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samedi 11 novembre 2017

FLEET FOXES - Crack-Up (2017)



OOO
Lucide, audacieux, contemplatif
Folk-rock

Robin Pecknold se montre farouche, intérieur sur Crack-Up. Mais s'il paraît en retraite, c'est tout le contraire. Il a l'intime conviction que le moment de retrouver son public est venu. Les concerts pour défendre Crack Up sont les plus beaux de l'histoire des Fleet Foxes. Leur anachronisme, leur façade savante est gommée dans l'embrassement chaleureux de Pecknold, un homme qui ne ressemble à rien en une star du rock et qui, pourtant, y est pour beaucoup dans l'aura de son groupe, sa voix au bord du gouffre gageant du pouvoir de surimpression de la musique, sautant d'un continent à l'autre. En changeant d'échelle sans cesse, donnant aux circonvolutions la démarche d'un géant sensible capable de fouler les sociétés engoncées d'un continent à l'autre.

La profondeur et la distance sont des éléments fondateurs de leur musique. Ils n'ont jamais joué du folk isolé du reste du monde pour le plaisir d'être simplement différents, mais pour garder le bon recul et renvoyer un reflet le plus contrasté, cinglant, voire dangereux possible de la société occidentale en la mettant face à ses craintes. Il n'est pas question de s'échapper de cette société, puisque les Fleet Foxes n'en ont jamais fait partie. Cela fait brûler les étapes, pensez vous. Pas si sûr. Voilà peut-être la raison pour laquelle ils doivent patienter autant entre chaque disque. Pour ne pas se faire rattraper par l'esprit du temps, une chose sur-estimée basée sur des mots répétés de façon abrutissante pendant quelques années. Pour faire paraître Crack-Up, ils ont attendu que certains de ces mots superflus disparaissent. Leur vocabulaire, leur répertoire nécessitait de la place et Pecknold refusait d'assister à l'agonie de son talent, par manque de recul sur l'époque. Les nouveaux outils, les divertissements ont changé, les nouvelle façons de faire de l'argent ont dérivé, pure création humaine qui se croit à l'égal de la nature. Pecknold le fait remarquer : “Fire can’t doubt its heat/Water can’t doubt its power/You’re not a gift/You're not adrift/You’re not a flower” sur Cassius.-

Pecknold voudrait placer de son côté la constance, mais il est difficile de la connaître sans vivre dans un bonheur total et infini. Pour se sentir perdurer dans son élément, il peut s'attarder sur les images terribles et poétiques du monde humain en retirant l'intervention de l'homme de leur existence. Les fumées sur l'océan ou les feux du désert ne sont plus dus à des marées noires ou des rejets de pétrole. La même fumée pour masquer que la forêt n'a plus rien d'originel, et peut être la faire revivre sur la foi de ses cimes. La fumée c'est l'alliée dans l'illusion, pour brouiller ce que l'on sait de l'humain.

Les Fleet Foxes s'inscrivent dans une brume bienveillante, ils ne surjouent pas, par leur standards, et pourtant jouent davantage d'instruments que tout autre groupe de pop. Avec un réalisme un peu forcené, ils veulent rendre les visions exactes de qui se hisse sur les épaules de Darwin et se permet un rire inquiétant.

Les quatre éléments apparaissant sur la pochette. L'eau, l'océan, sont une nouvelle fois très présents. D'ailleurs les chansons contiennent des éléments de mise en scène, comme sur -Cassius, cette précision:[Under the Water] et [Above the Surface], pour décrire depuis quel lieu Pecknold les chante.

La vieille symbolique d'une nature vertueuse dont l'homme serait légataire est balayée, au profit d'images plus vivifiantes : le soleil, avec son lourd passif dans les chanson pop, est ici une boule enflammée, c'est la cruauté amusée de Bruegel l'ancien quand il dépeint la chute d'Icare.

Pas étonnant, dans ce monde où l'écume, le vent, ont un pouvoir létal, que Pecknold se montre aussi nécessiteux de stabilité, et parfois se montre perdant pied. Entre l'aube et le crépuscule qu'il nous décrit telles que la nature les perçoit, ils nous a conviés, une nouvelle fois, à tester l'émerveillement. Cette poésie culmine dans Third Of May/Odaigahara, avec ces paroles inscrites en capitales dans le livret de l'album : LIFE UNFOLDS IN POOLS OF GOLD/I AM ONLY OWED THIS SHAPE/IF I MAKE A LINE TO HOLD/TO BE HELD WITHIN ONE'S SHELF/IS DEATHLIKE ». Elle résume la pensée de l'album : la condition et le conditionnement. On peut vouloir une cohérence, sans pour autant se limiter à ce que l'on sait de nous.

Produire une musique naturelle, pour les Fleet Foxes, revient à chanter l'inconnu. Quelle meilleure manière que de l'inclure dans sa vie, que de le définir, en constante expansion, avec une musique à l'avenant ? Rappelons que Pecknold joue 18 différentes sortes de guitares, de synthétiseurs et percussions au cours de l'album, parfois plus de 2 ou 3 au cours du même morceau. Skyler Skelset, avec qui il a fondé le groupe, arrive deuxième. Les trois autres membres explorent d’autres pistes encore, instruments à vent notamment.

Pour être à la hauteur de la tâche, Pecknold les a toujours sentis trop jeunes. « Too young, too young » répète t-il sur Another Ocean, l'une des chansons les plus harmonieuses et totales de l'album, qui se dissout dans des notes de saxophone. Fool's Errand, lui succédant, offre un drôle de single à l'album, qui capitalise sur les sentiments jusqu'ici. Pecknold rassemble le passé et le présent. Réconcilier le passé pour les Fleet Foxes et leur habileté à jouer des focales, c'est s'y perdre, et c'est exactement ce que fait I Should See Memphis, d'une nostalgie à peine humaine.

Cela confirme que le chanteur, s'il les a intimés et les a éclatés, n'a pas fragilisé les Fleet Foxes, mais les a rendus plus pertinents que jamais avec Crack-Up. Ne plus entendre les Fleet Foxes, ne plus les commenter même, cela reviendrait à une inquiétante résignation.

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