“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

mercredi 18 novembre 2015

Article - GALACTIC & JJ GREY (2015)




Galactic

OO
groovy, funky, communicatif
Rythm and blues, modern R&B, funk

JJ Grey

OO
groovy, funky, communicatif
Blues rock, funk, soul, country rock


Au premier abord, la musique de JJ Grey est une soul musclée avec un goût prononcé de revenez-y. Mais plongez-vous un peu plus dedans et prenez plaisir au talent de raconteur d'histoires du guitariste et compositeur de Jacksonville, en Floride. Terre changeante au carrefour de plusieurs mondes, et surtout au bord de l'océan, la Floride a son compte de surfeurs quinquagénaires, sans doute, mais peu nombreux sont ceux qui, une fois sortis de l'eau, rejoignent le studio d'enregistrement pour produire une musique qui irradie la joie et la communion et s'exporte si bien à l'international. Le crédo de JJ Grey, tel qu'il l'a donné dans une riche interview publiée par la magazine Soul Bag en avril 2015 : « Chanter comme Otis Redding, jouer comme Jimmy reed, et écrire comme Bill Withers, sans oublier un peu de Georges Jones! » L'enthousiasme de Grey est contagieux. C'est qu'il sait quels extraordinaires moments musicaux l’attendent encore, comme celui qui l'a réuni avec Galactic, un grand groupe et l'un des meilleurs ambassadeurs de la musique de la Nouvelle Orléans, neuf heures de voiture à l'ouest de Jacksonville. Une occasion de partager ce qui réunit de tels artistes : le goût du son live, des tons boisés du fait maison et de la chaleur humaine. 

Galactic s'inscrit dans une continuité qui lui offre tous les mérites. Bien que l'hyperactif batteur Stanton Moore soit le porte parole du groupe, les cinq musiciens originels de 1994 sont toujours ceux qui font le groupe en 2015, plus de vingt ans plus tard. Cette performance à elle seule est un indice de leur osmose et de leur cohésion. On retrouve dans le son de Galactic tout ce qu'il y a de typiquement typiquement néo-orléanais, les rythmes de second line, plein de groove, un croisement d'influences à la fois musclé et souple, moderne et traditionnel, tour à tour dansant et communicatif en diable. Interroger l'un d'entre eux, c'est faire parler tout le groupe à travers lui. Démonstration avec Robert 'Rob' Mercurio, le bassiste, interviewé sur le website Jambase. « Jeff [Raines], notre guitariste, et moi, nous avons grandi ensemble. Nous sommes allés au collège [à la Nouvelle Orléans] en même temps quand nous avions 17 ans. Pendant le collège, nous avons rencontré plusieurs musiciens dont certains deviendraient membres du groupe. Vers 1994, nous nous étions stabilisés tels que nous sommes aujourd’hui, avec Rich Vogel [claviériste], Stanton Moore et Ben Ellman [saxophone]. » L'envie de former un groupe s'est manifestée naturellement, Mercurio et les autres aillant eu pour exemple les mythiques Meters et le Dirty Dozen Brass Band, inspirés par le flegme festif d'un Professor Longhair et la longue tradition instrumentale combinant dans la ville le boogie-woogie, le blues, le jazz, le funk et bientôt le hip hop.

Ils étaient talentueux. Leur histoire semblait devoir s'écrire d'elle même. Mais sont sont les circonstances de leur apprentissage qui en ont fait un groupe à part, autant qu'une voie d'accès immédiate aux sonorités de la ville. « Nous n'avions pas de véritable maison de disques ou le support qu'un groupe normal aurait pu avoir. Nous l'avons fait indépendamment. Avant nous, la plupart des groupes qui partaient en tournée avaient déjà un hit à la radio. C'était rare d'être un groupe sans pedigree et de tourner. » Les clubs leur ouvrent de plus en plus facilement leurs portes, puis le premier album se profile à l'horizon. Rétrospectivement, ils ont permis à de nombreux groupes, dans leur sillage, de se produire en concert sans n'avoir rien enregistré. C'est la raison pour laquelle Galactic est l'un des groupes cité le plus souvent comme ambassadeur de la culture vivante de la Nouvelle Orléans. Pour se développer, il fallait ensuite enregistrer en studio. Et c'est de rencontres en tours de forces et en surprises que Galactic est devenu le groupe qui est capable d'aligner Mavis Staples, JJ Grey, et la bohémienne soul Macy Gray et d'autres chanteurs-compositeurs brûlants et visionnaires sur un seul album.

Impossible de rendre l'énergie du live en studio. Et, au contraire, difficile de reproduire tous les samples et les sons présents sur les albums studio une fois les morceaux joués en concert. Alors autant faire des albums profitant d'une qualité d'écriture telle que les chansons qui le constituent sont destinées à entrer dans le répertoire de tête des interprète invités, tout en proposant une montée en puissance dignes d'une fête de carnaval. Pour faire tenter d'oublier la nature de l'exercice, se réunir tous dans un studio et écrire de la musique, Galactic a usé de différentes techniques qui tenaient quasiment de la mise en scène. Jamais en manque d'inspiration, ils ont inventé des albums à concepts, comme Carnivale Electricos, qui mettait en parallèle le mardi gras de la Nouvelle Orléans et ceux du Brésil. Le groupe y trouve avec félicité les points communs à ces cultures, tout en transformant audacieusement leur musique, comme rendue par les platines d'un DJ. Comme dans la série Treme, ils ont permis à des chanteurs de quasiment jouer un caméo, c'est à dire se mettre en scène dans leur propre rôle. Ainsi, sur Move Fast, ils invitaient le rappeur Mystikal à courir après sa réputation dans des timings à mettre hors d'haleine. Galactic est un groupe qui a la volonté de s'effacer derrière l'immense diversité d'une scène. Ils mettent leur versatilité au service de leurs éternelles retrouvailles avec le Dirty Dozen Brass Band, ou de leurs rendez-vous exceptionnels avec le rappeur gangsta Juvenile, le chef indien Big Chief Juan Pardo ou la chanteuse presque octogénaire des Staple Singers, Mavis.

« Le 'featuring' est souvent une idée de managers, de producteurs ou de cadres de maisons de disques », commente JJ Grey pour Soul Bag. « Rien de mal à ça, mais cest trop souvent une manière de caser un nom connu supplémentaire sur un disque. Notre démarche est différente. On est comme une famille, comme une mafia du sud-est dont Derek [Trucks] et Susan [Tedeshi] [des superstars du sud Tedeshi-Trucks Band], les Allman Brothers, sont d'éminents représentants, et tous les groupes de cette région sont plus ou moins liés. » Pour Galactic, il n'est pas question de caser un nom sur un album. La collaboration doit être donnant-donnant, et c'est encore mieux si elle débouche, comme avec Macy Gray, sur une tournée pendant laquelle le groupe se transforme en accompagnateurs de luxe pour la chanteuse, réécrivant ses chansons et leur donnant une nouvelle perméabilité. Leur premier chanteur, Theryl ‘Houseman’ DeClouet, leur avait été suggéré par leur manager de l'époque. Puis il est devenu une sorte 'd'invité permanent' prenant très souvent part aux concerts du groupe. Les musiciens comprirent rapidement qu'inviter des chanteurs provenant de sphères un peu différentes, tout en défendant souvent les mêmes valeurs spirituelles qu'eux, participait à l'hybridation de leur musique sans en entamer la cohésion. Et leur batteur Stanton Moore de défendre le secret de ces collaborations – qui ne doivent pas servir de faire valoir pour l'album. Il essaie de ménager le suspense sans citer les noms les plus célèbres : « Je groupe peux tout de même vous parler de certains d'entre eux, comme David Shaw [du groupe de soul festive The Revivalists, auteur en 2015 d'un album, Men Against Mountains] et Maggie Koerner. », explique t-il à un journaliste du website Glide Magazine début 2015.

Santon Moore est ce genre de musicien accélérant le rythme de sa vie derrière les fûts quand d'autres décideraient de s'octroyer une pause. Multipliant les collaborations et les disques en solo, il agit pour sa ville comme s'il était investi d'une mission qu'il ne pouvait jamais abandonner. Moore use de toutes les influences pour en faire un mélange unique, depuis les sons lourds de John Bonham et Bill Ward jusqu'aux feux d'artifice de Buddy Rich et de Max Roach. Et difficile de contourner pour lui Zigaboo Modeliste, le batteur des Meters, qui reste le groupe instrumental le plus célèbre de la ville.

Moore est content de la direction qu'a prise cet album, effectivement assez différent de leurs deux précédents albums, qui contenaient beaucoup de samples et un son très remixé. « Il est plus direct au niveau de la production, se focalise plus sur la façon dont on sonne quand on joue nos instruments. » Into te Deep sonne plus organique plus comme une collection de bonnes chansons, qui à paraître un peu moins cohérent pris dans son ensemble. C'est pourtant un album habilement construit, qui s'ouvre un instrumental , Sugar Doosie, puis enchaîne avec un gros morceau de blues rock, la ballade intense de Macy Gray qui donne son nom à l'album, puis un funk qui capture la patte du groupe. Un autre instrumental, puis deux chansons de R & B moderne. Domino, chantée par Ryan Montbleau est la plus entêtante surprise de l'album. Puis, après un nouvel instrumental, viennent la ballade de Mavis Staples et le tube du Jamaïcain Brushy One String, qui ne joue effectivement qu'une seule corde de sa guitare, mais produit une musique rythmique entre reggae et soul. Il existe de vieilles connexions entre la Nouvelle Orléans et tout les cultures caribéennes et sud américaines.

2015 est l'année exceptionnelle qui a vu la parution de leur nouvel album leur permet de faire équipe avec ce chanteur si puissant qui partage un producteur avec eux : JJ Grey. Retour en Floride. Ou à Paris, où le sociologue Eric Doidy a conduit son interview très enrichissante. Qu'il se rappelle les influences entendues dans le cocon familial ou qu'il parvienne à décrire avec humanité les mentalités des gens de Floride, il dessine la trajectoire d'une musique vécue comme une formidable machine de rencontres qui l'a fait échapper lui-même au grand cliché du 'tous conservateurs'. C'est un musicien humble et chaleureux, frappé par la patte funk du chanteur country Jerry Reed, par Otis Redding et par l'ombre inévitable du Lynyrd Skynyrd d'avant le dérapage. « Je viens d'une famille de la vieille école, très typique du sud. Là ou j'ai grandi, c'était moitié blanc, moitié noir, sans "minorité". Ma famille est un drôle de mélange. » Il grandit au milieu des exploitations de poulets.

Au delà, c'est son groupe tout entier qu'il s'agit de célébrer. « Le batteur, Anthony Cole, est l'un des plus formidables multi-instrumentistes que je connaisse, vient d'Orlando en Floride, mais est né à Detroit, je crois. Todd Smallie, qui vient de groupe de Derecks Trucks, est d'Atlanta. Les autres viennent du Texas, de Los Angeles... Dennis Marion, notre trompettiste, vit à Jacksonville depuis longtemps, mais il est de Baltimore. Tous sont des gens que j'ai connus au fil des années lors de tournées. Je faisais la première partie de leur groupe ou c'était l'inverse ; ou alors ils étaient dans le groupe d'un pote à moi ; ou bien ils m'ont hébergé. Mais on s'est tous connus sur la route. Au début de Mofro j'écrivais des morceaux sans vraiment avoir un vrai groupe : j'embauchais quiconque était libre selon le moment. » L'apport du producteur Dan Prothero a aussi été crucial. «Quand je l'ai rencontré pour la première fois, il m'a expliqué quelles étaient mes forces et mes faiblesses, m'aidant à consolider les unes à à me débarrasser des autres. Ce qui faisait ma force selon lui, c'est le fait de baser mes chansons sur ma vie, mon coin, les choses que j'avais vues et celles que j'avais faites. Ma grande faiblesse, c'est quand j'essayais de jouer de manière un peu artificielle au mec qui met l'ambiance. »

Si cet album nous divertit suprêmement, c'est grâce à ses solides fondations instrumentales, et aux mélodies que Grey parvient à trouver, infusant de sa ferveur originale tout ce qu'il touche. Ol'Glory est un de ces grands albums entre potes qui regardent effrontément vers le soleil. Parcouru d'un énorme groove funk, de soul bien léchée, de rock n' roll à soli droit sorti des seventies, de country rock, pour que jamais la machine ne s'essouffle. De quoi proposer des concerts juke-box. Douze valeureuses chansons écrites avec une inspiration puissante, une simplicité de ton qui invite chacun de quitter son champ et de rejoindre la party. JJ Grey & Mofro jouent comme un vieux groupe, mais un qui tente la rédemption après chaque refrain. Les citadins de la grande ville finissent invités, eux aussi. Everything is a Song secoue avec la fièvre des hommes de la terre, puis on gagne peu à peu l'apesanteur, au fur et à mesure que tout le beau monde rejoint (Luther Dickinson, des North Mississippi Allstars et Black Crowes, ou Derek Trucks) Leurs forces se rangent derrière la vitalité de Brave Lil' Fighter ou Tic Tac Toe et des ballades ou la voix rutile par dessus les cuivres, Light a Candle et Home in the Sky.

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