“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

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Trip Tips - Fanzine musical !

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vendredi 17 mars 2017

WALDORF & CANNON - Old Dogs New Tricks (2017)



OO
intense, ludique, fait main
Rock, blues rock

Old Dogs News Tricks, un titre évident pour cet album blues rock enregistré par un duo irlandais déjà au milieu de leur carrière, hors de leur zone de confort, ce qui leur permet d'échapper à l'ennui et, fatalement, d'enregistrer un disque hyper communicatif. « Tout ce que je fais semble t'ennuyer » démarrent t-ils justement sur la crâneuse Bore You, l'un des deux singles primitifs servant d'étalon à l’œuvre. "Je ne peux pas m'empêcher/d'être complètement désorganisé/complètement libre. » Leur chant choral gonfle le son, nous précipite au cœur d'un album rebelle. La désorganisation, le temps d'un revers de baguette, devient révolution.

Philip Wallace et Oisin Cannon traversent ce disque avec un talent de débusqueur, un flair ultra performant et une spontanéité que seule leurs propres méthodes pouvaient aussi bien préserver. Wallace a enregistré et mixé l'album, tandis que même la pochette a été réalisée sans aide extérieure. Cela a pris un certain temps, mais le contrôle artistique est total.

Les « nouveaux tours » dont il est question dans la chanson titre, redonnent un sens au processus d'enregistrement. Sur un jeu ultra rythmique guitare/batterie, ils ont monté une psychédélisme funky, du punk rock au hard rock, arrachant avec les dents leur slogan à la Rage Against the Machine : Omit the Logic. Une petite phrase récurrente trahissant le manque de principes de l'expérience. L'enregistrement, chose épineuse démantelée en trouvant de nouvelles voies pour jouer et cerner la musique. Le bonheur audible laisse soupçonner qu'un secret fût percé au cours du processus, expliquant leur provocante facilité.

Les contraintes – jouer d'instruments inhabituels pour eux, chanter pour la première fois – sont balayées dans la production finale, elles n'ont pas eu le temps de poser problème que les voilà surmontées et enhardies. On pense à Buke and Gaze, un autre duo astreint à jouer sur le ressort le plus physique de leur musique par défi technique. La batterie conçue pour être entièrement jouée à l'aide de pédales, cymbales comprises, est l'exemple d'un instrument qui n'a pas seulement vocation à apporter un son, mais à produire un challenge.

La production variée – violoncelle, chœurs, saxophone fou, renvoie au rock décomplexé de certains performers dans les années 70. C'est David Bowie, époque Hunky Dory, sur la ballade Bring You Down. Le duo a le goût sûr, ils pensent à ce qu'ils peuvent restituer sur scène, tout en nous surprenant en contournant la formule minimaliste. Le blues hypnotique et poisseux du Mississippi, ils y combinent des refrains mélodiques sur Echoes of the Sacred. L'harmonica y ajoute un supplément de malice. End of The Line évoque les Stooges. 

https://waldorfandcannon.bandcamp.com/album/old-dogs-new-tricks-2

lundi 2 janvier 2017

{archive} TRAFFIC SOUND - Virgin (1969)




OO
ludique, communicatif, audacieux
psych rock, blues rock

Des éléments de culture locale dans un disque rock donnent dans le meilleur des cas l'impression d'une envie indéfectible de s'adresser à tous les êtres humains, en dépit de la frontière tracée par un régime militaire dictatorial. C'est au Pérou en 1969. Traffic Sound n'est pas un groupe générique, et ils ne tentent pas vainement d'appeler à un public le plus large possible. Leur culture sonne comme de l'énergie pure, qui a abattu les frontières dès l'origine, avec une intuition et une inspiration qui semble en appeler à tous les pays opprimés par des régimes d'enfermement de la culture. Ils sont l'appel de l'aventure, des expériences psychiques. D'ailleurs Meskhalina offre, dans ce dernier registre, un hymne inattendu à la nation Inca en proposant d'en vanter le cactus hallucinogène.


Sur Virgin, propulsé par le plus important label de musique péruvien, MAG, ils déploient leur propre 'révolution', avec une attitude unique, qui valorise bien plus que certains de leurs pairs anglais la cohésion de groupe. Que ce soit les sons latins ou simplement leur approche, ils recyclent les meilleurs sentiments de communion de la world music au service d'un son presque purement anglo-saxon, à la fois psychédélique et focalisé. Les rythmes indolents portés par le saxophone de Jean Pierre Magnet sont rendus à des rivages oniriques, et traversent tout l'album. On ne sera pas étonné de découvrir que ce groupe s'est fait la main dans un premier album, Bailar a GoGo, inspiré par le blues rock des Doors, de Cream, de Iron Butterfly. Une suite de neuf minutes, Yellow Sea Days, est l'occasion d'une fresque rocambolesque vivifiante et enjouée ou le piano, les interjections, les cris sauvages nous préparent à la véritable mue en maître lézard du chanteur Manuel Sanguinetti dans le morceau suivant, un blues enfiévré exactement dans la veine de Jim Morrison. D'ailleurs, on croirait entendre deux groupes jouer simultanément, et non un seul. C'est une constante dans cet album qui frappe par l'impression qu'un vaste hangar bourré d'instruments a été alloué à son enregistrement. Simple est empreinte d'un charme tout sixties. C'est une musique évidemment faite pour porter loin, et pour s'ancrer profond. Des chœurs tribaux, des solos abrasifs, et les percussions se pavanant au premier plan sont le propre de Traffic Sound. 


  • A1Virgin3:00
  • A2Tell the World I'm Alive4:15
  • A3Yellow Sea Days
  • a. March 7th3:27
  • b. March 8th2:10
  • c. March 9th4:08
  • B1Jews Caboose4:30
  • B2A Place in Time Call "You and Me"0:35
  • B3Simple3:30
  • B4Meshkalina5:30
  • B5Last Song2:20

mardi 3 mai 2016

THE MURLOCS - Young Blindness (2016)











OO
hypnotique, vintage, lucide
Garage rock, pop, blues rock



Ambrose Smith a répondu en quelques phrases à l'interview de Trip Tips. Qu'a cela ne tienne, on racontera toute son histoire sous la forme d'un article...

Ce n'est pas une musique macho. Pas la peine de le marteler, il suffit d'apprendre comment ils s'en prennent, gentiment, à ce qu'est devenue la côte autour d'Ocean Grove, en Australie, le coin des surfeurs machos. Il faut voir aussi le look plutôt féminin d'Ambrose Kenny-Smith. Il se moque de laisser penser qu'il est une femme, son visage encore poupin dissimulé derrière une imposante chevelure à la Bowie période Hunky Dory. Et il a passé une partie de sa jeunesse entouré de sa grand mère, de sa mère et de sa sœur dans la banlieue d'Ivanhoé, avant de quitter le coin pour Melbourne. Le fils de Broderick Smith, le compositeur/parolier de groupe country rock local les Dingoes, comparable à ce qui se fait de plus sudiste et de sensible au États Unis, s'est fait très tôt un « lavage de cerveau » à base de blues. Cette touche d'élégance romantique, en totale opposition avec ce que l'image de la musique blues ou garage, est presque impalpable chez The Murlocs, mais elle distingue pourtant ce groupe. Son père lui-même était harmoniciste (voir leur hit Way Out West), et Ambrose Smith suit cette voie, avant tout parce qu'il est sensible au son de cet instrument. Comme beaucoup dans son cas, il apprendra en autodidacte à soutenir une note ou à la moduler. Cet harmonica, aussi, relie le groupe à un héritage de blues qui remonte aux années 60.

Le groupe naît des improvisations entre le guitariste Callum Shortal et Smith. « Nous sommes tous amis à l'origine, ce qui rend tout plus facile. » Lors de la courte interview menée par Trip Tips pour soutenir la sortie de leur deuxième album, Young Blindness, Smith évoque la « sorcellerie » du guitariste. «Je pense que le changement vers un son plus pop sur cet album est du à une plus étroite collaboration avec notre producteur, Stu Mackenzie. »

Sous la casquette du producteur, se cache un autre de ses jeunes prodiges pourvus de membres filiformes, propres à s'épuiser en idées bondissantes. Mackenzie est la force créative principale de King Gizzard and the Lizard Wizard, le premier combo dans l'entourage d'Ambrose Smith à avoir franchi les océans pour jouer en Europe. Ils sont généralement comparés, jusqu'en France, aux Thee Oh Sees, la formation emblématique du renouveau de la scène garage américaine, pour leur carrière prolifique et bourrée d'idées conduites par un pur amour de la musique. King Gizzard est une dynamo qui aligne les chansons nerveuses à base de hard-rock, de blues, de garage, de surf rock, plongées dans le bain acide du psychédélisme. Confier les bandes des Murlocs à Mackenzie, c'est se dire qu'elles vous reviendront comme piétinées, froissées, sublimées d'un son abrasif. «Stu est un génie, produisant constamment une très bonne musique, et cela me pousse à être meilleur musicien... S'ils n'avaient pas été là, je serais une personne bien plus médiocre. » Il a bien réussi son coup en se glissant furtivement dans un mètre carré d'une scène de King Gizzard, derrière son clavier, et produisant ses sons d'harmonica et de synthé en toute tranquillité. « Il y a toujours une place pour n'importe quel genre de groupe. Plus de place pour certains que pour d'autres je suppose. Mais ceux avec peu d'espace pour se mouvoir font du mieux qu'ils peuvent avec le peu qu'ils ont. »

La voix stridente, elle, semble directement piquée à Mackenzie, qui en a fait l'un des motifs principaux de King Gizzard, progressivement, au fil des albums. On sent que déjà il n'est plus question seulement de musique, mais d'une émulation spirituelle qui a mené les Murlocs à faire un bond en avant avec son second album. Young Blindness est entre autre une forme de critique de l'état d'adolescence comme période de décrépitude plutôt que de vitalité (les membres du groupe sont tous dans leur vingt ans), et ne contient que de possibles hits pour la radio, au moins dans sa première partie. « My Only nemesis/Is incompetence », chante Smith comme pour conjurer cette jeunesse qui joue le rôle de voile et empêche encore certaines personnes de prendre un tel groupe au sérieux, même dans un pays aussi culturellement évolué que l'australie – c'est à dire, qui donne une place généreuse au rock. « Le potentiel pour la musique garage est vraiment bon, à la fois sur les radios nationales et locales, ici en Australie. »

« J'ai joué dans des groupes depuis 10 ans et c'est toujours une joie de rendre le gens heureux. Je pense que c'est l'objectif. Rendre les autres plus heureux pour vous éviter la déprime. » Le rigueur d'exécution d'une chanson comme Wolf Creep, avec ses roulements de tomes, ses attaques de guitares parfaites et surtout son riff effréné, donne à la morosité juvénile de Smith une exaltation. Une exaltation qui ne sera balayée qu'en partie par la révélation du thème de la chanson : « Wolf Creep est basée sur l'idée générale de tueurs en série et comment ils s'en prennent à des femmes pauvres et innocentes. Evolve et Absorb évoque quant à elle certaines personnes dans l'industrie de la musique qui détestent plus qu'elles ne créent. » Evolve and Absorb, c'était l'une des chansons les plus profondes du premier album, Loopholes, qui lui surfait déjà sur l'énergie d'un EP remarqué.

Mais Ambrose n'est satisfait que de Young Blindness, à cause du soin apporté à l'enregistrement des titres. C'est un album de faux semblants, où tout change sous le coup d'un harmonica qui semble plus là par hasard, cette fois, que pour guider réellement les morceaux. Ambrose sait qu'à un morceau entêtant doit succéder un autre, afin que l'album puisse se réécouter presque indéfiniment. Compensation démontre encore le pouvoir d'envoûtement de cette musique lorsque batterie et guitare sonnent aussi caverneuses et triomphantes, tandis qu'Ambrose martèle un piano étouffé. L'instrument reviendra sur la dernière chanson, Reassurance, une superbe conclusion, prouvant que le talent d'Ambrose Smith pour écrire des paroles capables d'observer sa propre condition dérisoire ne signifient par que les Murlocs (et ce, malgré le nom) soient faits pour susciter la dérision. Think Out Loud balance un son toujours plus clair et détaillé, en dépit des grésillements. La chanson reflète un état d'esprit lucide et dévoué. C'est un groupe sérieux, et si les considérations d'incompétence sont fondées, c'est en s'adressant à une génération qui veut grandir trop vite. Leur désenchantement précoce donnerait à un enfant la moitié de leur âge l'impression d'avoir trop traîné en route. Le rock, machine à grandir ?

Mettez les deux groupes (respectivement 7 et 5 musiciens) côte à côte et vous aurez l'impression d'avoir une armée, tant cette musique fait bloc. Tellement dense qu'elle nous donne l'impression que quoi que vous fassiez, manger des noix par exemple, ou réfléchir à la nature de votre état cérébral (les deux vont souvent de pair), il faut que vous le fassiez compulsivement. Insolente, presque intimidante d'efficacité, si elle n'est pas - encore – tout à fait originale, harassée de soleil et hagarde de sa jeunesse, avec ces changements de dimension et d'échelle intempestifs qui caractérisent le pays des merveilles qu'est l’Australie. Ils ont l'insolence de croire que la musique est un art à part entière - ce qu'ici

on a tendance à ne pas tout à fait reconnaître. Difficile, pour un européen, de s'adapter à l'exubérance locale – tandis que King Gizzard partaient en tournée en Europe en février 2016, ils laissaient derrière eux un été avec des températures à 34 degrés. La chaleur et l'étrangeté originelle de cette île permettent de laisser les natifs dans une précarité criminelle, tandis que la loi de Darwin conduit à la folie ou à une sorte de mégalomanie mystique agresseurs et dans les coins isolés.

Stu Mackenzie décrivait le dernier album de King Gizzard, Nonagon Infinity, qui leur a demandé un plus gros travail que tous les autres, comme fait d’éléments modulables, où les morceaux se référencent entre eux et forment une boucle sans fin. S'il s'agit de créer un flux, un continuum, on peu l'appliquer à la scène de la ville de Geelong dans son ensemble, et mettre bout à bout les albums des Murlocs avec ceux des Living Eyes ou des Frowning Clouds, deux groupes qui plongent brillamment dans le grand bain du garage pop des années 60. Ensemble, ils s'inscrivent au firmament de l'envers du monde...


à suivre..

https://themurlocs.bandcamp.com/

http://antifaderecords.bandcamp.com/album/living-large

http://saturnorecords.bandcamp.com/album/legalize-everything



dimanche 28 février 2016

MALCOLM HOLCOMBE - Another Black Hole (2016)





OO
rugueux, envoûtant
country-rock, blues rock, roots rock


Découvrir un nouvel artiste demande parfois un réajustement. La musique de Malcolm Holcombe, vénérable insurgent originaire de Caroline du Nord, sur son douzième album, a un tempérament indompté fait pour déstabiliser, puis pour conforter, dans l'entrain des refrains (Another Black Hole, To Get By) ou dans une ballade (September) ou sa voix se fait plus épaisse que le fond de la rivière. Tout est hors des conventions avec Malcolm Holcombe, qui laisse couler les couplets suscitant des chansons.


La concision, simplicité, inventivité, Holcombe maîtrise et sait s’entourer de merveilleux musiciens venant rendre ses blues palpables et lancinants. Si vous pensiez que la voix de Tony Joe White était déjà bien ébréchée, elle apparaîtra celle d'un jeune loup à côté grondement traînant de Holcombe. On entend celui-ci haleter sur Another Black Hole, soulignant, un peu théâtral, ce que la vie a d'infréquentable - et non pas lui ! La guitare de White ajoute d'ailleurs encore une autre dimension à cet album tout en suggérant son côté inamovible, irascible. Don't Play Around en profite particulièrement. Cependant, elle évitera trop de présence, Holcombe cherchant, sans ostentation, son propre son roots. Sur Papermill Man, il semble menaçant comme Steve Earle dans certaines de ses meilleures chansons. Celui-ci est d’ailleurs fan de Holcombe. Way Behind clôt l'album sur l'intensité émotionnelle d'un Leonard Cohen, ponctué par les notes austères de la basse. Les chœurs chers au Canadien sont bien sentis sur Heldenberg Blues.


mercredi 18 novembre 2015

Article - GALACTIC & JJ GREY (2015)




Galactic

OO
groovy, funky, communicatif
Rythm and blues, modern R&B, funk

JJ Grey

OO
groovy, funky, communicatif
Blues rock, funk, soul, country rock


Au premier abord, la musique de JJ Grey est une soul musclée avec un goût prononcé de revenez-y. Mais plongez-vous un peu plus dedans et prenez plaisir au talent de raconteur d'histoires du guitariste et compositeur de Jacksonville, en Floride. Terre changeante au carrefour de plusieurs mondes, et surtout au bord de l'océan, la Floride a son compte de surfeurs quinquagénaires, sans doute, mais peu nombreux sont ceux qui, une fois sortis de l'eau, rejoignent le studio d'enregistrement pour produire une musique qui irradie la joie et la communion et s'exporte si bien à l'international. Le crédo de JJ Grey, tel qu'il l'a donné dans une riche interview publiée par la magazine Soul Bag en avril 2015 : « Chanter comme Otis Redding, jouer comme Jimmy reed, et écrire comme Bill Withers, sans oublier un peu de Georges Jones! » L'enthousiasme de Grey est contagieux. C'est qu'il sait quels extraordinaires moments musicaux l’attendent encore, comme celui qui l'a réuni avec Galactic, un grand groupe et l'un des meilleurs ambassadeurs de la musique de la Nouvelle Orléans, neuf heures de voiture à l'ouest de Jacksonville. Une occasion de partager ce qui réunit de tels artistes : le goût du son live, des tons boisés du fait maison et de la chaleur humaine. 

Galactic s'inscrit dans une continuité qui lui offre tous les mérites. Bien que l'hyperactif batteur Stanton Moore soit le porte parole du groupe, les cinq musiciens originels de 1994 sont toujours ceux qui font le groupe en 2015, plus de vingt ans plus tard. Cette performance à elle seule est un indice de leur osmose et de leur cohésion. On retrouve dans le son de Galactic tout ce qu'il y a de typiquement typiquement néo-orléanais, les rythmes de second line, plein de groove, un croisement d'influences à la fois musclé et souple, moderne et traditionnel, tour à tour dansant et communicatif en diable. Interroger l'un d'entre eux, c'est faire parler tout le groupe à travers lui. Démonstration avec Robert 'Rob' Mercurio, le bassiste, interviewé sur le website Jambase. « Jeff [Raines], notre guitariste, et moi, nous avons grandi ensemble. Nous sommes allés au collège [à la Nouvelle Orléans] en même temps quand nous avions 17 ans. Pendant le collège, nous avons rencontré plusieurs musiciens dont certains deviendraient membres du groupe. Vers 1994, nous nous étions stabilisés tels que nous sommes aujourd’hui, avec Rich Vogel [claviériste], Stanton Moore et Ben Ellman [saxophone]. » L'envie de former un groupe s'est manifestée naturellement, Mercurio et les autres aillant eu pour exemple les mythiques Meters et le Dirty Dozen Brass Band, inspirés par le flegme festif d'un Professor Longhair et la longue tradition instrumentale combinant dans la ville le boogie-woogie, le blues, le jazz, le funk et bientôt le hip hop.

Ils étaient talentueux. Leur histoire semblait devoir s'écrire d'elle même. Mais sont sont les circonstances de leur apprentissage qui en ont fait un groupe à part, autant qu'une voie d'accès immédiate aux sonorités de la ville. « Nous n'avions pas de véritable maison de disques ou le support qu'un groupe normal aurait pu avoir. Nous l'avons fait indépendamment. Avant nous, la plupart des groupes qui partaient en tournée avaient déjà un hit à la radio. C'était rare d'être un groupe sans pedigree et de tourner. » Les clubs leur ouvrent de plus en plus facilement leurs portes, puis le premier album se profile à l'horizon. Rétrospectivement, ils ont permis à de nombreux groupes, dans leur sillage, de se produire en concert sans n'avoir rien enregistré. C'est la raison pour laquelle Galactic est l'un des groupes cité le plus souvent comme ambassadeur de la culture vivante de la Nouvelle Orléans. Pour se développer, il fallait ensuite enregistrer en studio. Et c'est de rencontres en tours de forces et en surprises que Galactic est devenu le groupe qui est capable d'aligner Mavis Staples, JJ Grey, et la bohémienne soul Macy Gray et d'autres chanteurs-compositeurs brûlants et visionnaires sur un seul album.

Impossible de rendre l'énergie du live en studio. Et, au contraire, difficile de reproduire tous les samples et les sons présents sur les albums studio une fois les morceaux joués en concert. Alors autant faire des albums profitant d'une qualité d'écriture telle que les chansons qui le constituent sont destinées à entrer dans le répertoire de tête des interprète invités, tout en proposant une montée en puissance dignes d'une fête de carnaval. Pour faire tenter d'oublier la nature de l'exercice, se réunir tous dans un studio et écrire de la musique, Galactic a usé de différentes techniques qui tenaient quasiment de la mise en scène. Jamais en manque d'inspiration, ils ont inventé des albums à concepts, comme Carnivale Electricos, qui mettait en parallèle le mardi gras de la Nouvelle Orléans et ceux du Brésil. Le groupe y trouve avec félicité les points communs à ces cultures, tout en transformant audacieusement leur musique, comme rendue par les platines d'un DJ. Comme dans la série Treme, ils ont permis à des chanteurs de quasiment jouer un caméo, c'est à dire se mettre en scène dans leur propre rôle. Ainsi, sur Move Fast, ils invitaient le rappeur Mystikal à courir après sa réputation dans des timings à mettre hors d'haleine. Galactic est un groupe qui a la volonté de s'effacer derrière l'immense diversité d'une scène. Ils mettent leur versatilité au service de leurs éternelles retrouvailles avec le Dirty Dozen Brass Band, ou de leurs rendez-vous exceptionnels avec le rappeur gangsta Juvenile, le chef indien Big Chief Juan Pardo ou la chanteuse presque octogénaire des Staple Singers, Mavis.

« Le 'featuring' est souvent une idée de managers, de producteurs ou de cadres de maisons de disques », commente JJ Grey pour Soul Bag. « Rien de mal à ça, mais cest trop souvent une manière de caser un nom connu supplémentaire sur un disque. Notre démarche est différente. On est comme une famille, comme une mafia du sud-est dont Derek [Trucks] et Susan [Tedeshi] [des superstars du sud Tedeshi-Trucks Band], les Allman Brothers, sont d'éminents représentants, et tous les groupes de cette région sont plus ou moins liés. » Pour Galactic, il n'est pas question de caser un nom sur un album. La collaboration doit être donnant-donnant, et c'est encore mieux si elle débouche, comme avec Macy Gray, sur une tournée pendant laquelle le groupe se transforme en accompagnateurs de luxe pour la chanteuse, réécrivant ses chansons et leur donnant une nouvelle perméabilité. Leur premier chanteur, Theryl ‘Houseman’ DeClouet, leur avait été suggéré par leur manager de l'époque. Puis il est devenu une sorte 'd'invité permanent' prenant très souvent part aux concerts du groupe. Les musiciens comprirent rapidement qu'inviter des chanteurs provenant de sphères un peu différentes, tout en défendant souvent les mêmes valeurs spirituelles qu'eux, participait à l'hybridation de leur musique sans en entamer la cohésion. Et leur batteur Stanton Moore de défendre le secret de ces collaborations – qui ne doivent pas servir de faire valoir pour l'album. Il essaie de ménager le suspense sans citer les noms les plus célèbres : « Je groupe peux tout de même vous parler de certains d'entre eux, comme David Shaw [du groupe de soul festive The Revivalists, auteur en 2015 d'un album, Men Against Mountains] et Maggie Koerner. », explique t-il à un journaliste du website Glide Magazine début 2015.

Santon Moore est ce genre de musicien accélérant le rythme de sa vie derrière les fûts quand d'autres décideraient de s'octroyer une pause. Multipliant les collaborations et les disques en solo, il agit pour sa ville comme s'il était investi d'une mission qu'il ne pouvait jamais abandonner. Moore use de toutes les influences pour en faire un mélange unique, depuis les sons lourds de John Bonham et Bill Ward jusqu'aux feux d'artifice de Buddy Rich et de Max Roach. Et difficile de contourner pour lui Zigaboo Modeliste, le batteur des Meters, qui reste le groupe instrumental le plus célèbre de la ville.

Moore est content de la direction qu'a prise cet album, effectivement assez différent de leurs deux précédents albums, qui contenaient beaucoup de samples et un son très remixé. « Il est plus direct au niveau de la production, se focalise plus sur la façon dont on sonne quand on joue nos instruments. » Into te Deep sonne plus organique plus comme une collection de bonnes chansons, qui à paraître un peu moins cohérent pris dans son ensemble. C'est pourtant un album habilement construit, qui s'ouvre un instrumental , Sugar Doosie, puis enchaîne avec un gros morceau de blues rock, la ballade intense de Macy Gray qui donne son nom à l'album, puis un funk qui capture la patte du groupe. Un autre instrumental, puis deux chansons de R & B moderne. Domino, chantée par Ryan Montbleau est la plus entêtante surprise de l'album. Puis, après un nouvel instrumental, viennent la ballade de Mavis Staples et le tube du Jamaïcain Brushy One String, qui ne joue effectivement qu'une seule corde de sa guitare, mais produit une musique rythmique entre reggae et soul. Il existe de vieilles connexions entre la Nouvelle Orléans et tout les cultures caribéennes et sud américaines.

2015 est l'année exceptionnelle qui a vu la parution de leur nouvel album leur permet de faire équipe avec ce chanteur si puissant qui partage un producteur avec eux : JJ Grey. Retour en Floride. Ou à Paris, où le sociologue Eric Doidy a conduit son interview très enrichissante. Qu'il se rappelle les influences entendues dans le cocon familial ou qu'il parvienne à décrire avec humanité les mentalités des gens de Floride, il dessine la trajectoire d'une musique vécue comme une formidable machine de rencontres qui l'a fait échapper lui-même au grand cliché du 'tous conservateurs'. C'est un musicien humble et chaleureux, frappé par la patte funk du chanteur country Jerry Reed, par Otis Redding et par l'ombre inévitable du Lynyrd Skynyrd d'avant le dérapage. « Je viens d'une famille de la vieille école, très typique du sud. Là ou j'ai grandi, c'était moitié blanc, moitié noir, sans "minorité". Ma famille est un drôle de mélange. » Il grandit au milieu des exploitations de poulets.

Au delà, c'est son groupe tout entier qu'il s'agit de célébrer. « Le batteur, Anthony Cole, est l'un des plus formidables multi-instrumentistes que je connaisse, vient d'Orlando en Floride, mais est né à Detroit, je crois. Todd Smallie, qui vient de groupe de Derecks Trucks, est d'Atlanta. Les autres viennent du Texas, de Los Angeles... Dennis Marion, notre trompettiste, vit à Jacksonville depuis longtemps, mais il est de Baltimore. Tous sont des gens que j'ai connus au fil des années lors de tournées. Je faisais la première partie de leur groupe ou c'était l'inverse ; ou alors ils étaient dans le groupe d'un pote à moi ; ou bien ils m'ont hébergé. Mais on s'est tous connus sur la route. Au début de Mofro j'écrivais des morceaux sans vraiment avoir un vrai groupe : j'embauchais quiconque était libre selon le moment. » L'apport du producteur Dan Prothero a aussi été crucial. «Quand je l'ai rencontré pour la première fois, il m'a expliqué quelles étaient mes forces et mes faiblesses, m'aidant à consolider les unes à à me débarrasser des autres. Ce qui faisait ma force selon lui, c'est le fait de baser mes chansons sur ma vie, mon coin, les choses que j'avais vues et celles que j'avais faites. Ma grande faiblesse, c'est quand j'essayais de jouer de manière un peu artificielle au mec qui met l'ambiance. »

Si cet album nous divertit suprêmement, c'est grâce à ses solides fondations instrumentales, et aux mélodies que Grey parvient à trouver, infusant de sa ferveur originale tout ce qu'il touche. Ol'Glory est un de ces grands albums entre potes qui regardent effrontément vers le soleil. Parcouru d'un énorme groove funk, de soul bien léchée, de rock n' roll à soli droit sorti des seventies, de country rock, pour que jamais la machine ne s'essouffle. De quoi proposer des concerts juke-box. Douze valeureuses chansons écrites avec une inspiration puissante, une simplicité de ton qui invite chacun de quitter son champ et de rejoindre la party. JJ Grey & Mofro jouent comme un vieux groupe, mais un qui tente la rédemption après chaque refrain. Les citadins de la grande ville finissent invités, eux aussi. Everything is a Song secoue avec la fièvre des hommes de la terre, puis on gagne peu à peu l'apesanteur, au fur et à mesure que tout le beau monde rejoint (Luther Dickinson, des North Mississippi Allstars et Black Crowes, ou Derek Trucks) Leurs forces se rangent derrière la vitalité de Brave Lil' Fighter ou Tic Tac Toe et des ballades ou la voix rutile par dessus les cuivres, Light a Candle et Home in the Sky.

jeudi 29 octobre 2015

TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS - Method to my Madness (2015)




OO
groovy, efficace, intemporel
blues rock, rock n' roll

Tommy Castro est d'abord un interprète puissant. Il arrive en plus à enchâsser dans ses albums des chansons aux saveurs roots variées, jamais trop éloignées d'une bonne vibration soul. Il semble mettre l'accent davantage sur son chant modulé et puissant cette fois, et un peu moins sur sa guitare, par rapport à l'entêtant The Devil You Know, sorti 18 mois auparavant (et #9 dans le classement Trip Tips des meilleurs albums 2014). Les chansons sont plus ouvertes, peu-être débarrassées de l'aura un peu machiavélique que dégageait le précédent. La facilité avec laquelle ces chansons ont été enregistrées est audible, et souligne sa qualité principale :  son côté contagieux et communicatif. C'est une invitation à danser, à sauter à pieds joints, le blues rock Shine a Light donnant dans le blues du Mississippi (et ce solo de guitar hero !), tandis que Got a Lot fait dans le rock n' roll infectieux, la basse roulant des mécaniques. Un fondu déchaîné à écouter fort. 

Tommy Castro et son groupe The Painkillers - Randy McDonald (basse), Michael Emerson (claviers) et Bowen Brown (batterie) - restent parmi les meilleurs musiciens actuels, avec Robben Ford, pour ce qui est de donner au blues rock sa place assumée, celle d'une musique qui met sans façon les pieds dans le plat, quitte à laisser la subtilité à d'autres formes de blues. Son album est selon moi un peu meilleur que Into the Sun de Ford, paru la même année. La chanson titre joue sur ce refrain accrocheur : 'i might be crazy but i'm not insane'. On est rassuré. 

lundi 26 octobre 2015

THE WOOD BROTHERS - Paradise (2015)






^ Un concert au Winterwondergrass dans le Colorado., dont ils sont originaires.

OO
groovy, attachant, funky
Americana, blues rock, folk


Les frères Wood ont un groupe qui, sur les bases rythmiques folk de la contrebasse de Chris Wood, construit des grooves étourdissants. Depuis le début des années 2000, il ont sorti quatre albums qui ont laissé les amateurs d’americana ravis et les journalistes incertains de l’étiquette qu’il fallait leur coller. Ils n’ont cessé de s’améliorer. Et au vu de l’accueil qui a été fait à ce nouvel album par ceux qui connaissent et aiment déjà ce groupe, le fait d’avoir enregistré avec Dan Auerbach des Black Keys ne les a pas dénaturés. Au contraire, ils ont un son toujours plus rond et mieux lié, qui ne peut appartenir qu’à un groupe au sommet de son osmose.

La puissance de leurs harmonies vocales est un gros plus, les structure ouvertes et élastiques, qui passent dans un même morceau du folk intimiste à l’Americana funky et au rock choral, en passant par la soul (Newer and Always), profite en plus d’arrangements puissants (écouter la ballade Two Places, ses cuivres et son orgue électrique). Si les Black Keys pouvaient être ‘commerciaux’ à force de trop essayer, The Wood Brothers rapellet directement The Band parce qu’ils ont cette aisance et qu’on sent qu’ils s’amusent terriblement à enregistrer cette musique. C’est comme si l’Alabama se traduisait instantanément en un mélange idéal de country, gospel, folk, funk, blues, où les moments les plus trad’ ne sont pas en reste pour la pure séduction (Heartbreak Lullaby). Whithout Desire nous projette en fanfare au cœur du studio, avec eux. Ces chansons naissent déjà complètement matures, c’est à peine si une touche de naïveté peut être décelée, sur Touch of Your Hand. Un coup de foudre.

jeudi 8 octobre 2015

THE LEGENDARY SHACK SHAKERS - The Southern Surreal (2015)


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O
entraînant, inquiétant
Rockabilly, blues rock

The Legendary Shack Shakers ont de ces crochets mélodiques, c’est comme de voir un match de boxe mené par un squelette psychobilly. Ils secouent tous les bons os de votre corps. Thématiquement, on est sans surprise dans le sud fantasque et ses marécages à zombies épris de rock n’ roll et de marijuana. Les refrains sont constitués du minimum de mots, et redoutablement  efficaces: « Get on down the road » sur Mud, la chanson qui donne le patron pour la guirlande d’halloween ; « Baby, how long » sur Miss America. « Take my hand, don’t leave me cold’ sur Cold. La voix caverneuse du chanteur Col JD Wilkes est parfaitement appropriée.


C’est rudement convaincant au niveau des paroles comme de la musique. Le groupe s’imprègne et recrache cette culture sudiste depuis 20 ans, et c’est aussi ce qui leur permet de rendre crédible cette descente en train fantôme. Wilkes, passionné de musique traditionnelle, a déjà été récompensé pour un album hommage aux sonorités des Appalaches, enregistré avec un violoniste (de fiddle), Charlie Stamper. C’est un Colonel dans le Kentucky, en tout cas, ça met en lumière les talents de son groupe  (augmenté par des fans tels que l’acteur Billy Bob Thornton) à recycler toutes les danses et jeux de jambes issues des fermes et des campagnes sudistes. Rarement un album à la narration si pleine de détails inquiétants n’aura été aussi joyeux et charmant ! Down to the Bone, qui succède à une parenthèse narrative rappelant What’s he building in There ? (Tom Waits, Mule Variations, 1999) évoque un Waits de cimetière.  

lundi 20 juillet 2015

JOHNNY SANSONE - Lady on The Levee (2015)







OO

Pénétrant, puissant, nocturne
Blues rock, cajun

The Lord is Waiting, The Devil Too (2011) a relancé la carrière de cet ogre de la Nouvelle-Orléans. Il s'agissait juste des prémices de son nouvel engagement. 

Once it Gets Started était placé très haut dans le classement de Trip Tips l'an dernier, grâce à des chansons telles que In My Dreams, qui nous transportaient là bas et nous et y laissaient toujours traîner une part de nous. Son nouvel album, Lady on the Levee a été l'un des mieux vendus au Jazz Fest 2015, le grand festival Néo-Orléanais fort de 460 000 spectateurs.

Sansone semble de plus en plus visible dans son rôle de grand représentant du blues sudiste, avec des histoires dans ses chansons - Gertrude Property Line ou One of Us - qui le relient puissamment à l'âme de la Nouvelle Orléans. Avec son producteur Andy Osborne et l'excellent John Fohl à la guitare, ils obtiennent un son vaste, riche, habité, libre et incantatoire, avec un harmonica très présent et particulièrement déchirant - avec I'm Still Here comme point de non-retour. Ici, Sansone produit des moments irrésistiblement cajuns (Hey La La), ou mystiques comme un rassemblement d'indiens la nuit tombée (Tomato Vine), de grands moments de confrontation physique par K.O. (O.Z. Radio, et surtout Unnecessary Pain, gargantuesque). Tant de variété, de coeur, de chair sur cet album qu'on n'en revient pas complètement. Mention spéciale à Ivan Neville (The Meters), présent aux claviers.

IKE REILLY - Born on Fire (2015)




O
Entraînant, groovy
Rock, blues rock

Son titre et sa pochette lorgnent vers Bruce Springsteen, mais le 8ème album d'Ike Reilly c'est comme le punk rock mélodique des Replacements croisé avec le Bob Dylan le plus hargneux, un blues rock moite, des histoires de prolétaire imprévisible, une musique joviale et tendancieuse taillée pour les petites salles et les publics jeunes, d'autant plus survoltés dans son état natal, l'Illinois. La voix se fait traînante, caverneuse, nasillarde, ou au contraire perçante. Son phrasé est précis, incite la foule à le reprendre sur les refrains, tandis que les couplets nous portent de surprise en surprise, sur les routes pétaradantes en compagnie d'un loser magnifique. 

Comme c'est du blues rock, l'harmonica est bien présent - Do the Death Slide, Two-Weeks a Work, One Night a Love - soulignant mieux le contenu existentialiste un peu dément de ces chansons. Les oooh-oooh rappellent les Stones aussi. Am i Still the One for You et Notes for the Denver International Airport se rapprochent le plus de la façon de faire de Dylan sur Highway 61 Revisited. Dans ce maelström d'américanité authentique et propice à danser (Hangin' Round), les guitares sont souvent tellement bonnes, à fois rythmiques et fluides, qu'on ne les remarque plus. Il y a ce lien avec le sud, qui empêche toujours d'identifier complètement d'ou vient Reilly et où il va. Une ambiance psychédélique plane sur Upper Mississippi River Valley Girl.  

dimanche 14 juin 2015

LEFT LANE CRUISER - Dirty Spliff Blues (2015)







OO
intense, hypnotique
blues rock, hard rock, stoner 

Il fait chaud, le temps est orageux. Malgré les avertissements, le jeune homme aimerait bien retourner voler la weed qui pousse sur la propriété des voisins. Pas pour sa consommation personnelle, car ses parents font pousser du tabac plus qu'il ne lui en faut – mais pour la revendre. Ça lui ferait de l'argent de poche, lui qui refuse d'aider son père à travailler la terrer comme le pauvre qu'il est. Mais la quatrième tentative est toujours celle de trop. Les corbeaux le surveillent déjà. Il y a des chances que le piège provienne d'en bas. Placé à l’endroit stratégique, une mâchoire en acier se refermera sur sa cheville, lui laissant une douleur si forte qu'il aura l'impression d'être à moité amputé.* Combien de fois Evans a t-il pris l'avion, désormais, pour une tournée en Europe ? Quatre, sans doute. La paranoïa était trop forte, le niveau de THC dans ses veines « dangereusement bas », de son propre aveu. C'est le sujet de la chanson titre qui exhorte la communauté internationale à prendre au sérieux le déficit de consommation d'herbe. Pas le leur en particulier, mais la consommation générale, de celle qui peut créer des économies parallèles et produire des 'bénéfices infinis'. Une solution de sortie de crise pour des américains paumés déjà parfois accros à la méthamphétamine ?

Si ce n'est pas votre cas, il vous reste à déguster les subtiles transformations de Left Lane Cruiser, le duo de Frédérick Evans IV et Bren Beck n'étant plus. C'est un trio désormais, la section rythmique extravagante s'est étoffée d'un bassiste, mais le fait qu'il joue aussi de la guitare (fabriquée à partir d'une planche de skateboard) permet à Evans de changer légèrement ses habitudes. Alors qu'il remplissait auparavant plus ou moins tout l'espace audible disponible, guitare et voix abrasives en diable, il se convient désormais ensemble à un son mieux délimité mais toujours aussi 'fuzz'. Joe Bent, le nouveau, se fend aussi de soli délirants, sur la bien nommée Skateboard Blues justement. Ils ont été comparés aux Stooges, car leur hargne vient aussi d'un blues psychédélique. Ils empruntent au trio de Detroit les deux premiers mots de Tangled up in Bush : « I seek and destroy/i dig myself in/I'm smoking napalm/with a bamboo skin. » C'est la folie de guérilleros frustrés d'être sur la route, partout en embuscade et aliénés tant qu'ils ne jouent pas. Éloignés de leur terres où 'l'herbe est verte, comme les billets', leur message au monde, musical et autre, n'a jamais été aussi clair.

J'ai enquêté sur les bases solides du groupe dans un article en 2013, avant qu'ils ne fasse paraître Rock Them Back to Hell, une première collaboration avec le dessinateur William Stout. Mais celui-ci est plus carré, beaucoup plus comme ZZ Top. Elephant Stomp, Whitebread'n Beans ou Cutting Trees sont immédiatement accrocheurs, avec sur cette dernière une référence à Sreaming Jay Hawkins. Un épouvantail cramé avec une guitare Résonator, voilà toute la vérité selon Left Lane Cruiser. Groupe des chemins de traverse, du blues dans une version que certains qualifient de psychobilly – pour cette façon saturée de jouer. Ils iront bien aux côtés de Weedeater, fumeurs d'herbe stoner de retour en 2015 avec un album triomphalement intitulé Goliathan.

Lire Le Monde l'Endroit, de Ron Rash, adapté au cinéma en 2015 avec Steve Earle. 

lundi 27 avril 2015

JIMBO MATHUS & THE TRI STATE COALITION - White Buffalo (2013)






Chronique extraite d'un futur article sur Jimbo Mathus. (Trip Tips 26)

OO
intense, varié
country, blues rock, rock n' roll

En choisissant les dix chansons qui constituent White Buffalo (2013), Mathus se comporte exactement comme le jeune homme qu'il fut, sur le point de se rendre pour la première fois au festival folk de Mountain View, dans le nord de l'Arkansas, un lieu réputé pour préserver l'héritage musical des Ozark Mountains. Pour info, le comté de Stone County est un 'dry county' – toute vente de boisson alcoolisée est interdite. Drôle d'endroit pour un festival, et les subtilités des lois locales devaient ajouter à l'ambiance si particulière du lieu. Une matriarche se souvient d'un 'petit garçon maigrelet qui s'est hissé sur une souche et a joué Fox on the Run (une chanson composée par le groupe anglais Manfred Mann en 1968 et reprise par le chanteur country Tom T Hall). L'année suivante, il revint avec beaucoup d'autres chansons.
De l’aveu de Jimbo Mathus, White Buffalo marquait un nouveau départ dans sa carrière déjà riche en sauts d'écureuil et grimpées le long des branches. C'est l'album qui a révélé Mathus à un plus large public à l'approche de la cinquantaine, et qui marque le début de sa collaboration avec Eric "Roscoe" Ambel, dont le rôle auprès des fougueux musiciens du Tri State Coalition ressemble à celui d'un rider en peine épreuve de rodéo. En proposant Eric Carlton aux claviers, il a nuancé un son jusque là dominé par la guitare télécaster.

Parfois, comme sur la chanson titre, c'est l'occasion de tout lâcher, en apparence ; mais on se rend compte que l'ensemble de l'album est ciselé et ne dure d'ailleurs pas plus longtemps qu'un disque des Stones ou des Beatles sorti en 1963. Tout l'art de Mathus est de quand même ménager des moments d'émotion et, presque, de recueillement puisqu'il tenait à ce qu'il y ait de nombreuses harmonies sur cet album. Tous les sentiments attrapés là, observations culturelles et mythologies inabouties, sont dépeintes avec la nervosité de phrases simples et de métaphores simplistes, comme cette assertions que cette femme 'aurait du être un diamant' sur Poor Lost Souls (à ne pas confondre avec la chanson du fabuleux James McMurtry). Cette métaphore reviendra dans Shine Like a Diamond, une merveilleuse chanson pop, l'année suivante. Mais c'est celle du jardin d'Eden sur In the Garden qui laisse plus dubitatif et qui force, dès le départ, à entrer dans le jeu de la facilité lyrique soulignée de bienveillance propre à Mathus. Il faut reconnaître que la légèreté et la candeur sont partout parfaitement dosées. 

vendredi 10 avril 2015

JJ GREY & MOFRO - OL'GLORY (2015)




OO
groovy, funky
blues rock, funk, soul, country rock

C'est un de ces grands albums entre potes qui regardent effrontément vers le soleil. Parcourus d'un énorme groove funk, de soul bien léchée, de rock n' roll gallinacé à soli droit sorti des seventies, de country rock, pour que jamais la machine ne s'essouffle. De quoi proposer des concerts juke-box. 
On a beau se trouver en Floride, pour une fois, c'est un musicien humble et chaleureux, frappé par la patte funk du chanteur country Jerry Reed, par Otis Redding et par l'ombre inévitable du Lynyrd Skynyrd d'avant le dérapage. "Je viens d'une famille de la vieille école, très typique du sud, confie t-il au magazine Soul Bag. "Là ou j'ai grandi, c'était moitié blanc, moitié noir, sans "minorité". Ma famille et un drôle de mélange." Il grandit au milieu des exploitations de poulets.
Douze valeureuses chansons écrites avec une inspiration puissante, une simplicité de ton qui invite chacun de quitter son champ et de rejoindre la party. JJ Grey & Mofro jouent comme un vieux groupe, mais un qui tente la rédemption après chaque refrain. Les citadins de la grande ville finissent invités, eux aussi. Everything is a Song secoue avec la fièvre des hommes de la terre, puis on gagne peu à peu l'apesanteur, au fur et à mesure que tout le beau monde rejoint (Luther Dickinson,des North Mississippi Allstars et Black Crowes, ou Derek Trucks, des superstars du sud Tedeshi-Trucks Band dont JJ GREY mérite de partager le succès. Leurs forces se rangent derrière la vitalité de Brave Lil' Fighter ou Tic Tac Toe et des ballades ou la voix rutile par dessus les cuivres, Light a Candle  et Home in the Sky. 

samedi 15 février 2014

TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS - The Devil You Know (2014)


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groovy, efficace
blues rock, rythm & blues, hard rock, soul

Tommi Castro s'entoure : Marcia Ball est fabuleuse sur Mojo Hannah par exemple, ou les Holmes Brothers sur Two Steps Forward. C'est un grand guitariste, capable décrire un album entier de chansons accrocheuses en s'appuyant sur sa capacité à produire des ponts et des solos hyper énergiques. Et de reprendre des chansons dans le seul but de nous faire vivre plus fort, avec le Keep on Smiling de Wet Willie. Les musiciens des Painkillers, presque vétérans, jouent les morceaux avec une précision que n'égale que leur puissance sauvage. Et il y a la puissante voix soul de Castro. I'm Tired (avec Joe Bonamassa) est la chanson qui porte le plus mal son nom, le groupe y faisant montre d'une forme insolente, autour d'un groove souligné par l'orgue Hammond. Center of Attention est un autre sommet.  Face à tous les albums mous qui sortent ces temps-ci, ce disque classique mais excellent montre qu'on peut être né en 1955 et faire la loi en 2014. Peut être écouté en parallèle du coffret consacré à Mike Bloomfield.

jeudi 30 janvier 2014

BIG HEAD TODD & THE MONSTERS - Black Beehive (2014)


 
 

 
O
Groovy, efficace
Rock, blues rock
 
Todd Park Mohr et son groupe ont 25 ans de carrière, réalisé une douzaine d'albums, ont fait le Fillmore East et les stades, en particulier dans certaines régions des Etats Unis. Le chanteur d'origine germano-coréenne est une force de la nature, qui, en plus d'écrire, de chanter, sait jouer de la guitare, des claviers, du saxophone et de l'harmonica. A la recherche de toujours plus de subtilité, il enregistre avec Black Beehive un album qui réconcilie la dignité à l'arraché de Springsteen et la noblesse de Ry Cooder dans ses derniers albums, en l'espace de quelques chansons merveilleuses, telles que la chanson-titre (écrite pour Amy Winehouse), Josephina ou We Won't Go Back. Le groupe de 'Big Head Todd' n'a pas besoin de se chercher une identité de pacotille. Il est le plus mémorable en restant à la croisée des routes de l’Amérique. Quand à la pochette, elle rappelle les belles illustrations de celles de Steve Earle, un autre héros.
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