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mardi 12 novembre 2013

{archive} LOU REED - Magic and Loss (1992)




OO
poignant
Rock, songwriter

Cet album contient certaines des chansons les plus décontractées de Lou Reed, et pourtant intenses – même sans tenir compte du phrasé extraordinaire du chanteur. A voir la façon dont le légendaire Little Jimmy Scott, chanteur de early rythm and blues devenu prince des ballades jazz, double Reed sur la chanson Power and Glory, on se dit qu'il y a quelque chose de spécial, presque obséquieux, à l’œuvre. Little Jimmy Scott, né en 1925, a survécu à Lou Reed, même s'il ne chante plus.
Les sous-titres des chansons de Magic and Loss – 'la thèse, 'la situation', puis le développement jusqu'au 'résumé' constitué par la chanson-titre, la plus étonnante, à la fin – montrent avec un certain académisme qu'il s'agit d'un concept album. Au-delà de sa jaquette morbide qui évoque aussi bien la route descendue que la tombe et le linceul de Lou Reed.
Le principal pouvoir d’attraction de cet album, c'est le tandem constitué par Magician et Sword of Damocles, deux chansons qui depuis la mort de Lou Reed semblent capables d'en jouer l'épitaphe éternellement. Un diabète doublé d'une allergie à l'insuline, c'est une épée de Damoclès à la hauteur de celle de la chanson : «They're trying a new treatment to get you out of bed/But radiation kills both bad and good. » Le cancer. « Inside i'm alive please take me away/So many things to do – it's too early/For my ife to be ending/For this body to simply rot away. » C'est poignant d'entendre Lou Reed poétiser la pourriture des chairs au moment précis où il est en train d'en faire l'expérience. Et si ses proches ont opté pour les cendres, la divinement léthargique Goodby Mass et Cremation développent plus loin, avec la même teneur poétique, les chemins parallèles de la mort, comme s'il s'agissait simplement d'étudier la carte du quartier de Southampton et de choisir une ruelle plutôt qu'une autre. On assiste à une certaine beauté, une envie de songe et de liberté positive, qui atténue cette sensation que pendant leur maladie, et jusqu'à leurs leurs obsèques, tout est décidé à la place des mourants. Dans un rêve éveillé poignant, ils semblent toujours présents, capables de demeurer maîtres de leur destin, ils valent qu'on continue de s'adresser à eux en les tutoyant.
Dreaming referme la parenthèse des dernières années d'une vie et d'une amitié complice, parle de de la mort encore fraîche, et clôture un cycle de chansons parmi les plus émotionnelles que Reed ait jamais accomplies. No Chance (Regret) ouvre un autre voie, davantage comme les pensées que l'on pourrait avoir avec le recul, quand le temps s'est écoulé.
Reed est peut être encore trop révérencieux, il n'a plus besoin d'une chanson telle que Dirty Boulevard pour évoquer subtilement New York. « Ce mélange de morphine et de dexedrine/qu'on utilise dans la rue/ça tue la douleur et te maintient éveillé ». Les choses se sont déportées, doucement, depuis la Halloween Parade sur New York. La drogue est désormais un moyen de lutter contre la douleur provoquée par la maladie, une source d'apaisement, une façon de prolonger l'existence, tandis que s'aiguise la tristesse et l'amertume de votre entourage. Cette prolongation, comme l'album lui même, n'est pas vaine. Reed a longtemps été le plus grand pour ce qui est de l'amertume. Le voir l'utiliser d'une façon aussi subtile, dans le filtre d'un chagrin réel, est fascinant.
Si on le compare à New York, on peut aussi rapprocher cet album du portrait hommage à Andy Warhol, intense, étonnant, irrévérencieux, brossé par Reed et son ami John Cale sur Songs For Drella (1990). Magic and Loss serait en quelque sorte le dernier maillon d'une nouvelle trilogie.
Magic and Loss reste l'album de ceux qui voudront continuer de dire au revoir à Lou Reed en douceur, pas celui de ceux qui préféreront en retrouver les excès. La grâce minimaliste des guitares de Mike Rathke, la façon de raconter, sans fioritures, à à l'opposé des tendances de Reed au sabotage, tout aussi sublimes. Ici, il faut se plonger dans la longue histoire des chimiothérapies, des traitements d’hôpital, de l'érosion physique non pas causées par son propre comportement cynique mais par la maladie des autres. Savoir se contenter des détails simples, de l'honnêteté de sa confusion, et presque de ses remords. Harry's Circumcision est encore le temps d'une histoire, dans laquelle Reed évoque le souvenir d'un ami qu'il avait dans les années 60, perdu en route en proie à la schizophrénie et à des pulsions régressives. Pire que la mort, c'est peut-être la peur de perdre ses moyens, qui fera qu'après s'être intéressé aussi intensément au monde passé, Reed se consacrera, jusqu'à sa mort, à de nouveaux projets. Mais quelque chose nous y fait toujours revenir, d'une manière ou d'une autre, à ce passé. Car pire que la peur de régresser, c'était celle de ne pas voir les choses qu'il aimait être réhabilitées qui a poussé Lou Reed à en valoriser les traces (on se souvient de sa tournée pour l'album Berlin).


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