La fosse aux serpents est à nouveau ouverte ! La belle pochette est signée Josh Graham, un habitué de la maison de disques Neurot Recordings, et membre du groupe qui a popularisé le mouvement post-core (on parle de musique métal), Neurosis. L’expérience inoubliable donnée par les élucubrations soignées des six musiciens de Oackland, en Californie - vingt ans d’âge tout de même depuis leurs débuts hardcore en 1988 – a inspiré des groupes toujours plus nombreux et talentueux aux Etats Unis, comme les Red Sparowes, Pelican, Isis, Cult of Lune, Battle of Mice.
On retrouve les membres de Neurosis dans d’autres projets – un certain nombre de ces « exercices parallèles » qui caractérisent des musiciens sur-actifs. L’un des plus remarquables parmi les personnalités de cette scène est Scott Kelly, co-leader de Neurosis qui a rejoint Shrinebuilder et ses amis Scott « Wino » Weinrich, Dale Crover des Melvins et Al Cisneros. Leur entreprise, que la presse qualifierait de « supergroupe » (formation à laquelle participent des musiciens reconnus par ailleurs au sein d’autres groupes) offre un résultat à l’alchimie nouvelle et puissante.
Imaginez les riffs stoners de Black Sabbath, avec des vocalises plus Ozzy Osbourne que nature par Weinrich, ajoutez-y les lourdeurs post-core de Neurosis, et, cerise sur le gâteau, la voix inimitable de Scott Kelly, qui brillait d’excellence sur The Ladder in my Blood, pièce isolée de son dernier effort. Poète fasciné par sang et viscéralité, par des images de portails antiques et de marques complexes, et enclin aux plongées honnêtes au fond de lui-même, il parvient parfaitement à apposer son imposante personnalité au son compact de Shrinebuilder.
Shrinebuilder, ce n’est pas seulement du gros son, il y a par là l’idée d’une quête, d’une progression. Les cinq plages dépeignent une torpeur, une transe morbide aux accents spontanés et résolument nouveaux, nés de ce mélange naturel de stoner énorme – The Architect vaut bien sa place sur Paranoïd - et de paysages arides à la narration éprouvante. Chaque musicien y apporte son bagage plutôt important ; quelque abstraction provenant de Cisneros et la concision des autres exercices de « Wino » sur le susmentionné The Architect. Un solo qui n’est pas sans évoquer les Queens of The Stone Age arrive à point nommé après quatre minutes de sujet plutôt brûlant.
Si la bande à Josh Homme a connu un succès médiatique évident avec Lullabies to Paralyse (2005) - son chef d’œuvre), il y a fort à parier que le voyage terra-stellaire d’un trop jeune quatuor (oublions un instant leur passé lourd comme un ciel de pluie en avril - Neurosis par exemple n’a aucune publicité dans la presse rock de notre pays) aura quelques difficultés, malgré la qualité immédiatement percevable de leur alchimie montée en diable, d’atteindre les oreilles de l’auditeur commun. Ainsi, ce groupe va d’abord viser les accoutumés du Hellfest et autres occasions de se foutre des décibels de dentelle – en égard à l’extrême ouvrage des pièces de bonne musique métal.
Pour entrer dans le cercle envoûtant de ces groupes d’apocalypse dont raffole la scène Californienne, le mieux est d’écouter, pour commencer, l’œuvre « doom » The Eye Of Every Storm (2004), de Neurosis. Sans vraiment parvenir à étiqueter ce que l’on est en train d’entendre au moment de le découvrir, ce son énigmatique, lourd et puissant, dont les vocalises explorent les confins de la violence et de sentiments qui n’ont pas encore été évoqués auparavant, va rapidement apparaître comme une référence essentielle aux oreilles de celui qui eu la curiosité d'y prêter une oreille. Black Sabbath et aujourd'hui Queens of The Stone Age ne sont t-il pas devenus des références grand public ? Je garde bon espoir pour Neurosis et son nouvel acolyte Shrinebuilder (placer là tout autre groupe de cette grande famille qui vaille).
Shrinebuilder a ainsi quelque chose d’ancien, d’une vieille messe aux étoiles, mais l’essentiel de sa musique est tendue vers l’avant, nous propulsant à la manière d’un Hawkwind dans des zones trop peu visitées qui sont à la fois loin du regard et si profondément enfouies en chacun de nous. Jouant d’une corde sensible avec une passion, une patience – Blind for All to See - et un panache trop rares par les temps qui courent, cette musique prend la forme d’une conjuration.
Parution : octobre 2009
Label : Neurot Recordings
- Producteur : Shrinebuilder, Deaf Nephews
A écouter : The Architect, Pyramid of The moon, Science of Anger
Appréciation : Méritant
- Note : 7/10
- Qualités : soigné, puissant
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