OO
intense, hypnotique
blues rock, hard rock, stoner
Il
fait chaud, le temps est orageux. Malgré les avertissements, le
jeune homme aimerait bien retourner voler la weed qui pousse sur la
propriété des voisins. Pas pour sa consommation personnelle, car
ses parents font pousser du tabac plus qu'il ne lui en faut – mais
pour la revendre. Ça lui ferait de l'argent de poche, lui qui refuse
d'aider son père à travailler la terrer comme le pauvre qu'il est.
Mais la quatrième tentative est toujours celle de trop. Les corbeaux
le surveillent déjà. Il y a des chances que le piège provienne
d'en bas. Placé à l’endroit stratégique, une mâchoire en
acier se refermera sur sa cheville, lui laissant une douleur si forte
qu'il aura l'impression d'être à moité amputé.* Combien de fois
Evans a t-il pris l'avion, désormais, pour une tournée en Europe ?
Quatre, sans doute. La paranoïa était trop forte, le niveau de THC
dans ses veines « dangereusement bas », de son propre
aveu. C'est le sujet de la chanson titre qui exhorte la communauté
internationale à prendre au sérieux le déficit de consommation
d'herbe. Pas le leur en particulier, mais la consommation générale,
de celle qui peut créer des économies parallèles et produire des
'bénéfices infinis'. Une solution de sortie de crise pour des
américains paumés déjà parfois accros à la méthamphétamine ?
Si
ce n'est pas votre cas, il vous reste à déguster les subtiles
transformations de Left Lane Cruiser, le duo de Frédérick Evans IV
et Bren Beck n'étant plus. C'est un trio désormais, la section
rythmique extravagante s'est étoffée d'un bassiste, mais le fait
qu'il joue aussi de la guitare (fabriquée à partir d'une planche de
skateboard) permet à Evans de changer légèrement ses habitudes.
Alors qu'il remplissait auparavant plus ou moins tout l'espace
audible disponible, guitare et voix abrasives en diable, il se
convient désormais ensemble à un son mieux délimité mais toujours
aussi 'fuzz'. Joe Bent, le nouveau, se fend aussi de soli délirants, sur la bien nommée Skateboard Blues justement. Ils ont été comparés aux Stooges, car leur hargne
vient aussi d'un blues psychédélique. Ils empruntent au trio de
Detroit les deux premiers mots de Tangled up in Bush : « I
seek and destroy/i dig myself in/I'm smoking napalm/with a bamboo
skin. » C'est la folie de guérilleros frustrés d'être sur la
route, partout en embuscade et aliénés tant qu'ils ne jouent pas. Éloignés de leur terres où 'l'herbe est verte, comme les billets',
leur message au monde, musical et autre, n'a jamais été aussi
clair.
J'ai
enquêté sur les bases solides du groupe dans un article en 2013,
avant qu'ils ne fasse paraître Rock Them Back to Hell, une première
collaboration avec le dessinateur William Stout. Mais celui-ci est
plus carré, beaucoup plus comme ZZ Top. Elephant Stomp,
Whitebread'n Beans ou Cutting Trees sont immédiatement accrocheurs,
avec sur cette dernière une référence à Sreaming Jay Hawkins. Un
épouvantail cramé avec une guitare Résonator, voilà
toute la vérité selon Left Lane Cruiser. Groupe des chemins de
traverse, du blues dans une version que certains qualifient de
psychobilly – pour cette façon saturée de jouer. Ils
iront bien aux côtés de Weedeater, fumeurs d'herbe stoner de retour
en 2015 avec un album triomphalement intitulé Goliathan.
Lire
Le Monde l'Endroit, de Ron Rash, adapté au cinéma en 2015 avec
Steve Earle.
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