s'applique à chaque silhouette et chaque empreinte américaine, et que ce qui peut être fait c'est de surprendre en répondant avec d'autre mots, d'autres nuances. « I used to be darker, then I got lighter, then I got dark again », a chanté Bill Callahan. Les chansons de Lee Bains sont fouillées pour cela ; la couleur de son environnement ne dépend pas de présupposés ethniques, mais de la lumière. « Guilt is not a felling, it's a natural fact ».
Il fait entrer la lumière, éclaire les personnes pour les soulager de leur honte, comme d'une tâche portée sur eux. Nail my Feet Down to the Southside of Town est un autre moment particulièrement attentif à une ambiance, comme un tournant de l'histoire encapsulé en chanson, dans un album qui privilégie souvent les autoportraits spontanés (I Can Change, Had to Laugh).
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