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vendredi 24 juin 2011

Randy Newman


Au moment de ses premiers succès au début des années 70, Randy Newman était déjà une sorte d’anomalie, à plusieurs égards. Influencé par Bob Dylan, sa musique devait davantage au rythm & blues néo-orléanais (il est né à la Nouvelle Orléans en 1943) et à la pop traditionnelle qu’au folk, mais aussi, souvent, davantage aux comédies musicales de Broadway qu’au ritournelles de piano-bar. Du point de vue des ses textes – la meilleure finition de ses chansons, ce qui les rend intemporelles – il faisait preuve, et n’a pas cessé depuis, d’un humour mordant et subtil.

Persuadé que la musique n’a jamais changé l’esprit de personne, il est pourtant capable de raconter de façon frappante le racisme ordinaire (dans la chanson Yellow Man), l’esclavage (Sail Away), tous les revers de l’Amérique (Rednecks, Political Science), la pauvreté et le désespoir (Baltimore), la corruption (Kingfish) le narcissisme (My Life is Good), la misogynie (The Girls in my Life), l’obsession qui vire au harcèlement (Suzanne), la célébrité (Lonely at the Top), adoptant toujours le point de vue des petites mains les plus à même d’incarner ces travers, usant avec ressort d’un second degré que certain ont parfois incompris pour du premier. Newman est à part parce qu’il a choisi, plutôt que d’être sincère, de jouer ces gens du commun pétris de principes et d’idées reçues. Il a pointé de façon inégalée la manière dont l’éducation et les lieux communs pernicieux fondent l’identité d’une opinion et la pensée d’un pays tout entier.

Il écrivit Lonely at the Top pour Sinatra. « J’ai été autour du monde/J’ai ramassé toutes les filles/Vous pensez que je serais heureux/Mais je ne le suis pas/Tout le monde connaît mon nom/Mais c’est juste un jeu stupide/Oh, on est seul au sommet ». Newman avait eu à cette époque une révélation ; il allait être une sorte d’’outsider’ toute sa vie, même lorsqu’il la gagnerait très confortablement. « Je ne vais jamais gagner la faveur du public américain ! s’était t-il dit. Ils veulent des artistes qui croient en ce qu’ils disent. Je ne leur donne pas cela ; je suis intéressé par autre chose. »

Son expérience avec Sinatra n’est pas isolée ; Randy Newman démarre en réalité sa carrière dès 1961, à l’âge de dix-huit ans, mais son premier single, Golden Gridiron Boy, ne rencontrera pas son public. A côté des grandes voix de l’époque, celle de Newman est ludique et affectueuse, isolée au milieu de toutes ces voix soul spectaculaires. Le groupe The Fleetwood, en reprenant une de ses chansons, They Tell Me It's Summer, l’encourage à trouver une alternative à son propre insuccès et à écrire pour d’autres artistes. Il passe les années 60 à s’exercer dans cette voie, pour Gene Pitney (Nobody Needs Your Love), Jerry Butler, Jackie DeShannon ( She don’t understand him like I do…), The O'Jays, Cilla Black (I’ve Been Wrong Before) ou Irma Thomas. Plusieurs de ces chansons, écrite plutôt dans une veine romantique et dramatique, sont de grands succès. Pendant cette période, Newman va entamer une relation professionnelle avec son ami d’enfance Lenny Waronker, producteur archétypal américain qui a travaillé avec Nancy Sinatra, les Everly Brothers, Van Dyke Parks, Ry Cooder, Arlo Guthrie, ou encore avec Curtis Mayfield, R.E.M., Rufus Wainwright ou Elliott Smith.

Fort de son expérience d’auteur de chansons et gagnant un peu de publicité après que Harry Nilsson ait enregistré un disque (Nilsson Sings Newman) constitué exclusivement de ses chansons, Randy Newman enregistre plusieurs excellents albums en peu de temps et les défend ardemment en concert. Randy Newman (1968), 12 Songs (1970), Sail Away (1972) et Good Old Boys (1974) contiennent la moelle de ce qui fait son art. Les chansons ont des formes à la fois cinématiques et courtes, jouées au piano dans une façon inspirée du ragtime de Scott Joplin comme du son de Fats Domino, de Stephen Foster ou Aaron Copland mais surtout de Ray Charles, le pionnier aveugle de la musique soul qui démarra une carrière dès 1945.

« Je me sens comme une vieil idiot, parlant de choses à propos desquelles je ne connais presque rien », révélait t-il à la sortie de son dernier album, Harps and Angels en 2008. La compassion et l’empathie ont pourtant toujours été des moteurs de création pour Newman, une manière de s’exprimer depuis le cœur et de dresser des portraits poignants ; à ceux qui trouvent qu’il prend des chemin trop détournés, déguisant par exemple sa colère en boutades amères, on peut opposer sa sensibilité. Sa capacité à revenir régulièrement à des sentiments – plutôt qu’à des thèmes qui lui sont chers trahit une véritable philosophie de vie. Il s’inquiète d’avoir écrit trop de chansons qui évoquent le racisme latent, on peut lui rétorquer qu’il s’est tout autant intéressé aux histoires d’hommes déséquilibrés, transformés en prédateurs pour l’autre sexe – c’est Suzanne (12 Songs, 1970), You Can Leave Your Hat on (Sail Away, 1972), Shame (Bad Love, 1999) ou Only a Girl (Harps and Angels, 2008). « Il y a beaucoup de haine envers les femmes, ce qui est toujours surprenant. C’était des chansons féministes d’une certaine manière ; une autre injustice à propos de laquelle j’ai écrit. » Se retirant un peu de cette sphère publique, voie politique, qu’il avait en partie construite de son imaginaire – mais toujours en réponse à des problèmes réels - Newman se plongera progressivement dans l’exercice autobiographique, de Land of Dreams (le « pays des rêves » est la Nouvelle-Orléans, 1988) et la chanson bouleversante Dixie Flyer, à Harps and Angels, son dernier excellent disque paru en 2008. Sur ce dernier, la chanson Losing You sera notamment reprise par Mavis Staples pour You are Not Alone en 2010.
 
Dès 1971, Newman démarre en parallèle de son travail d’icone populaire une carrière en tant que compositeur de musique de film. Dans sa famille, le cinéma avait toujours été au dessus de la musique dans le domaine des arts ; ses célèbres oncles Alfred, Lionel et Emil écrivirent les bandes originales d’une douzaine de longs métrages, et le père de Newman avait longtemps insisté pour que son fils devienne réalisateur. « Il pensait que c’était la grande forme d’art du siècle. Il continuait de me demander, en dépit du succès que j’ai pu avoir au début avec mes chansons et mes disques, ‘Quand vas-tu faire un film ?’ Comme si c’était un accomplissement pour une carrière musicale ». Certaines de ses premières collaborations, pour Ragtime (1981) et Three Amigos (1986), sont très convaincantes. Son travail auprès de Disney/Pixar - les trois Toy Story, ou Monsters Inc., lui fait collectionner les Academy Award. Une chanson pour le dessin animé la Princesse et la Grenouille le verra s’associer au Dirty Dozen Brass Band. La vie foisonnante de ses chansons a aussi donné lieu à des comédies musicales ; Newman est ainsi un artiste vivant simultanément dans plusieurs dimensions ; chanteur et pianiste engagé et mélancolique qui peut partager sa verve avec les rêveurs les plus gratifiés de son pays.

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