Label: Matador
Genre : Hardcore, Punk, rock
A écouter : Triumph of Life, Fixed Race, Dangerous Fumes
Note : 7.75/10
Qualités : puissant, fun, soigné
No Pasaran, le premier single de Fucked Up en 2002, est une course punk hardcore primitive qui suggérait que la volonté du groupe à faire preuve de musicalité n’était encore qu’un fantôme de leurs aspirations. Lorsqu’on écoutait Chemistry of Common Life (2008), on ne pouvait que saluer le chemin parcouru en l’espace de six ans. Ils avaient gagné pour ce disque le Polaris Prize et été adulés par la presse. Et ce parce que, sous leurs faux airs – encore affichés en abandon sur le pochette de Couple Tracks - , les membres du groupe sont de gros travailleurs, qui ne cessent depuis leurs débuts de faire paraître sur différents labels des preuves viscérales et nécessaires de leur évolution. Parmi cette impressionnante discographie, on retient notamment deux « vrais » albums qui ont indéniablement marqué leur temps, Chemistry... et avant cela Hidden World (2006).
A l’heure de Couple Tracks, compilation de singles, B-sides, démos et autres reprises, aujourd’hui, Fucked Up est au sommet de la courbe qui les propulse de plus en plus vite vers les sommets ; et cette même compilation témoigne de leur triomphante trajectoire, puisqu’on démarre sur des coupures rêches pour rapidement gagner de nouvelles sphères au travers de titre comme Triumph of Life, ou les guitares sont dédoublées dans un effort de production qui les éloigne toujours plus de Black Flag.
Ce progrès évident vers plus de puissance, d’ampleur et de clarté de son n’empêche pas Fucked Up de protéger, et même de faire croitre leur âme ; ils deviennent maintenant reconnaissables entre mille, par la voix de plus en plus forte et dramatique de leur chanteur, par leur propension à toujours repartir de la même base à la dynamique inébranlable ; trois accords le plus souvent, sur lesquels interviennent différents retournements seulement conduits par une énergie brute et une aspiration à la justesse. En concert, ils sont une force de la nature.
Vingt-cinq titres, deux disques, sous-titrés The Hard One et The Fun One, le second étant plus aride que le premier. The Hard One est tellement impressionnant qu’il laisse penser que Fucked Up est a été ces dernières années le meilleur groupe de punk hardcore du monde, combinant habileté, énergie brute et sens de la mélodie avec un brio inégalé et une netteté qui les rends agréables à écouter. Ils ouvrent éventuellement de nouveaux ponts vers le rock alternatif, deviennent au fil du temps plus démocratiques ; leur force de subversion, plutôt que d’être dans la provocation et dans le défi comme de nombreux groupes de ce genre souvent extrême, semble se situer dans un certain humour qu’ils véhiculent et partagent volontiers sans cynisme.
Leur générosité, simplement évidente si l’on considère ce seul et massif Couple Tracks de 75 minutes – quand la durée d’un disque punk est d’environ 30 minutes – est aussi une valeur appliquée à la nature même de leur art, qui se fait partageur, échangeur, emprunteur. Le second disque est plus affectif et moins ambitieux que le premier. Il ne témoigne pas de la même progression, mais propose tout autant de numéros de bravoure. On y trouve quelques reprises, Anorak City (des Another Sunny Day) I Don't Wanna Be Friends with You et Looking Back (The Shop Assistants), Dream Come True et He's So Frisky (Dolly Mixture).
Fucked Up savent donc instaurer une relation forte avec l’auditeur, une relation de confiance ; et même s’il démarrent en surprenant quelque peu ceux qui les ont découverts avec les déjà très formés Hidden World et The Chemistry of Common Life, ils savent tour à tour susciter l’intérêt puis véritablement nous passionner par des rudesses de choix qui construisent une escalade progressive vers l’extase. Presque tout est jubilatoire et direct, avec mention spéciale à Fixed Race ou Dangerous Fumes.
Une précédente compilation, Epics in Minutes (2004), n’avait suscité que peu d’intérêt ; et jusque là, Fucked Up est demeuré trop confidentiel. Pourtant, à l’heure où l’on encense la moindre tentative de « nouveauté », leur rôle est important ; nous permettre de continuer à croire que le rock est une affaire d’efficacité de souffle, de force épique, de foi dans le bruit, susciter la joie. Fucked Up est l’un des groupes les plus communicatifs de son temps, il faut en profiter !
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