Parades est un disque profondément européen. Cette étiquette n’a que peu à voir avec une comparaison facile, bien que Polygyne commence doux comme un morceau de Sigur Ros, avant que des chœurs entrechoqués évoquent les travaux les plus inspirés de Bjork. Cependant, pour l’essentiel, ses orchestrations abstraites embrassent plutôt des touches ethniques, et canonisent les vestiges d’une civilisation jamais complètement reconstruite. Mirador a quelque chose de la vieille Russie. Il y a des nombreux éléments de fanfares – cuivres, et l’on dira roulements de « tambours » plus que batterie ; il y a de la musique de chambre, beaucoup de chant choral, de « aaaaaaas » et autres unissons débarrassées de mots. Il y a le freak folk de la côte ouest, et même des lignes de post-rock suffisamment mémorables ; Mirador, Horseback Tenors. Cette musique voit apparaître toutes sortes d’aberrations, diables verts, serpents jaunes, c’est une volonté d’embrasser plus que des genres, des traditions, des modes de vie. Le folklore islandais y rejoint l’indé américain farouche, le folkie entraînant est en proie à des visions gothiques du fond de la Scandinavie.
Avant cette grande œuvre, le mini-album Under Giant Trees avait débuté en haut des charts au Danemark, pays d’origine de cette troupe atypique. Parades, en 2007, a parachevé de statuer le collectif comme l’un des groupes phares de la scène européenne la plus identifiée. Que le groupe soit signé par le label nordique Leaf (Wildbirds and Peacedrums) est une autre manifestation de son identité.
Parades développe un instrumentation qui n’a que peu à voir avec le rock ; il n’y a quasiment pas de guitares, tout étant recentré sur le chœurs – un très lointain cousin des Beach Boys ? – et sur les orchestrations ostentatoires. Evoquant souvent la procession de quelques marcheurs slaves, cette musique lorgne aussi du côté d’un certain genre de pop baroque popularisée par Arcade Fire. Comme eux, c’est un couple qui chante les titres ; Thomas Sjöberg et Linda Drejer Bonde, bien que par ailleurs on assiste à la présence très prononcée de chorus féminins. Leurs chants incantatoires sont à mi chemin entre le décorum vocal à l’allemande et l’ensorcellement typiquement nordique. Un peu d’électronique, très discrète, agit comme un relique du temps de leur première œuvre – Tripper, en 2004.
Il y a la volonté de projeter une sorte de grandeur, un charme insaisissable qui n’était pas absent du travail de Peter Broderick, Home – celui-ci, qui vit en partie au Danemark, les a accompagnés en tournée. Les musiciens se sont tournés volontairement vers une musique que l’on peut appeler folklorique – changeante au gré des humeurs de ses gens, ouvrant tiroirs sur tiroirs de teintes pastel, parfois austères. Sur Frida Found a Friend, on trouve un élément morbide, renouant avec une tradition construisant sur les ruines de châteaux aux évocations de vampires.
Après un Caravan en forme de longue attente, le maléfice culmine sur Illuminant, qui conjure folk méditatif, touché par une vision toute puissante, et quelque angoisse inconnue. Il semble que Parades suive un itinéraire sans cesse changeant ; et jusqu’au bout, on se demande si le groupe va trouver une issue à sa tragédie ; finalement, Cutting ice to Snow, non content de ne pas reprendre où Illumant nous avait laissés, ne nous donne pas davantage de clefs lorsqu’il se termine abruptement.
Parades, dispensant un envoûtant et riche voyage, est à la croisée de traditions plutôt que de genres – une stratégie qui donne à Efterklang une identité particulièrement forte. C’est un disque de référence dans le paysage musical actuel, entre les expérimentations post-rock d’islandais déjà reconnus et l’envol, encore à venir – outre Kusturica -, d’une identité rock en Europe de l’Est.
Parution : 15 octobre 2007Label : Leaf
Genre Pop baroqueA écouter : Mirador, Horseback Tenors, Frida Found a Friend
7/10
Qualités : communicatif, orchestral
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire