Parution : 31 août 2009
Label : Loose Music
Producteur : Pete Weiss
Genre : Americana, Folk
A écouter : Soft Hand, Scars, Ghost of the Girl in the Well
Note : 6.50/10
Qualités : spontané, habité
Voilà un groupe un peu particulier. Willard Grant Conspiracy a été formé comme une collaboration à taille variable entre musiciens de Boston, en 1994. Bien qu’ils soient maintenant basés en Californie, Willard Grant compte des membres qui vivent dans six pays, et a largement tourné aux États-Unis, en Europe, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. La formation garde rarement la même configuration de tournée en tournée et de disque en disque, préférant une approche festive et élastique qui permet aux différents membres du collectif de participer à chaque nouvel effort si leurs emplois du temps le leur permettent. Sur scène, on a aussi bien vu quatorze membres qu’un seul, pour une narration en constante évolution, centrée autour de l'auteur-compositeur principal Robert Fisher, baryton dont la portée lyrique fut comparée à celle Cash, Cohen ou John Cale. On entraperçoit ainsi en Willard Grant Conspiracy une sorte de véritable groupe troubadour, réunis autour d’une voix et d’une même passion pour un folk ancien mâtiné d’accents de musique progressive et moderne. Leur musique est faite de la fusion de folk avec l'esthétique musicale Do It Yourself issue de la scène post-punk. Habitués à changer régulièrement l’esprit de leurs compositions – ils ont en 2008 publié un disque orchestré, Pilgrim Road -, ils fournissent avec Paper Covers Stone un disque brut dans l’esprit live, enregistré en seulement deux jours, dans une configuration de six musiciens. Dès lors, tout est recentré sur les guitares, majoritairement acoustiques.
Il s’agit pour la plupart d’anciennes – mais pas trop - compositions du groupe, qui sont ici rejouées avec l’apport de nouvelles idées. Ce n’est pas du tout le signe d’un tarissement de la créativité du groupe, qui au contraire prend des libertés typiques d’une interprétation de concert. Et surtout, cette nouvelle visite d’anciens territoire permet à Fisher de recapturer l’essence des chansons, et de la restituer ici avec une spontanéité et une justesse magnifiques. Il s’agit en réalité d’une réinvention, comme le groupe en a l’habitude, qui semble toujours roder autour de la davantage de précision et de justesse. Comme partout en folk, il ne s’agit en effet pas de trouver la perfection, mais de se rapprocher au plus près de ce que l’on veut exprimer, même si cela donne des morceaux apparemment rébarbatifs. Je vous rassure, Paper Covers Stone est passionnant car il trouve le compromis entre introspection et ferveur musicale communicative. C’est un album virtuose, composé de morceaux – peu importe qu’ils n’aient en majorité pas été écrits pour l’occasion – issus d’une grande plume. Et, surtout, d’une oreille attentive aux vibrations d’un environnement entier, comme celle d’un Bill Callahan justement – je n’ai pas encore de meilleur exemple sous la main que cet artiste qui a publié cette année Sometimes i Wish We Were an Eagle. L’expérience de quinze ans de la formation se fait sentir, et ils savent tout simplement où ils mettent les pieds.
Leur maîtrise du champ sonore comprend aussi bien l’aspect du timing – toujours plus étiré en folk que dans les autres styles musicaux, étant donné l’implication plus absorbée, peut on dire, des musiciens – mais aussi un élargissement remarquable de la section instrumentale jusqu'à inclure une évocatrice scie musicale, ou à opposer guitare électrique dronisante et guitare sèche envoûtante (sur Painter Blue). Ghost of the Girl in The Well, qui utilise aussi le violon, ajoute à la tension vocale une sorte de désolation gothique. C’est une exploration dans les tréfonds de l’âme, ce que le folk sait faire à la perfection. Cette richesse sonore nous fait vite oublier le peu de temps consacré à ces morceaux, qui de toute évidence ont été rodés, depuis le temps qu’ils sont joués sur scène. L’objectif des musiciens est, en les reprenant de nous en rendre le meilleur, de leur donner une pleine dimension, cette épaisseur qu’ont les titres d’artistes comme Callahan. Impression confirmée lorsqu’on s’aperçoit que les deux nouvelles compositions du disque, Scars mais surtout Preparing For The Fall, contiennent des longueurs qui trahissent leur trop grande jeunesse. Si l’on pense à Neil Young, qui a su faire murir certains de ses morceaux pour les rejouer dans des versions bien supérieures à celles présentes sur ses disques, on comprend mieux la démarche. Il peut cependant être risqué de transformer un morceau, pour se rendre compte finalement de son peu de valeur. Mais cette sélection naturelle, les artistes prolifiques comme ceux de Willard Grant Conspiracy savent la faire. Apparait alors ici la crème de leurs envies.
Label : Loose Music
Producteur : Pete Weiss
Genre : Americana, Folk
A écouter : Soft Hand, Scars, Ghost of the Girl in the Well
Note : 6.50/10
Qualités : spontané, habité
Voilà un groupe un peu particulier. Willard Grant Conspiracy a été formé comme une collaboration à taille variable entre musiciens de Boston, en 1994. Bien qu’ils soient maintenant basés en Californie, Willard Grant compte des membres qui vivent dans six pays, et a largement tourné aux États-Unis, en Europe, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. La formation garde rarement la même configuration de tournée en tournée et de disque en disque, préférant une approche festive et élastique qui permet aux différents membres du collectif de participer à chaque nouvel effort si leurs emplois du temps le leur permettent. Sur scène, on a aussi bien vu quatorze membres qu’un seul, pour une narration en constante évolution, centrée autour de l'auteur-compositeur principal Robert Fisher, baryton dont la portée lyrique fut comparée à celle Cash, Cohen ou John Cale. On entraperçoit ainsi en Willard Grant Conspiracy une sorte de véritable groupe troubadour, réunis autour d’une voix et d’une même passion pour un folk ancien mâtiné d’accents de musique progressive et moderne. Leur musique est faite de la fusion de folk avec l'esthétique musicale Do It Yourself issue de la scène post-punk. Habitués à changer régulièrement l’esprit de leurs compositions – ils ont en 2008 publié un disque orchestré, Pilgrim Road -, ils fournissent avec Paper Covers Stone un disque brut dans l’esprit live, enregistré en seulement deux jours, dans une configuration de six musiciens. Dès lors, tout est recentré sur les guitares, majoritairement acoustiques.
Il s’agit pour la plupart d’anciennes – mais pas trop - compositions du groupe, qui sont ici rejouées avec l’apport de nouvelles idées. Ce n’est pas du tout le signe d’un tarissement de la créativité du groupe, qui au contraire prend des libertés typiques d’une interprétation de concert. Et surtout, cette nouvelle visite d’anciens territoire permet à Fisher de recapturer l’essence des chansons, et de la restituer ici avec une spontanéité et une justesse magnifiques. Il s’agit en réalité d’une réinvention, comme le groupe en a l’habitude, qui semble toujours roder autour de la davantage de précision et de justesse. Comme partout en folk, il ne s’agit en effet pas de trouver la perfection, mais de se rapprocher au plus près de ce que l’on veut exprimer, même si cela donne des morceaux apparemment rébarbatifs. Je vous rassure, Paper Covers Stone est passionnant car il trouve le compromis entre introspection et ferveur musicale communicative. C’est un album virtuose, composé de morceaux – peu importe qu’ils n’aient en majorité pas été écrits pour l’occasion – issus d’une grande plume. Et, surtout, d’une oreille attentive aux vibrations d’un environnement entier, comme celle d’un Bill Callahan justement – je n’ai pas encore de meilleur exemple sous la main que cet artiste qui a publié cette année Sometimes i Wish We Were an Eagle. L’expérience de quinze ans de la formation se fait sentir, et ils savent tout simplement où ils mettent les pieds.
Leur maîtrise du champ sonore comprend aussi bien l’aspect du timing – toujours plus étiré en folk que dans les autres styles musicaux, étant donné l’implication plus absorbée, peut on dire, des musiciens – mais aussi un élargissement remarquable de la section instrumentale jusqu'à inclure une évocatrice scie musicale, ou à opposer guitare électrique dronisante et guitare sèche envoûtante (sur Painter Blue). Ghost of the Girl in The Well, qui utilise aussi le violon, ajoute à la tension vocale une sorte de désolation gothique. C’est une exploration dans les tréfonds de l’âme, ce que le folk sait faire à la perfection. Cette richesse sonore nous fait vite oublier le peu de temps consacré à ces morceaux, qui de toute évidence ont été rodés, depuis le temps qu’ils sont joués sur scène. L’objectif des musiciens est, en les reprenant de nous en rendre le meilleur, de leur donner une pleine dimension, cette épaisseur qu’ont les titres d’artistes comme Callahan. Impression confirmée lorsqu’on s’aperçoit que les deux nouvelles compositions du disque, Scars mais surtout Preparing For The Fall, contiennent des longueurs qui trahissent leur trop grande jeunesse. Si l’on pense à Neil Young, qui a su faire murir certains de ses morceaux pour les rejouer dans des versions bien supérieures à celles présentes sur ses disques, on comprend mieux la démarche. Il peut cependant être risqué de transformer un morceau, pour se rendre compte finalement de son peu de valeur. Mais cette sélection naturelle, les artistes prolifiques comme ceux de Willard Grant Conspiracy savent la faire. Apparait alors ici la crème de leurs envies.
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